Seine Saint-Denis : Les écoles dépassées par la crise sanitaire 

Le nouveau protocole dans les départements « confinés » impose la fermeture des classes à partir d’un cas positif. Une décision dont s’est réjoui le SNUipp-FSU 93 jusqu’à ce que le syndicat découvre la faq publiée le 27 mars. En effet, si un élève est déclaré positif, la classe ferme mais si l’enseignant de la classe est lui positif, pas de fermeture et pas de remplaçant, puisqu’il n’y en a plus aucun de disponible dans le département. Une situation ubuesque surtout dans le premier degré lorsque l’on sait le sort réservé aux élèves dans le cas d’une absence d’enseignants : ils sont répartis dans les autres classes. Vingt-cinq élèves, dans le meilleur des cas, qui se retrouvent obligés de passer la journée dans une classe qui n’est pas la leur. Quid du non-brassage pour limiter la propagation du virus ? 

 

 « C’est assez hallucinant que l’on ne décide pas de mettre à l’isolement la classe dans le cas de la positivité de l’enseignant mais tout aussi hallucinant que l’enseignant ne soit pas placer en septaine si la classe est fermée » s’emporte Caroline Marchand, co-secrétaire départementale du SNUipp-FSU 93, premier syndicat des professeurs et professeures des écoles. Et elle a de quoi s’énerver, dans le département, le mot d’ordre était : « pas de fermeture », et ce à tout prix. Aujourd’hui, la situation a évolué, si un élève est déclaré positif, toute la classe ferme. Encore faut-il que cet élève soit testé… Une décision qui semble sage lorsque l’on sait la recrudescence des cas positifs dans l’académie.

 

Une flambée des cas en Seine-Saint-Denis

 

 Au 26 mars, selon les chiffres du SNUipp-FSU, 3696 élèves étaient déclarés positifs contre 2366 la semaine précédente, soit une recrudescence de 56,2%. Mais cette hausse alarmante ne concerne pas seulement les élèves, le nombre d’enseignants positifs explose lui aussi, +49,4%, passant de 587 le 26 mars contre 393 le 19. Et c’est là que le bas blesse. Si un enseignant est positif, la classe ne ferme pas. Les élèves, potentiellement porteurs du virus, sont dispatchés dans les autres classes, ruinant ainsi tous les efforts de non-brassage mis en place par les équipes. Et pour couronner le tout, si la classe ferme, l’enseignant n’est pas mis à l’isolement. « À croire qu’au ministère, on estime que l’enseignant ne fait pas partie de la classe. On n’isole pas celui-ci et il doit effectuer des remplacements pour éviter l’hémorragie… C’est tellement contre-productif. D’une part, parce que si l’enseignant ne décide pas, de lui-même de se faire tester, il ne l’est pas. Il pourrait être lui aussi porteur du virus et contaminer d’autres personnes, élèves comme personnels de l’école. Et puis, si la classe est à l’isolement ne devrait-il pas assurer, tant bien que mal, ses cours en distanciel pour que les élèves ne perdent pas le fil ? » interroge Caroline.

 

Mais existe-t-il une solution ? Pour le syndicat, il faut fermer toute l’école dans des cas où on observe un nombre significatif de cas. Quand on demande à la co-secrétaire ce qu’il en est de la campagne de tests massifs annoncée avec force par Jean-Michel Blanque, elle répond sur leur insuffisance. « Il y a des tests seulement dans certaines écoles et lorsqu’ils ont lieu, il faut attendre près d’une semaine avant que les parents aient les résultats. Les laboratoires sont débordés, il est impossible de rompre les chaînes de contamination dans ces conditions ». Ces tests, un effet d’annonce encore ?

 

Ne pas fermer à tout prix

 

Stéphanie Fouilhoux, directrice de l’école Saint Léger de Saint Denis (93) et conseillère syndicale du SNUipp-FSU raconte la folie qu’elle a vécu lors des dix derniers jours dans son école maternelle de cinq classes et 118 élèves « Depuis trois semaines, nous avions une collègue absente pour un congé maladie ordinaire et qui n’a jamais été remplacée. Une absence non remplacée signifie, concrètement, que tous les jours les élèves sont répartis dans les quatre classes restantes, ils sont donc brassés. Jusque-là c’était compliqué mais gérable. Mais, samedi 20, une collègue me téléphone pour m’avertir qu’elle est positive au CoVid. Le lundi, on se retrouve donc à trois enseignants dans l’école au lieu des cinq habituels. Dans la matinée, j’apprends qu’une enseignante spécialisée qui intervenait dans notre école les jeudi 18 et vendredi 19 était elle aussi positive au virus. Et pour finir, l’une de nos collègues qui se sentait un peu patraque dans la journée, a passé le test le soir même qui s’est avéré lui aussi positif. Sur cinq enseignants présents la semaine précédente, trois étaient positifs. Pour moi, elles n’ont pas pu se contaminer entre elles, les symptômes sont, pour toutes, apparus à peu près au même moment et nous faisions tous très attention. Seule possibilité : une contamination par les élèves, mais comme ils ne sont pas testés… » Stéphanie explique avoir eu connaissance de cas positifs dans les familles de certains élèves, qui se sont placés en isolement, mais quid des autres ?  « Le mardi, nous n’étions plus que deux enseignants dans l’école. Le médecin scolaire, dépêché par l’inspecteur, a décidé de nous considérer, mon collègue et moi, comme contacts à risque. Et là, c’est l’hécatombe. Cela signifiait qu’aucun enseignant ne serait présent le jeudi dans l’école ».

 

Le bon sens aurait voulu que l’école ferme et qu’elle soit considérée comme un cluster mais, non. La direction académique a pris la décision de garder l’école ouverte coute que coute. « Je me suis donc retrouvée à expliquer aux parents que l’école serait ouverte mais que nous ne savions pas s’il y avait des remplaçants ou pas. Il y avait donc potentiellement 118 élèves qui pouvaient se présenter à la porte de l’école sans personne pour lui ouvrir ». Une décision incompréhensible dans le contexte sanitaire actuel. Prendre cette décision, c’était aussi prendre le risque de laisser le virus se propager et mettre en danger les familles. « Cette gestion est cacophonique. Deux parents m’ont contactée le weekend dernier pour m’informer qu’ils étaient à l’isolement. Est-ce que leur enfant l’a attrapé à l’école ? On ne le saura jamais. Et puis, même pour nous, enseignants, c’est faire courir un risque à nos familles. D’ailleurs, l’une des collègues positives à contaminé l’un de ses proches ».

 

Les élèves répartis dans les autres classes

 

De l’autre côté du département, à l’école Victor Hugo de Sevran, même capharnaüm. Fin janvier dernier, sur vingt enseignants, treize absents. Sept enseignantes positives au CoVid, trois cas contacts et deux maladies ordinaires. « On a eu quelques brigades Covid, des enseignants remplaçants dépêchés par la direction académique. Mais pas treize. On a donc dû répartir les élèves dans d’autres classes, ce qui est un non-sens lorsque l’on sait tout ce que l’on met en place depuis des mois pour ne pas brasser les élèves… » raconte Laurence Cantoia, directrice de l’école et déléguée syndicale. Dans cette école, au début, les parents n’ont pas été informés des causes de l’absence, « on a évité, on est quand même soumis à une certaine réserve » explique-t-elle, « mais les parents ont vite compris lorsqu’ils ont vu le nombre de profs absents ».

 

Des élèves répartis dans d’autres classes, c’est le quotidien de milliers d’écoles sur le territoire lors d’absences des enseignants, bien souvent non remplacées. Une situation qui, outre l’aspect pédagogique en temps normal, met à mal le protocole sanitaire visant à limiter la propagation du virus dans le contexte sanitaire actuel. D’ailleurs, Le SE-UNSA 93, syndicat d’enseignants, a déposé une alerte sociale au DASEN. Dans son communiqué, il interpelle la direction académique : « les collègues n’ont pas à mettre en danger leur santé au travail. Nous ne pouvons tolérer que l’administration nie la situation catastrophique de notre département ». Le SNUipp-FSU appelle, quant à lui, à ne plus accueillir les élèves en cas de non-remplacement d’un enseignant absent, « cet appel contrevient à nos valeurs d’un service public d’éducation permettant l’accès de tous les élèves à une école de qualité mais il s’impose pour préserver la santé et la sécurité des enfants comme des adultes ».

 

Lilia Ben hamouda

 

 

Par fjarraud , le mardi 30 mars 2021.

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