Le Blé en Herbe : une école pour faire société 

Dans le petit village breton de 380 âmes de Trébédan (22), l’école est centrale. Elle est le lieu grâce auquel les liens se tissent.  L'école "Le blé en Herbe" accueille 72 élèves dans des locaux réaménagés en 2007. Les trois enseignantes Valérie Ronsoux, Manuela Arnaud et Nolwenn Guillou, qui est par ailleurs la directrice, ont décidé que « faire société » devait être au centre du projet d’école. Un projet mis en lumière par l’association Vis ma classe qui propose des capsules vidéo des différents outils utilisés par l’équipe à visionner sur leur site.

 

Faire société, un bien beau challenge qui peut sembler un peu fourre-tout. « Il est difficile de former des citoyens de demain si l’école est repliée sur elle-même, si les enfants sont essentiellement en situation de compétition, s’ils ne se confrontent pas à l’altérité. Alors, au Blé en Herbe, les enfants apprennent à se comprendre eux-mêmes autant qu’à comprendre l’autre » explique Nolwenn.

 

 « On s’est rendu compte que même dans notre tout petit village, des enfants, des adolescents, des adultes ne se connaissaient pas. À la sortie de l’école, il y avait un terrain de boules sur lequel jouaient les anciens. Les parents et les enfants passaient devant eux et ne disaient pas bonjour. Les anciens et les enfants ne se connaissaient plus dans un village de 380 habitants, où l’inverse paraissait évident » raconte Nolwenn.  C’est face à ce constat que les trois enseignantes jugent alarmant qu’elles décident d’agir.

 

L’école, pilier pour faire société

 

Selon les professeures des écoles, « l’école joue un rôle primordial dans le faire société. Pour faire société aujourd’hui mais aussi pour construire chez les élèves les compétences nécessaires pour construire la société demain ». Pour y parvenir, elles axent leur pédagogie autour du travail sur la relation à soi et aux autres, sur le fait de se découvrir soi-même y compris dans la relation aux autres. Elles échafaudent tout un programme décomposé en deux phases. La première, ouvrir l’école aux différents acteurs gravitant autour de l’école : parents, anciens du village, élèves de l’Institut Médico-Éducatif situé à proximité, personnes âgées vivant en EPHAD, associations et différents professionnels en fonction du projet. Deuxième phase : s’ouvrir au monde, faire évoluer l’école hors de ses murs afin que les élèves comprennent l’action qu’ils peuvent avoir sur leur environnement, qu’il soit social ou géographique.

 

Des outils pour travailler sur les émotions et la communication verbale

 

Le tableau des émotions est l’un des outils qu’utilisent Nolwenn, Valérie et Manuela pour travailler la relation à soi et aux autres. Savoir mettre un mot, et une couleur dans le cas de leur tableau, sur ce que ressent l’élève lui permet de nommer son émotion mais aussi de mieux la maîtriser. « Le tableau des émotions donne l’occasion à l’enfant de s’exprimer sur son état afin de pouvoir le dépasser, se sentir mieux en classe et être plus disponible pour les apprentissages ». Alors tous les jours, les enfants placent l’étiquette correspondant au niveau de l’émotion qu’ils ressentent : joie, colère, tristesse, peur. Un travail qui leur permet de mieux se comprendre mais aussi de mieux comprendre leurs petits camarades et de développer leur capacité d’empathie.

 

Autre levier pour travailler la relation à l’autre : l’utilisation du message clair. L’emploi de cette méthode permet d’exprimer de façon explicite ce que l’enfant attend de l’autre afin d’éviter les malentendus.

 

Des projets intergénérationnels mais aussi avec de multiples acteurs du tissu social

 

Du côté de l’ouverture sur l’extérieur, les projets ne manquent pas. « On a commencé par proposer au club du troisième âge de venir nous aider à bêcher dans la cour de récréation ». Une activité qui a ravi petits et grands. Depuis, il y a eu la création du potager, le partage de la galette des rois ou encore des crêpes de la chandeleur. Autant d’occasion de se rencontrer, autant d’occasion de faire entrer l’autre dans l’école.

 

La construction d’une cabane au sein de l’école a aussi permis de réunir enfants, parents, habitants, élus, professionnels du conseil en architecture, urbanisme et environnement. Même la rénovation de l’école en 2007 a été l’occasion de discuter ensemble du bâti scolaire. Les 72 élèves se sont aussi associés à des chorégraphes, des danseurs professionnels, les parents, les jeunes de l’IME, les aînés de la commune et de l’EPHAD lors d’une représentation publique de danse.

 

Ces projets ont tous une dimension pédagogique que les enseignantes ne perdent pas de vue. Dans le cadre du parcours citoyen et de l’enseignement moral et civique (être capable d’écoute, accepter la différence, coopérer, mettre en œuvre des règles de communication dans un débat…) mais aussi dans le domaine de la langue (dire pour être entendu et compris, participer à des échanges dans des situations diversifiées…). Et puis, chaque projet, qu’il soit en sciences, en arts ou autre domaine, permet aussi de développer les compétences qui lui sont propres. Ces dernières années, un travail important est aussi mené sur la nécessité d’impliquer davantage les élèves sur les réponses à inventer pour répondre aux enjeux écologiques.

 

Un projet mis en avant

 

L’école le Blé en Herbe est donc un acteur social incontournable au sein du village de Trébédan. C’est la raison pour laquelle l’association InFocus, qui produit habituellement des campagnes audiovisuelles pour des associations, ONG…, s’est intéressée à cette petite école. L’association avait pour objectif de créer un site d'immersion dans des écoles primaires à destination des enseignants, « on leur propose d'être une petite souris et de se faufiler dans la classe, dans l'école de leurs collègues pour découvrir leur projet éducatif et pédagogique mais aussi les outils et pratiques du quotidien qui en découlent » explique Cyril Tassart, le producteur. « Si la rencontre avec l’école le Blé en herbe est un peu le fruit du hasard, l'envie de travailler avec cette équipe a été immédiate : l'intention d'amener les enfants à "faire société" dès le plus jeune âge, la dynamique que l'école a créé dans le village, les activités avec les personnes du club du troisième âge... Tout cela nous a immédiatement parlé. Donc nous sommes repartis heureux et inspirés de cette immersion et avons hâte de réaliser les prochaines ! » rajoute-t-il.

 

Le projet de Vis-ma-classe est ambitieux mais pour autant l’association ne cherche pas à faire du sensationnel. Loin de là. Cyrille s’explique, « À Vis Ma Classe, on considère qu'il n'y a pas d'enseignants "modèles", qu'il n'y a pas une ou quelques écoles qui ont tout compris et sont parfaites. En revanche, on constate qu'en fonction des enfants, des enseignants et du contexte, une dynamique particulière émerge. De manière formelle - via le projet d'école par exemple - ou informelle, l'équipe enseignante s'arme d'une intention qui lui est propre pour répondre aux mieux aux besoins spécifiques qu'elle rencontre. On considère que partager cette intention, cette dynamique peut avoir beaucoup de valeur pour tous les enseignants. C'est pour ça que Vis Ma Classe a été pensé sous forme d'immersions : on cherche à capter et partager en images ce qui fait le sel d'une école, son projet éducatif et pédagogique particulier. Mais pour ne pas en rester aux intentions et à la théorie, on présente de manière très concrète des outils, des pratiques du quotidien, qui sont les "manifestations" tangibles de ce projet. Les enseignants qui visitent le site peuvent ainsi s'approprier certaines pratiques si cela leur semble opportun. Plus globalement, je pense que l'éducation est la clé si l'on espère être capable, demain, de répondre aux défis gigantesques qui nous font face. C'est donc tout naturel de lancer un projet associatif au service de l'éducation ! » conclut Cyrille.

 

L’école du Blé en Herbe n’est donc pas une école exceptionnelle mais une de ces nombreuses écoles où les enseignants s’investissent. « On nous demande souvent d’où viennent ces idées, pourquoi avoir mis en place tout ça ? Ces idées elles viennent du besoin des enfants et elles viennent des solutions qu’on a trouvées pour répondre à ces besoins-là. On n’invente pas des choses extraordinaires » explique Valérie. Et pour Nolwenn, « Pour moi, c’est évident qu’in incarne une mission quand on est enseignant. Ça me plaît de me le dire. D’avoir la sensation qu’on va avoir un impact sur ce que va être la société demain ». Des petites graines semées qui semblent déjà germer. Dans le village, les différents projets menés par l’équipe pédagogique ont fait naître l’envie de monter une association, La fabrique d’énergie citoyenne, qui travaille avec l’école mais propose aussi un café associatif, la vente de produits bio et locaux, des ateliers couture, dessin, cuisine… Le Blé en Herbe, une école qui a permis à un petit village de retisser le lien, de faire société… Comme, surement, dans beaucoup d’autres villages et communes.

 

Lilia Ben Hamouda

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 24 mars 2021.

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