Margot l’abricot : Solidarité pédagogique sur Twitter 

Margot l’abricot, c’est le pseudonyme utilisé par Margot Lopes sur Twitter. Sur le réseau social, plus de 35 000 abonnés suivent les péripéties de cette jeune professeure des écoles. Pleine d’humour, mais aussi assez sarcastique lorsqu’il s’agit de parler des conditions actuelles d’exercices du métier, Margot partage le quotidien de sa classe et de ses élèves. Et puis, il y a quelques jours, cet intérêt pour sa pratique s’est transformé en un énorme et magnifique élan de solidarité. L’enseignante avait glissé dans sa bio – page de présentation du réseau social - une Whislist de jeux pédagogiques et livres qu’elle souhaitait acquérir pour sa classe, un peu comme une liste de mariage ou de naissance. Un des abonnés, resté anonyme, lui a fait livrer un des articles, depuis c’est l’emballement…

 

C’est à 8 ans que naît la vocation de Margot : elle deviendra professeure des écoles. Un but dont elle ne s’est jamais écartée, après une licence de Lettres Modernes puis un Master MEEF 1er degré, elle passe le concours de professeur des écoles. Dès qu’elle obtient le concours, elle partage son expérience sur Twitter.  « J’ai commencé à partager mes anecdotes mais surtout à écouter beaucoup d’étudiants dans mon cas, à les conseiller, à les rassurer. Ensuite, j’ai commencé à régulièrement publier mon travail, expliquer ma relation aux élèves ». Suivie par des enseignants, elle l’est aussi par des étudiants et étudiantes qui perdent foi en l’école et par énormément de parents soulagés de voir que les PE ont de la considération pour les élèves. « Le but de mon twitter est de partager les facettes positives de mon métier et de montrer qu'il existe énormément de profs passionnés ». Depuis mars 2019, Margot enseigne à l’école élémentaire de dix classes Jules Guesde à Houilles (78). Cette année, ce sont 27 élèves de CE1 qui partagent son quotidien, des élèves qu’elle décrit avec beaucoup d’affection, « ils sont motivés et ont soif d’apprendre, ma classe est vraiment agréable ».

 

Une solidarité inattendue

 

Comme énormément d’enseignants, Margot utilise souvent ses deniers personnels pour acheter du matériel pédagogique, alterner les supports et agrémenter le quotidien de ses élèves. « J'ai toujours mis de côté le matériel coup de cœur dans une liste sur un site de vente en ligne en me disant j'achèterai plus tard lorsque j'aurai des sous. La liste s’allongeait je n'arrivais jamais à tout acheter. Je me procurais une ou deux choses par mois, mais avec tout le matériel à côté que je devais fournir afin de pouvoir enseigner convenablement, je me retrouvais à dépenser entre 100 et 150 euros par mois pour ma classe. Un jour, j’ai décidé de la mettre dans ma bio twitter mais sans jamais dire qu'elle y était. Je n'en ai jamais fait la promotion, elle était là, pour les curieux, pour ceux qui voulaient voir le matériel dont aurait besoin une PE pour enseigner correctement et aussi pour que d'autres collègues piochent des idées ».

 

Et puis, un jour, elle reçoit l’un des objets de cette liste, une souris robot pour travailler la programmation et le codage avec les élèves. « Je n'attendais aucun colis alors j'étais très surprise. J'ai remercié publiquement cette personne qui est toujours restée anonyme d'ailleurs. Suite à ces remerciements, une vague de générosité a envahi Twitter, et la liste a été vidée en 24 heures ». Dans cette liste, une quarantaine de jeux, livres ou autre matériel pédagogique. « Des livres pour me permettre de travailler des notions bien précises comme l’histoire, les arts ou encore le recyclage. Des jeux autonomes pour permettre à des élèves dits rapides de développer leurs capacités réflexives avec un casse-tête ou un livre à énigmes, par exemple. Des Lego, d'une part pour leur permettre de jouer, car ils ont 7 ans et que c'est important, d'autre part pour concrétiser un projet que nous avions de réaliser la maquette de la classe, et quoi de mieux que des Lego pour cela.

 

Il y avait aussi des fournitures scolaires dont nous manquions, tels que des feutres ou encore des stylos. Beaucoup de puzzles aussi, les élèves adorent. Des jeux de Memory, des jeux de société comme le Jenga, le docteur Maboul, le puissance 4...  Des bons points, des autocollants de récompenses pour eux... Tout tournait essentiellement autour des besoins de mes élèves, que je tentais d'assouvir seule mais sans jamais y arriver. J’avais besoin de matériel pour éviter le côté abstrait que peu avoir l’enseignement et qui met à mal certains élèves, les faire manipuler est bénéfique, ils apprennent en s’amusant ».

 

Des dons pour pallier au manque de moyens alloués à l’école

 

Cet élan de solidarité, Margot n’en revient toujours pas. « Les cadeaux sont arrivés des quatre coins du monde, de la part de parents, de collègues enseignants, d’inconnus n’ayant aucun lien avec l’école et même d’étudiants. A la hauteur des moyens de chacun, comme ces étudiants qui ont tenu à contribuer en achetant des petits objets à 3-4 euros. Certains m’expliquaient qu’ils n’avaient pu acheter qu’un article peu coûteux mais qu’ils tenaient à participer pour les élèves… J’avais l’impression qu’ils s’excusaient presque de ne pouvoir donner plus, alors qu'en réalité ils ont tellement donné… » 

 

Cette générosité met tout de même en lumière le manque cruel de moyens alloués à l’école. « Nous n'avons presque aucun financement. Nous avons un budget accordé par la mairie en début d'année. Pour ma part il s’agit d’environ 400 euros pour trente élèves. Un financement qui permet d’acheter les fournitures, les cahiers, les stylos, les feutres, les manuels ou les fichiers, et éventuellement s'il reste un peu, des pots de peinture ou des gommettes, paillettes, matériaux d'arts... Il existe aussi la coopérative de classe qui est alimentée par les dons de parents, ils donnent en fonction de leurs moyens. Dans le cas de ma classe, nous avons eu environ 150 euros. Cet argent sert surtout à financer la fête des mères, la fête des pères ou les décorations de noël... Pour ce qui s’agit des livres sur lesquels je voulais travailler, l’encre, l’imprimante, le papier, la plastifieuse ou encore les feuilles à plastifier, c’est mon argent qui le finance. Si l'on se cantonne au matériel fourni par l’éducation nationale, on fait classe, certes, mais dans des conditions qui ne sont agréables ni pour les élèves, ni pour nous. On nous demande de faire manipuler les élèves, de les faire tester, de leur montrer plein de choses, mais comment ? Cette liste, c'était en quelque sorte le matériel de rêve pour enseigner dans les meilleures conditions mais aussi et surtout pour pouvoir individualiser et prendre en compte les besoins de chacun de mes élèves.  Par exemple, comment travailler la notion de masse avec les élèves sans balance ? Bien entendu, il y a des vidéos, des activités, des exercices, mais quoi de plus concret que d'en avoir une et de laisser les élèves manipuler des poids et peser eux-mêmes pour qu’ils comprennent ».

 

Pour Margot, au-delà des cadeaux reçus, c’est la générosité d’inconnus qui la touche le plus. « Je ne remercierai jamais assez toutes ces personnes qui ont contribué à faire de ma classe une classe super équipée et qui rendent une petite trentaine d’enfants heureux et épanouis.  Certains de ces contributeurs sont restés anonymes par choix, et s'ils voient cet article j'aimerai qu'ils sachent que je les remercie du fond du cœur, leur bienveillance me touche. Merci à chacun d'entre eux. De l'étudiant, à la mère de famille, en passant par la collègue qui est tombée sur le tweet ».

 

Lilia Ben Hamouda

 

Sur Twitter

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 17 mars 2021.

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