En grève de la faim, deux enseignants font appel au ministre 

Ce lundi c'est le 8ème jour de grève de la faim de Leila, professeure d'arts plastiques et Pierre, professeur d'histoire-géographie au collège Lucie Aubrac de Givors (69). Suite à une vague d'agressions contre les professeurs de ce collège Rep, Leila et Pierre en demandent pas la protection fonctionnelle ou une présence policière. Enseignants, ils veulent beaucoup : la reconnaissance de leur réseau tout entier (écoles comprises) en Rep+ afin d'apporter une réponse pédagogique aux problèmes de leur collège. Ils en appellent à JM Blanquer et s'en expliquent.

 

Dans le collège Lucie Aubrac de Givors, Pierre est le pilier de l'établissement. Il y enseigne l'histoire-géographie depuis 25 ans, un choix totalement assumé en cohérence avec ses conceptions pédagogiques et citoyennes. Leila, professeure d'arts plastiques, est au collège depuis 10 ans. Elle aussi a choisi de rester après une première carrière hors de l'enseignement. Tous deux campent depuis le 25 janvier dans une petite salle située juste à coté de la salle des professeurs du collège. Ils entament leur 8ème journée de grève de la faim.

 

Ce qui a déclenché leur mouvement c'est une succession d'agressions contre les enseignants du collège. Des agressions graves qui ont mis en danger la vie des enseignants et pour lesquelles des plaintes ont été déposées. Les enseignants du collège ont fait grève le 25 janvier et obtenu du Dasen un demi poste de Cpe et un surveillant supplémentaire jusqu'à la fin de l'année. Pas de quoi leur faire abandonner leur grève de la faim.

 

Comment avez vous décidé cette grève de la faim ?

 

Leila : Nous avons déjà fait grève à plusieurs reprises sans être vraiment entendus. Et finalement les élèves sont content de nous voir faire grève. Or nous voulons que les élèves suivent des cours. On s'est donc dit qu'il fallait quelque chose de plus fort que la grève.

 

Pierre : Nous avons une culture non-violente forte. La grève de la faim est un moyen d'action non-violent. Pour nos élèves nous trouvons cette démarche exemplaire. Et nous pouvons la faire car nous sommes soutenus par nos collègues et cette grève s'inscrit dans un combat collectif qui engage tout le réseau, écoles maternelles et élémentaires comprises.

 

Après les agressions, vous ne vous contentez pas d'une réponse sécuritaire ?

 

Pierre : On ne veut surtout pas d'une réponse sécuritaire. On veut une réponse éducative. On ne veut pas rompre le lien avec les élèves. En même temps on n'est pas des bisounours. On ne dit pas que les agressions doivent rester impunies. On soutient les dépôts de plaintes et les conseils de discipline. Simplement on réfléchit. A court terme la police peut régler les choses. Mis à long terme il n'y a que la réponse pédagogique.

 

Leila : Les jeunes n'arrivent plus à gérer leurs émotions. C'est nouveau et ça nécessite un accompagnement et une éducation.

 

Pierre : On sait bien que passer en Rep+ ne vas pas tout régler d'un coup. Mais la labellisation est la seule façon d'améliorer les choses sur la durée en envisageant un travail collectif de la maternelle au collège.

 

Comment expliquez vous la dégradation du climat scolaire dans le collège ?

 

Leila : Le collège Aubrac est un collège de quartier. Les élèves viennent de deux quartiers de la ville qui sont les deux quartiers les plus pauvres. Nous avons perdu, suite à une nouvelle carte scolaire, les villages qui apportaient de la mixité sociale. Nous sommes en voie de ghettoisation.

 

Pierre : J'ai souvenir de l'époque où on avait des classes de latin, une classe bilangue allemand. Tout cela a disparu.

 

Leila : La dégradation du climat scolaire a suivi le 1er confinement. Nos élèves l'ont vécu enfermés dans leurs immeubles. Ils n'ont pas pu travailler. Ils ont perdu des compétences. Et le retour à l'école a été difficile. En 6ème ils n'arrivent plus à lire et à écrire.

 

Pierre : Il sont du mal aussi à se remettre dans le rythme scolaire. Cela créé de l'irritabilité. Il y a aussi le retour à la réalité des résultats scolaires après une période d'évaluation très gentille pendant le confinement. Tout cela joue avec la ghettoisation et l'appauvrissement des parents dans cette zone de relégation.

 

Comment a réagi le Dasen après les agressions ?

 

Leila : Le Dasen et le dasen adjoint sont contents d'eux. Ils sont persuadés que ce qu'ils ont fait (un demi poste de Cpe et un poste d'AED NDLR) suffit. Nous on réclame depuis 5 ans un classement en Rep+. Ils n'ont pas compris que nous parlons du réseau alors qu'eux parlent du collège. Ce qu'ils proposent ne change rien aux conditions de travail des collègues et rien dans les écoles. Leur réponse est aussi de proposer des heures supplémentaires quand on leur dit qu'on est épuisés. C'est vraiment une insulte à l'intelligence et vis à vis de nous !

 

Quelle issue voyez-vous à ce conflit ?

 

Leila : Notre cause est juste et on sait qu'il n'y a pas d'autre moyen que la grève de la faim pour faire avancer nos demandes.

 

Pierre : On sait à quoi on s'expose en faisant une grève de la faim. Nous sommes déterminés à tenir le temps qu'il faudra car nous sommes très soutenus. On a vu le Dasen adjoint, le Dasen. Mais c'est le ministre qui peut accorder à notre réseau le label Rep+. On en appelle à Jean-Michel Blanquer. On lui demande de reconnaitre le caractère Rep+ de notre établissement et de donner suite à notre demande depuis 6 ans.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

Le collectif du collège Aubrac de Givors

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 01 février 2021.

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