Patricia Fetnan : "Les Apprenti.e.s" pour aborder le monde 

Le premier contact avec l’école, c’est majoritairement à trois ans qu’il a lieu. Trois ans, cela semble très jeune mais pour autant, les projets ambitieux sont largement abordables. La curiosité des enfants, leur soif de connaissance, de compréhension du monde, c’est là-dessus que Patricia Fetnan a construit toute sa pédagogie. Plus de trente ans d’enseignement pour cette professeure aujourd’hui à la retraite. Permettre aux enfants d’habiter le monde, pour cette jeune retraitée, c’est passer par les différents éléments constitutifs de la Nature. Elle nous présente son projet « Apprenti•e•s »

 

Après trente années d’enseignement, dont 25 en petite section de maternelle à l’école Papon de Nice, Patricia Fetnan a pris sa retraite. Enfin presque. Parce que l’école ça ne s’oublie pas si vite. Investie dans son travail et pour ses élèves, Patricia souhaite aujourd’hui partager sa riche expérience. L’un des projets qui lui tient le plus à cœur, c’est celui des « Apprenti•e•s ». Un projet pour permettre aux jeunes élèves d’à peine trois ans de se muer en « artisan de leur parole afin de construire leur propre monde ».

 

Gaston Bachelard, le philosophe - pédagogue

 

 Se basant sur les écrits de Gaston Bachelard, philosophe et épistémologue du siècle dernier, elle a, pendant les trente années scolaires qui ont jalonné sa carrière, tenté de créer du lien entre ses élèves et la Nature. Gaston Bachelard, peu d’enseignants et enseignantes le connaissent, pourtant beaucoup pratiquent sa philosophie. Le philosophe prônait, déjà dans les années 1900, de recentrer le regard sur les apprentissages, l’introduction de l’erreur comme source de progrès, l’initiation aux situations problèmes… Il était un fervent défenseur de la classe coopérative reposant sur la mutualisation des connaissances et l’interchangeabilité des fonctions. Philosophe, son travail sur les quatre éléments : la Terre, l’Eau, le Fer et l’Air éclaire la place de l’Homme dans le monde. Et c’est cela qui a beaucoup inspiré Patricia. « G. Bachelard m’a permis de donner du sens aux apprentissages et de faire le lien avec le monde qui nous entoure. Par exemple, on dit que l’eau nous berce, qu’elle nous endort ce qui revient à dire que quand l’homme se sent bercé, il est en relation avec l’eau comme élément constitutif du monde. Eau qui est en lui et qui le constitue, au même titre que les trois autres éléments, la terre, le feu, l’air... Et tout cela renvoie aussi au ventre de la mère, le premier monde. Cela rejoint une vision poétique du monde. Par exemple, Paul Éluard, ... et comme aux temps anciens, tu pourrais dormir dans la mer ».

 

Vivre des expériences qui rapprochent

 

Cette vision du rapport de l’Homme à la nature, Patricia l’a exploitée avec ses élèves afin de situer le corps de l’enfant dans les éléments, comme Monde à explorer et donc à habiter et ensemble. « Quand je proposais des jeux d’eau à des enfants de trois ans, en les mettant ensemble devant un lavabo, c’était pour leur permettre d’exprimer leur ressenti lorsqu’ils sont en relation avec leur part d’eau, en eux. Et cela donnait des choses particulièrement intéressantes, comme ce petit élève vivant en pouponnière, donc ne vivant déjà plus avec sa mère, ni son père, accroché à son doudou, comme à une bouée et qui, pour la première fois, parce qu’il est attiré par l’eau, accepte de l’abandonner... à condition de se laisser caresser et bercer par l’eau qui l’a constitué, dans le sein maternel et de partager cette expérience avec un pair, dans sa nouvelle « maison », l’école »

 

Travailler tous les domaines d’apprentissage à partir d’un élément

 

Plus simplement, dans son projet les enfants abordent les cinq domaines de l’école maternelle, ils s’expriment dans tous les registres et peuvent structurer leur pensée en réseau. « Leur réflexion passe dans tous les champs et ils peuvent donc s’exprimer dans le domaine où ils sont les plus à l’aise, tout en ayant connaissance et en partageant les productions de tous ». C’est ainsi qu’à partir d’un élément travaillé, Patricia aborde l’espace, des poésies, des albums. « Pour l’eau, nous sommes allés voir la mer, nous avons travaillé sur l’album Pilotin, il est grand, nous avons regardé Atlantis, puis nous avons symboliquement nagé, avec la musique du film comme les raies avec la voix de Maria Callas, utilisée comme bande son par Luc Besson. Nous avons aussi parlé et sommes rentrés dans l’expression écrite avec des dictées à l’adulte. Nous avons contemplé des tableaux tel que La vague de Matisse. Nous avons fait des mathématiques à partir des voiles de Matisse, en fabriquant des triangles en pâte à modeler et en formes et dessins. Nous avons aussi tracer des vagues en graphisme, travailler le schéma corporel en dessinant des bébés nageurs… Bref, à partir d’un élément, nous avons toujours une multitude d’entrées possibles qui permettent aux enfants d’entrer dans les apprentissages, de se socialiser mais aussi d’habiter le monde ».

 

Du côté de la trace écrite, à partager avec les parents, chaque élève a son propre cahier de production individuelle mais aussi collective. « Nous avons organisé des expositions ». À la fin de l’année, chacun part avec un exemplaire couleur du livre « les Apprenti•e•s » que nous avons construits collectivement.

 

Un projet de classe annuel, qui permet aux élèves d’appréhender le monde en abordant les cinq domaines d’apprentissages. Patricia se tient à disposition des jeunes enseignants, et des moins jeunes, pour discuter du projet. N’hésitez pas à la solliciter !

 

Lilia Ben Hamouda

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 06 janvier 2021.

Commentaires

  • MAMIZOU17, le 25/01/2021 à 11:46
    Bonjour Patricia, merci pour ta réponse.

    J'espère que beaucoup de futurs enseignants et même enseignants en activité pourront adhérer à cette pédagogie que tu as expérimentée et qui a porté ses fruits durant 25 ans pour faire "grandir" et permettre à  des enfants chanceux de t'avoir croisée de pouvoir "dir"ent de "grand"es choses.

    Je te remercie de m'avoir permis d'accéder à cette richesse.
    J'ai longtemps reçu les enfants qui ont vécu la petite section chez toi et effectivement quel bonheur de les voir prêts à voir après avoir imaginé autant.

    Pas de gomme pour les mômes, un chemin  de force pour les  neurones pour  agrandir l'arbre de "d'intelligence" et de "vie" qui pousse en eux. Voilà ce que tu leur proposes. Comment ne pas vouloir vivre une telle expérience ?

    Mamizou, Isabelle D.


    • Patricia FETNAN, le 26/01/2021 à 14:57

       Merci à toi de retisser l’histoire de notre  école. Souvenirs, souvenirs...

       
      J’ai repensé à un de tes anciens élèves, mon fils.
      Je me souviens du cours de rattrapage en graphisme auquel tu l’avais « invité », le samedi matin. En grande section.
      ISes « coloriages » de Petite Section, (il n'était pas dans ma classe), ne sont pas mes meilleurs souvenirs de son entrée dans le monde de l'école...

       Je voudrais, ici, citer « L’enfant et l’écriture » de Joël Clerget, qui a travaillé sur le langage écrit, en tant que psychanalyste.
      Son ouvrage peut vraiment aider des enseignants qui voudraient bien s’ouvrir à la dimension symbolique de la parole tracée.

      Et comme nous sommes dans un monde non-hermétique, J. Clerget est membre de l’Association des Amis de G. Bachelard...

       « Je n’écris pas seulement sur les lignes du papier.
          J’écris aussi sur les fils de ma lignée, sur lesquels je reçois mon nom de fils. » J. Clerget

       Patricia


  • chridan, le 17/01/2021 à 15:23

    Bonjour à tous,

    Ce n’est pas parce que Patricia est une amie que je dois avoir à son endroit les propos les plus dithyrambiques qui soient, et pourtant.

    Rares sont les professeurs engagés, comme elle a pu l’être, dans la construction de l’enfant au sein d’une institution qui se veut « éducation nationale ».

    Nous avons longuement échangé sur le fond et les valeurs de son enseignement. J’ai même eu le privilège de voir in situ le fruit de son travail.

    Bachelard ou pas Bachelard, elle a été avant tout « elle » devant la tâche énorme mais passionnante de la construction de l’enfant.

    Comment ne pas adhérer.

    Il serait trop long de détailler avec quel enthousiasme et avec quelle conscience elle a conduit « ses petits » aux portes de l’intelligence.

    Alors  ici  je pose quelques questions :

    Les petits qu’elle a instruits ont-ils eu de la chance de la rencontrer ?

    Les collègues qui ont poursuivit son enseignement l’ont-ils fait avec la même détermination ?

    Les ponts éducatifs sont-ils aussi efficients que pourraient le penser des parents ?

    Là, j’ai un doute, pour ne pas dire une certitude d’une destruction organisée, ou pas, au fil de la scolarité d’un tel apprentissage.

    Prof d’arts appliqués en lycée professionnel, retraité aujourd’hui, je ne peux que témoigner des interrogations et réflexions précédentes.

    Des Patricia il en faudrait à toutes les étapes de l’enseignement de nos jeunes pour que l’apprentissage soit une source de joie dans la difficulté de cet apprentissage.

    Je ne dis pas qu’il n’y a pas de bons enseignants, ils sont nombreux même, mais trop peu soutenus par une hiérarchie soumise à une évaluation normative et sommative où la prise de risque n’a pas vraiment sa place.

    Pour finir, une des premières choses que je faisais disparaître de la trousse de « mes » élèves était la gomme. On n’efface pas une erreur, on l’accueille comme une amie nous indiquant le chemin de la satisfaction et de la confiance en soi.

    Patricia... merci.


    • Patricia FETNAN, le 17/01/2021 à 18:21

      Bonjour à toi,
       
      Un MERCI pourrait écrire toute ma réponse.

      Il y a des questions auxquelles il ne m’appartient pas de répondre. Tu les poses , d’autres  y réfléchiront.
      Tu parles d’en-thousiasme et de joie. On ne fait plus d’étymologie à l’école, c’est dommage.
      Mais il nous appartient , encore et encore, d’affirmer, haut et fort, que c’est la même chose et que ça ne se mesure pas avec des chiffres mais bien avec des lettres et des mots et des phrases et des textes, bris- collés, pour fabriquer du SENS qui circule et relie des êtres sensibles , vivants parce que, habités par la parole.

      Je me souviens de ton étonnement « d’enfant » devant les peintures et les dessins des enfants dans la classe.
      Je voulais apporter ma contribution aux 13 ièmes rencontres de la maternelle sur le langage.
      J’ai commencé à la suite de l’article de présentation sur le site en donnant quelques fondations.
      Je voulais continuer par la pratique de terrain. Ça va te rappeler des souvenirs.
      Et peut-être, ça intéressera d’autres enseignants surtout ceux qui veulent faire des expériences et sans gomme.

      À bientôt, Patricia


      • Patricia FETNAN, le 18/01/2021 à 07:28

         Contribution aux 13 ièmes Rencontres du langage à la Maternelle


        FABRIQUE du LANGAGE, Pratique

        « Autrefois, au temps où le ciel était très proche de la terre, les femmes dogons décrochaient les étoiles et les donnaient aux enfants. Quand ceux-ci étaient las de jouer, les mères leur reprenaient les astres et les replaçaient dans la voûte céleste. »
        Marcel Griaule, Jeux dogons


         
        Le croissant de lune de Van Gogh

         « N’est-ce pas l’émotion, la sincérité du sentiment de la nature qui nous mène ? » »
        Van  Gogh, Lettre à Théo


         -« Moi, j’y arrive pas à faire cette lettre... »
         Cet enfant est en train d’apprendre à écrire son prénom, dont une des lettres est le      
          
        « C ».
         - Il n’y arrive pas –
         et  ça lui pose, réellement, un problème !
        Il me sollicite.
         Il se trouve que ce même enfant a pris un plaisir,  immense, à tracer des croissants de lune, non seulement comme chacun des enfants de la classe, pour sa propre « Nuit étoilée »,
        mais de façon autonome. Il avait envie de faire et de refaire ce geste.
         Je lui réponds :
        -« Moi, je sais que tu sais la faire... »
        (Suit un silence, il n’a pas, du tout, l’air d’être de mon avis!
        Je vais comprendre pourquoi après.)
         Magie de l’instant, l’enfant est dos au mur où est exposée La nuit étoilée de Van Gogh
        - « Regarde »
        Je lui désigne le tableau.
        Nos regards, se croisent... Ses yeux brillent, étoiles au milieu des étoiles.
         Sa main, trace un immense et magnifique « C », de façon instantanée !
        Là, c’est à mon tour de rester sans voix ...

         
        Visiblement, ses croissants de lune, tracés et retracés, à partir de celui du tableau de Van Gogh ne renvoient pas à la même image mentale que la lettre « C »...


        «  L’homme imagine d’abord et il voit ensuite. » G. Bachelard
         Encore Bachelard, pour le terrain, encore...
         L’image du croissant de lune, qui s’est formée dans la tête de cet enfant, il l’a lui-même construite et c’est pour cela qu’elle lui appartient, il l’a faite sienne, elle lui est propre.
         Parce qu’il l’a é- prouvée. E-motion. C’est l’expérience sensible, avec SES sens à lui , qu’il a faite avec les bougies, Van Gogh,  Miró, Matisse, Rimbaud, les mamans africaines, qui lui a permis de « rêver » SON croissant de lune. Et avec tous ces morceaux de Réel, de fabriquer  SON  puzzle, à lui, différent de celui d’un autre enfant. (Bettelheim)
         Ce qui est loin d’être le cas de ce  trait, de cette lettre complètement abstraits.
         Aucune image à pouvoir fabriquer, s’approprier, pro-jeter...
         Aucun sensible avec lequel résonner et encore moins raisonner.
         C’est parce qu’on a proposé  à cet enfant toutes les formes nécessaires  pour former ses propres images, qu’il a pu, ensuite,  « voir » la forme de la lettre à tracer, qui ne pouvait que passer, invisible,  devant ses yeux, dans le premier contact, tant elle lui était étrangère parce que sans voix.

         Ce sont ses images qui vont lui permettre « de parler par l’écriture », fondée sur du sens, construit du dedans, et non sur des signes.
         Bachelard, en définissant  l’imaginaire comme espace qui précède la pensée, ouvre un horizon infini !
         « Le rêveur lucide réalise une synthèse de la réflexion et de l’imagination,. Alors la rêverie n’est pas un abandon, la rêverie est active, la rêverie prépare des forces et des pensées. » Bachelard
         Cet enfant est en train de commencer à construire son espace intérieur, tel « le dormeur éveillé » de Bachelard. C’est cet espace intime qu’il habitera, plus tard, la nuit, là où ses rêves le conduiront.

         « Les bébés sont endormis, ils font des rêves. »

         « J’ai attrapé des petits morceaux de ciel. »

        C’est de ce même paysage que vont s’envoler pensées et paroles.
         Comme le poète qui tend des chaînes dans les étoiles, et danse.
         Ou Fred Astaire, de Madyson et Zacchary, qui s’envole,
        ( commentaire du 10 janvier, 20h46) .


        «  Moi, je l’ai fait le feu, alors , je le connais.»
         « Dans le noir, au dortoir... »
         « Mystères » de 6 simples, minuscules, bougies flottantes, expérience, à proprement parler, essentielle.
         Celle-là même  des hommes premiers, dans la chaleur des grottes, premiers foyers.

         Et nous arrivons au terme du voyage :

         « C’est Icare ( de Matisse) qui danse, il va chercher Van Gogh. »

         « Van Gogh allume les étoiles. »

         « Fred Astaire écoute les étoiles qui brillent. »
         

        « Les étoiles brillent. C’est toi qui m’as montré comment on dessine et aussi Miró, Matisse et Van Gogh et aussi tes anciens élèves et aussi, à la Fondation Maeght . »



         Fin de la Petite  section, on peut passer en Moyenne  section.

        « Dis Maîtresse, c’est quoi les mystères ? » ???


        • Patricia FETNAN, le 22/01/2021 à 12:55

          FABRIQUE du LANGAGE, Théorie,

          « Dis maîtresse, c’est quoi les mystères ? »

          Autrefois, au temps où le ciel était très proche de la terre, les femmes dogons décrochaient les étoiles et les donnaient aux enfants. Quand ceux-ci étaient las de jouer, les mères leur reprenaient les astres et les replaçaient dans la voûte céleste.
          Marcel Griaule, Jeux dogons

          Tout enfant qui joue se comporte en poète en tant qu’il se crée un monde à lui. Freud

          La réalité objective comporte peu d’attrait pour le jeune enfant parce qu’il ne peut encore la comprendre. L’enfant essaie de saisir des fragments de la réalité en les amalgamant avec les créations de son imaginaire, il entoure de rêve ce qu’il rencontre dans la réalité.
          Bruno Bettelheim,
          (introduction à une compilation d’albums de Léo Lionni)

          L’homme imagine d’abord et il voit ensuite. G. Bachelard

          La rêverie prépare des forces et des pensées. G. Bachelard

          De l’école :
          « J’ai fait ma personne.
             Patricia, je veux faire la bouche sur ma sculpture. 
             La bouche, c’est important pour parler. »

          à une communauté :
          « Les étoiles brillent.
              C’est toi qui m’as montré comment on dessine et aussi Miró et Matisse et Van Gogh et aussi tes anciens élèves et aussi à la Fondation Maeght. »

          pour une Terre des hommes :
          « Mon papa, aussi, il habite en France."
          De la part de Nour( prénom changé), inquiète à propos d’un déplacement de son papa en Algérie.

          La grandeur d’un métier est peut-être, avant tout, d’unir des hommes.
          A. de Saint- Exupéry, Terre des hommes

          Copie d’une contribution aux 13èmes Rencontres Maternelle

          Patricia Fetnan

           


  • ValZaCMady, le 10/01/2021 à 20:46

    Quel plaisir de lire cet article et que de souvenirs.

    Il y a 10 ans, mon fils Zacchary aujourd'hui au collège en classe de 4ème faisait ses premiers pas à l'école, et il n'aurait pas pu tomber sur une meilleure maîtresse que vous, je me souviens encore de ce petit homme de trois ans qui me parlait de Matisse, qui voulait écouter La Callas ou encore qui m’interrogeait sur les tournesols de Van Gogh.

    Je me souviens de l’exposition que la classe avait faite dans l’arrière pays Niçois et de la fierté de ce petit homme en voyant son dessin exposé en pleine nature.

    Deux ans plus tard sa petite sœur Madyson aujourd’hui en classe de 6ème a eu cette même chance. Avec son magnifique bébé nageur et ses paroles qui m'avaient bouleversées :
    "Maman nage dans le ventre de sa maman et après elle sort de son ventre. Et après, c'est moi qui vais dans le ventre de maman. Et après, il faut les sécher les peintures pour les ramener à la maison"

    Matisse, La Callas, Van Gogh, mais encore Fred Astaire ont bercé la première année d’école de mes deux enfants et aujourd’hui encore ils s’en souviennent et sans rien leur dire, je leur ai montré votre photo et tous les deux vous ont reconnu.

    Vous avez marqué leur vie et la mienne, je me souviens de votre bienveillance de vos encouragements de vos mots rassurants. Aujourd'hui encore je parle de vous comme  d’une maîtresse hors norme, merveilleuse et je suis sur que vous avez contribué à ceux qu’ils sont aujourd’hui et vous pouvez en être fière.

    Merci Patricia, merci pour ces magnifiques tableaux qui ornes le mur de mon salon, merci pour leur avoir apporté tant de choses, merci d’avoir été là pour eux, pour moi.

    On ne vous oublie pas, il y a des maitres, maitresses ou professeurs qui marquent une vie, vous êtes de ceux la.



    Les mots de Zacchary sur Fred Astaire : Fred Astaire vole pour attraper les étoiles comme les mamans africaines.

    Les mots de Madyson sur le même thème : Zacchary danse avec la musique comme Fred Astaire qui saute, c'est pour ça qu'il s'envole.


    Valérie


    • Patricia FETNAN, le 10/01/2021 à 21:02
      MERCI
      Il y a aussi des joies "d'habiter l'école" de la part des élèves et des parents qui ne s'oublient pas et qui se gardent précieusement. C'est ce qui fait la valeur et la magie de ce métier.
      Je vous envoie un nouveau travail que vous ne connaissez pas, " il faut imaginer un enfant heureux, ".
      Bonne continuation pour mes deux anciens élèves et à vous aussi pour les accompagner sur le chemin de l'école
  • TOURNESOL11, le 10/01/2021 à 17:14

    Bonjour, votre article m'a intéressé. J'aimerais plus de détails. Existe-t-il un support écrit qui rassemblerait les expériences menées avec vos élèves ?
    • Patricia FETNAN, le 11/01/2021 à 17:03

       Re bonjour,

      Alors, ça va être complexe à défaut d’être compliqué.
      Dans ces cas-là, il faut essayer d’aller à l’essentiel.
      On va partir de  « l’Expérience ».

      A- Tout d’abord le terrain d’expérimentation :

      1- les 5 domaines de la maternelle
           Corps, Art, Monde, Langage, Socialisation
      2- les 5 sens
      3- les 5 formes
            Corps réel, Corps modelé, Forme du Corps, Corps dessiné, Corps parlé

      B- Le Fil Rouge qui traverse et relie ces 3 scènes de travail :
           LE SENS

                1- le sensible
                2- la signification
                3- la direction


      C - Pratiquer

          Un artiste venu dans ma classe m’a dit : «  C’est un vrai laboratoire !!! »
           Un exemple donc, d’une expérience.
           Le rond comme trace à fabriquer pour acquérir l’un des gestes du code de l’écriture.

           Comme le projet de classe est «Les 4 éléments », je vais travailler sur l’air avec 
           des ballons de baudruche et des bulles de savon.

           Le corps en action, Sensible, pour en tirer du Sens.
           On fabrique des ballons encollant du papier de soie sur des vrais ballons.
           Qu’on va pouvoir garder comme traces, sur une corde qui traverse la classe.
           Premières sculptures. Première installation plastique. Des ballons de 3 couleurs,
          Jaune, Bleu, Rouge. 1,2,3...
           On dessine ce qu’on a fait dans la cour, on en parle, la maîtresse écrit.
           On expose, on s’adresse les paroles des uns pour les faire entendre par les autres.

            « On a attrapé des petits morceaux de ciel. »
            « J’ai volé avec les oiseaux. »

      On vient de fabriquer un discours sur l’Air, dit dans les paroles individuelles, qui devient social et socialisant, et un discours, tracé, dans des formes vraies et des  images.  La forme du code à acquérir ( la forme ronde pour  écrire et lire) pour  communiquer par l’écriture a été expérimentée, fabriquée,  réalisée,  c’est à  dire amenée au Réel.

      Dire, par le langage, oral et écrit, pour Fabriquer du Sens et le Pratiquer ensemble.
                 La forme ronde est acquise, elle va être l’alphabet pour symboliser les 
                 corps des enfants en attendant d’écrire les prénoms.
                 Tête, ventre, yeux, oreilles

      D -  S’engager dans le Projet

                Deuxième élément, Terre

      On étudie la sculpture. Giacometti, Matisse, Rodin, Brancusi, Modigliani...
                Avant, toujours, le Corps, Danser, Mimer les sculptures.
                Nijinski de Rodin, sur une seule jambe, c’est pas facile de trouver l’équilibre...
                 Le scribe, les jambes en tailleur, c’est pas simple de tenir en place...
                 La grande femme de Giacometti, ne plus bouger...
                 Le serf n’a plus de bras, ... on les cache dans son dos...
                 On modèle avec de la pâte ( On n’est pas encore des sculpteurs) !
                 On peint, on parle, la maîtresse écrit.
                 Des personnages et des personnes naissent.
                 «  Nijinski, c’est un arbre. »
                 « On a dansé le corps. »
                 «  J’ai dansé avec J- S Bach. »
                 « Julien écoute la chanson de Patricia. C’est ta musique pour moi. Moi, je ne 
                    la  connais pas Pina Bausch. »

                  « L’esclave , il a les bras coupés...Il ne peut pas prendre ce qu’il veut... Moi, je les 
                     ai gardés mes bras. »

                   «  Patricia, elle est contente quand les enfants dessinent. Tous les enfants. »

      E - Devenir des Hommes, Fabriquer une scène de parole, Le chœur

                          A propos du serf de Matisse, fabriqué en pâte à modeler,
                          un discours complètement improvisé par une troupe de théâtre d'acteurs 
                          autonomes, aucun metteur en scène. Je n’ai fait que tendre les oreilles et bien 
                          écouter.

                          - Lui, il ne peut pas manger parce qu’il n’a pas de bras !
                          - C’est Matisse qui l’a fait.
                          - Matisse, il lui a coupé les bras.
                          - Moi, je le connais Matisse !
                          - Attends, je vais le chercher à la bibliothèque.
                          Matisse, Matisse, mais où il est ce Matisse ???
                          Ça y est, je l’ai trouvé !
                          - Regarde, il est à sa maison.
                          - ... ... ...
                          - Matisse dessine ...
                          - Il sculpte les vagues...

      9 enfants de 3 ans en fin de Petite Section qui sont capables d’échanger, sans adulte, la maîtresse est contente de leur avoir appris à prendre la parole.
      Premier geste du métier d’Homme.

      J’arrête pour aujourd’hui en espérant vous avoir transmis l’essentiel de mes expériences.
      N’hésitez- pas si vous avez d’autres questions.
      À plus tard, peut-être.
      Patricia


    • Patricia FETNAN, le 11/01/2021 à 10:43
      Bonjour à vous, je vous réponds cet après-midi.
      mais vous avez déjà des réponses dans le commentaire qui suit.
  • MAMIZOU17, le 10/01/2021 à 16:37

    Bonjour Patricia, quelle émotion à la lecture cet article qui me fait revivre tant de belles expériences pédagogiques à tes côtés à l'école Papon. J'ai continué à évoluer à partir de ce que tu m'as appris et ton projet m'a inspiré jusqu'à ma retraite que je viens de prendre. Ce serait formidable  que d'autres enseignants profitent de ce riche univers pédagogique que tu as semble-t'il finalisé avec "les apprenti e s".

    D'ailleurs, j'aimerais bien que tu m'en dises un peu plus à ce sujet ?
    Merci d'avance. En espérant te revoir.
    • Patricia FETNAN, le 11/01/2021 à 10:46

      Bonjour à toi,

      Retraite ???

      «  les apprenti.e.s », c’est un petit album POUR et PAR les enfants.
      Expression plastique ET expression orale.
      C’est un voyage autour de la Terre.
      Les enfants partent de l’EAU, comme la Vie qui est née dans les océans, et comme eux,  dans le ventre de leur Maman.
      Image, pâtes à modeler et  peintures de Bébés nageurs.
      Texte, collectif, à partir des textes individuels,  « La mer, c’est grand comme ça ! L’eau fait du doux, les bébés sont endormis, ils font des rêves... »
      Le poète a été bien entendu. « L’eau est douce et ne bouge que pour ce qui la touche... »(Poissons, Eluard)
      Puis, les enfants prennent leur envol, AIR.
      «  On ne vole pas parce qu’on a des ailes, on se croit des ailes parce qu’on a volé. »
      G. Bachelard
      Image, silhouettes de leurs dessins de personnages, tout à fait terriens, mais qui, parce qu’ils sont  accrochés dans les branches du cerisier de notre cour, et peuvent voler avec le vent, «  habitent dans les arbres » jusqu’à se sentir pousser des ailes :
      Texte, « J’ai fait les ailes : il va voler. »
      Preuve, sur le terrain , de l’immortalité de Bachelard !
      Épreuve du FEU.
      Image, toujours dans le cerisier, les photos de leurs peintures, « La nuit étoilée », comme Van Gogh.
      Après avoir dansé sur Le printemps de Vivaldi, ils ont dansé avec leurs pinceaux au milieu des étoiles, comme Rimbaud.
      « J’ai tendu des chaînes d’or d’étoile à étoile et je danse. »
      Et au texte, « Tu te rappelles comment il s’appelle, le monsieur qui danse sur la nuit ?
      Tu sais le poète ! »
      Questionnement d’un enfant pour rentrer dans l’Histoire  de  l’Art...
      Les pieds sur Terre.
      Texte, « Je veux faire « L’homme qui marche », je peux ? »
      Pour, à l’image, des personnages en pâte à modeler de différents ocres, plantés comme nos  haricots, dans les jardinières de la cour.
      Hommes et femmes modelés comme Giacometti et les autres sculpteurs.
      Voilà pour la présentation de 4 tableaux des apprenti.e.s.
      La suite en vrai avec le livre en vrai.
      À bientôt, Patricia


  • Patricia FETNAN, le 08/01/2021 à 15:20

                                       
         «  L’eau nous berce, nous endort. » G. Bachelard

    Bonjour Lilia,
    Merci encore pour votre écoute et votre réceptivité.
    Vous ne m’en voudrez certainement pas de permettre à l’enfant « au doudou »
    de prendre la parole :
    «  Doudou ne nage pas parce qu’il ne veut pas se mouiller, sinon, il pleure... » !!!
    Les 3 points d’exclamation parce que, après de si nombreuses années, je reste encore sidérée par la force de vie de cet enfant  qu’il a trouvé, ce jour là, dans et par
    sa parole.
    Le fait que cet enfant, pour la première fois, ait accepté, attiré par l’eau, de se séparer de son objet transitionnel constitue un acte fondateur, parce qu’il a engagé son être tout  entier, et en cela a fondé sa parole et donc son sujet.
    Son entrée dans le langage en tant qu’activité symbolique (et non descriptive), lui permet de se construire et de construire son histoire.
    C’est cette expérience qui est « parlante » pour l’enfant .
    C’est en cela qu’elle  raconte le geste d’apprendre de  notre métier d’enseignant et de notre place dans la cité.
    À très bientôt, j’espère .
    Patricia


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