Le CSEN critiqué sur le fond 

L'arrogance du CSEN à décider et dominer la recherche en éducation est vivement dénoncée dans un article rédigé par Cédric Fluckiger, professeur à l'Université de Lille.  Il critique la forme non scientifique d'une publication récente du CSEN. Mais aussi il attaque sur le fond de la preuve en éducation et de la recherche en efficacité.

 

"Le Conseil Scientifique de l’Education Nationale (CSEN) a produit, en mai 2020, un document nommé « Recommandations pédagogiques pour accompagner le confinement et sa sortie ». Il formule un certain nombre de recommandations aux enseignants, allant de « privilégier les pratiques pédagogiques qui favorisent l’apprentissage en autonomie » à « assurer les fondamentaux : nutrition, activité physique, sommeil, bienveillance » en passant par « rechercher l’appui des ressources numériques ». Ce document de 17 pages est étonnant, sur le fond comme sur la forme", écrit Cédric Fluckiger (professeur à l'université de Lille) dans la Revue Adjectif, 2020 T3.

 

" Seule l’expérimentation contrôlée permet de vérifier qu’un outil pédagogique fonctionne. Or, un nombre encore insuffisant de ressources ont démontré leur efficacité dans des essais randomisés contrôlés", écrit le CSEN. " Si, à première vue, la proposition peut sembler frappée au coin du bon sens et parée des atours de la scientificité la plus rigoureuse, ce qui étonne rapidement est la prétention d’une instance étatique à décréter ce qu’est la bonne et la mauvaise science, qui n’est pas sans rappeler les tentatives du gouvernement fédéral américain de légiférer sur la « scientificité » de la recherche en éducation (Saussez et Lessard, 2009). Ainsi, il y aurait des types de recherche « qui ont leur place » en éducation » et d’autres, donc, qui « n’ont pas leur place »… et il serait possible de décider lesquelles a priori ont « leur place » ou non. Une telle conception des rapports entre recherche scientifique et pouvoir politique, qui distribue les bons et les mauvais points aux recherches (et les subsides aux projets) est pour le moins inquiétante", écrit C Fluckiger. Cela d'autant que le texte du CSEN ne respecterait pas "les canons minimums des publications scientifiques" et conduirait à " des glissements interprétatifs fallacieux". L'auteur en donne des exemples. Mais C Fluckiger va plus loin : " Ce qui frappe dans ce texte est la décorrélation avec les résultats et la pratique de la recherche académique actuelle sur l’éducation au profit de travaux et chercheurs qui ne travaillent pas sur les apprentissages scolaires".

 

" La question de l’efficacité telle qu’elle est en général posée par les institutions éducatives est avant tout politique", conclut C Fluckiger. "Cela ne signifie pas seulement que les critères d’efficacité sont nécessairement ancrés dans des principes politiques et moraux, plus ou moins égalitaires ou élitistes, ou que ces discours « se marie[nt] particulièrement bien avec un discours sur l’amélioration de la qualité, l’accroissement de l’efficacité et du niveau de performance ou encore de l’imputabilité » … Cela signifie aussi qu’invoquer des outils ou des méthodes « efficaces » pour améliorer l’école est sans doute un moyen pratique de ne pas poser la question des moyens accordés à l’école. A quoi bon donner plus de moyens s’il suffit de trouver le bon outil, la bonne méthode, pour résoudre les problèmes ?"

 

L'article

 

Par fjarraud , le lundi 28 septembre 2020.

Commentaires

  • delacour, le 28/09/2020 à 10:49

    "Le résultat n’a guère surpris qui connaît un peu la question de la lecture à l’école et la recherche afférente : « les élèves des classes expérimentales ne lisaient pas mieux que ceux des classes contrôle » (Dehaene, S. (2011). Apprendre à lire. Des sciences cognitives à la salle de classe. Paris : Odile Jacob. p. 110). Il conclut pourtant, six pages plus loin :

    « la science de la lecture est solide : les principes pédagogiques qui en découlent [et qui ont échoué à prouver leur efficacité, donc] sont aujourd’hui bien connus ; seule leur mise en application dans les classes demande encore un effort important »(p. 116) et il faut en conséquence « réviser et simplifier les manuels afin de focaliser tous les efforts et l’attention de l’enfant sur le décodage et la compréhension des mots » (p. 117)."

    Tous les maîtres de CP apprécieront…

    Pour ma part je continue de soutenir qu'on fait une erreur stratégique en pédagogie de la lecture. Il faut, en respectant la genèse historique et naturelle de la communication écrite, commencer par apprendre à coder l'oral en écrit, ce qui fournit la possibilité de lire en retour.

    Ainsi, en écrivant matin, manger, mauvais, maigre, Caen, faisant, on n'a plus aucune envie d'obéir au décodage de "a" en /a/,puisque "a" va être utilisé pour coder 12 phonèmes différents de notre langue. Et l'observation est généralisable à toutes les lettres qui ne supportent pas des sons comme on le croit. C'est, comme le dit Saussure, les sons qui sont représentés visuellement par des graphies (de 1 à 6 lettres!) en citant "oiseau" dont aucune des lettres ne se décode!

    Malheureusement aucune étude n'a été réalisée sur ce cheminement inverse de celui proposé par le CSEN. Qui le fera ? Pourtant le codage de l'oral en écrit est la seule possibilité pour le débutant, il saura écrire mare s'il parvient à écrire rame ou arme. Le code est un code d'écriture, il n'y a pas de code de lecture. Et il a bien fallu commencer par écrire pour installer la communication écrite.

    Par ailleurs, toutes les expérimentations sur une stratégie commençant par apprendre à lire n'ont révélé aucune efficacité supérieure et totale, alors qu'apprendre à écrire est une réussite à 100%.

    Voir le site ecrilu pour ceux qui voudraient aider les élèves de CP à commencer par écrire.


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