Claire Lommé : Ma rentrée de prof de maths  

Mercredi 2 septembre, ce sera le premier jour de classe. Le lundi, j’aurai retrouvé mes collègues. Le mardi, j’aurai accueilli les élèves de la sixième dont je serai professeure principale. Le mercredi, je découvrirai quatre de mes classes. En une heure, il faudra faire comprendre pourquoi nous sommes là ensemble, comment nous allons travailler, comment les élèves seront évalués, et nous nous engagerons dans l’activité mathématique. Une petite heure qui, si elle n’est pas décisive, permet de gagner du temps pour la suite. Objectifs : susciter la curiosité, attiser l’envie, donner des repères et poser des limites, le plus clairement et efficacement possible.

 

Drôle de rentrée

 

Aujourd’hui, j’ignore encore si je ferai cours dans ma classe ou si les élèves resteront dans la leur. Pour moi, cela change beaucoup de choses : les rituels, l’accès au matériel, aux fiches de travaux facultatifs. Je vais donc supposer que je dispose de ma classe. J’ai réfléchi à des adaptations dans le cas contraire, pour continuer de travailler comme je l’entends, en respectant ce à quoi je crois.

 

Je dois garder à l’esprit que cette rentrée est particulière. Il faut réparer les conséquences du confinement et de la fin d’année perturbée, rassurer, poser un cadre aussi, car qui dit perturbations dit souvent élèves perturbés. Il faut permettre aux élèves de se projeter dans l’avenir, sans savoir comment l’année se déroulera. Je vais axer sur les apprentissages, sur le fait que grandir c’est chouette et apprendre c’est fantastique. Au besoin je rappellerai que l’année dernière nous avons tout de même bien travaillé, parce qu’ensemble on est forts ! Et moi-même, je me prépare à m’adapter rapidement à toutes les modifications qui pourraient me contrarier : je ferai avec, de mon mieux, et sans remontées de bourrichon. En tout cas, je vais essayer.

 

Bienvenue dans ma classe

 

Premier signal, celui des mathématiques. Je connais certains élèves pour les avoir fait travailler dans mes classes les années passées, mais pas tous. Alors autant leur faire comprendre tout de suite pourquoi nous sommes là : pour les maths ! Je présenterai donc à chaque élève un petit carton, avec un calcul ou de la numération. S’il n’y arrive pas, un camarade l’aidera, ou moi : je lui en proposerai un autre, ou je lui fournirai un coup de pouce qui lui permettra de surmonter sa difficulté. On est dans l’évaluation diagnostique et la réactivation.

 

Une fois tout le monde entré, je me présenterai. Et je demanderai que chacun sorte son cahier de leçons : il nous faut le mettre en route, tout de suite. Je demanderai de numéroter les pages, en expliquant précisément comment, et pendant cet exercice absolument rébarbatif, j’observerai les élèves en distribuant les documents à coller. Je commencerai à apprendre à les connaître, chacun et tous. Nous collerons le sommaire des leçons, le mémo, nous laisserons la page de la feuille de personnalisation vierge (car la prochaine fois les élèves choisiront leur personnage), la liste des pouvoirs, et celle des problèmes traités. Je distribuerai aussi le mot aux parents, parce qu’avec l’adhésion des parents, tout est plus simple. Et là, nous consacrerons un moment à expliquer les grands principes du dispositif maths et jeux de rôles.

 

J'évalue les compétences et je ne note pas de façon usuelle. Évaluer des compétences est transposable aussi en une évaluation sommative, mais c'est quand même une façon différente d'opérer, qui change fondamentalement la façon d'enseigner, de construire ses évaluations et de rendre compte des habilités des élèves. Je m'appuie sur cela pour garder toutefois une composante sommative : pour toute évaluation, j'attribue des niveaux à chacune des compétences mises en jeu. L'application que j'utilise, Sacoche, me convertit tout ça en taux de réussite. Je transforme ce score en XP (points d'expérience, comme dans les jeux de rôles ou les jeux vidéo).

 

Les élèves cumulent leurs XP. C'est l'idée centrale de mon dispositif : une contre-performance ne les fait pas descendre en XP ; avec des moyennes c'est le cas : la moyenne monte, mais elle descend aussi, comme si l'élève régressait (je sais que ce n'est pas le sens réel, mais c'est interprétable en ce sens). Là, un élève peut gagner moins, mais il gagne : il y a toujours quelque chose de neuf qu'il sait faire, ou sur quoi il a progressé.

 

À chaque millier d'XP, les élèves passent de niveau : ils débutent niveau 0, et lorsqu'ils atteignent ou dépassent 1 000 XP, hop, ils atteignent le niveau 1. Cela débloque un pouvoir. L'élève l’utilisera une fois dans l’année, au moment de son choix. Cette idée de pouvoir, je l'ai pensée selon deux axes :

•          les pouvoirs donnent aux élèves un sentiment de liberté, de choix, d'individualisation du parcours. À leur âge et dans le contexte scolaire, c'est particulièrement important pour eux. Pour moi, ce n'est pas grand-chose, puisque chaque pouvoir est à usage unique ;

•          les pouvoirs fixent des objectifs : les élèves convoitent le pouvoir suivant ou un pouvoir précis de la liste, et cherchent à accumuler les XP pour y parvenir. Alors ils font des fiches facultatives, participent davantage, se dépassent sur des activités ou des évaluations en temps limité. Leur score d'XP ne devient pas un objet de comparaison avec les autres, mais une marque de progression vis-à-vis d'eux-mêmes. D'ailleurs, je leur fixe des objectifs par période, différents selon les uns et les autres. En début d'année tout le monde a le même, et ensuite je le fais varier selon ce que je j'ai compris des élèves.

 

C'est comme en jeu de rôles : on vit des aventures (mathématiques), on réussit des exploits (mathématiques), parfois on échoue (de façon mathématique), mais on avance, on devient plus fort, plus compétent, plus savant. Cela donne de nouvelles capacités.

 

Mais je devrai être vigilante cette partie : elle ne doit pas durer plus de vingt minutes. D’abord parce que trop d’informations tuent leur mémorisation. Ensuite, parce qu’on est en cours de maths. Et en cours de maths, on fait des maths. Avec l’entrée en classe et l’appel, il me restera une bonne vingtaine de minutes pour faire des maths, et repartir avec une question dans la tête, à interroger pour la fois suivante.

 

Faites-moi chauffer ces neurones !

 

Là, je pourrai claironner : allez hop, à l’attaque, c’est parti ! En sixième, nous traiterons une activité de l’IREM de la Réunion, de pliage de rectangles ; l’activité reflète bien le triptyque manipuler-verbaliser-abstraire cher à notre discipline. En cinquième, nous débusquerons une erreur sur fractions et pourcentages, dans un extrait de journal télévisé sur les poids excessifs des cartables ; nous réactiverons ainsi les écritures des nombres et interrogerons le sens des pourcentages. En quatrième, nous étudierons des représentations de données d’actualité, trouvées dans les médias, pour repérer et expliquer les erreurs ; même si la classe de quatrième marque une entrée forte dans la modélisation, cette activité veut affirmer que les maths, c’est aussi notre quotidien, et que sans maths, on ne peut pas comprendre correctement son environnement.

 

Dans chacun des niveaux, je présenterai le problème, je laisserai un moment de réflexion silencieuse. Ensuite les élèves reformuleront jusqu’à ce que tous aient compris la situation et la question. Et là, je les laisserai cogiter, réfléchir, tâtonner, échanger, collaborer. Ils auront à disposition la pile de feuilles de brouillon, et je serai là pour remédier, relancer, encourager. Mais surtout, de nouveau j’observerai. Les échanges, les modes de communication, la façon de se lancer dans la recherche, le recours à des outils mathématiques. Il faut que je les comprenne le plus vite possible.

 

À demain !

 

En repartant, les élèves auront quelques consignes pour avancer la préparation du cahier de leçons, et auront pour mission de réfléchir au problème du jour. J’espère qu’ils auront alors une idée de ce qui nous attend cette année. De mon côté, je ne saurai pas à quoi m’en tenir, car les élèves sont souvent très différents au début de l’année. Je serai satisfaite si j’ai tenu mes objectifs de contenus et les temps impartis. Et sinon, j’attendrai le soir pour réfléchir à l’organisation du lendemain. La prise de contact sera faite. Je rentrerai fêter mon anniversaire.

 

Claire Lommé

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 25 août 2020.

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