Rentrée : L'Ecole est-elle prête ? 

JM Blanquer a beau répéter sur toutes les ondes que "tout est prêt", voire que "le protocole élaboré en juillet prévoit tous les types de situation", la réalité semble toute autre. Sur le plan sanitaire, le protocole de juillet reste la seule référence officielle alors qu'il est dépassé. Sur le plan pédagogique, le ministère impose la mise en place de programmes nouveaux et plus lourds là où un recentrage serait nécessaire. Sur le plan matériel, les adaptations nécessaires à cette rentrée hors du commun n'ont pas été faites. Or, depuis mars 2020, JM Blanquer est bien placé pour le savoir : en temps de crise, le temps perdu ne se rattrape pas.

 

Réouvrir les écoles est une nécessité

 

On accordera à JM Blanquer une vision claire sur la nécessité de réouvrir les écoles en septembre. Les avis scientifiques concordent sur le fait qu'il est préférable pour les enfants de retourner à l'école plutôt que rester chez eux. Le risque de contamination par les enfants fait encore l'objet de débats scientifiques, notamment à propos de la charge virale qu'un enfant peut émettre. Le confinement par contre bien montré les risques liés à la fermeture des écoles. Celle-ci a aggravé les inégalités sociales dans un système scolaire où elles sont fort présentes. Les enfants ont aussi souffert de l'isolement, voire ont connu des situations dramatiques.

 

Seule une nette aggravation de la situation sanitaire pourrait remettre en question la réouverture des écoles. Nationalement cela semble peu probable. Mais localement, la nécessité de maintenir la fermeture des écoles s'est déjà faite jour en Polynésie et à La Réunion.

 

Un protocole sanitaire inapplicable

 

Mais, s'il est préférable que les écoles rouvrent, il est aussi nécessaire que les personnels et les élèves soient correctement protégés des risques de contamination par le Covid 19.

 

Or sur ce point l'école est en retard par rapport à la progression de l'épidémie. Le 20 août, JM Blanquer a communiqué aux médias de nouvelles instructions en précisant que le port du masque serait obligatoire pour les enseignants, les collégiens et les lycéens. Le lendemain il revenait d'ailleurs sur ces propos en introduisant que le port du masque ne serait obligatoire qu'à moins de 2 mètres des élèves. Et son entourage disait qu'il ne serait que recommandé en maternelle. Toujours est-il qu'à une semaine de la rentrée, seul le protocole officiel du 7 juillet s'impose pour le moment dans les écoles et les établissements. Or celui-ci est beaucoup plus souple.

 

Les règles de distanciation et de non brassage des élèves sont abolies alors que d'autres pays misent sur elles.  Les mesures de nettoyage sont réduites au minimum. Par exemple les surfaces les plus touchées par les élèves (poignées de porte) ne doivent être nettoyées qu'une fois par jour. Certains points du protocole sont impossibles à respecter. Par exemple le nettoyage des mains au moins 4 fois par jour, à raison de 30 secondes par élèves, est impossible dans la majorité des écoles faute de points d'eau en nombre suffisant. C'est pourtant une mesure de base.

 

Les masques rendus obligatoires pour les collégiens et lycéens ne sont pas pour autant fournis par l'Education nationale. Cela posera des problèmes aux élèves des familles les plus modestes. Quant aux enseignants ils ne recevront que des masques "slips" qui vont rapidement s'humidifier  et  dont on peut douter de l'efficacité après une seule heure de cours.

 

La nécessité de réouvrir les écoles aurait pu conduire le ministère à renforcer la sécurité pour inciter les familles à envoyer leurs enfants à l'école. Le ministre préfère dire que l'école est obligatoire.

 

Un été perdu

 

L'été aurait pu être mis à contribution pour une autre politique. Le ministère aurait pu imposer aux collectivités locales l'installation durant l'été de points d'eau et de sanitaires en nombre suffisant quitte à faire appel à des équipements de fortune. Ce moment n'a même pas été utilisé pour généraliser le gel hydro alcoolique là où les points d'eau manquent. Le nettoyage des mains va de facto reposer lui aussi sur les produits donnés par les familles.

 

Le ministère aurait pu aussi inciter les collectivités locales à trouver et aménager de nouveaux locaux provisoires pour réduire les groupes élèves. Evidemment cela n'aurait fait sens qu'en recrutant de nouveaux enseignants à titre définitif ou provisoire. On sait qu'en fait seulement 1248 postes sont créés dans le premier degré ce qui semble bien peu pour tenir les engagements présidentiels et réduire la taille des classes. Rien n'est prévu dans le second degré où, au contraire, le ministère supprime 2000 postes ETPT alors qu'il y aura 30 000 élèves supplémentaires à la rentrée.

 

Rien pour l'enseignement à distance

 

On aurait pu penser que l'été aurait été mis à profit pour repenser l'équipement informatique des enseignants et des élèves. Le ministre agite une promesse de prime informatique en 2021. Mais l'été a été perdu pour donner les moyens matériels aux familles et aux enseignants de pouvoir travailler à distance ce qui passe par du matériel informatique mais aussi des accès  Internet. Rien n'est prévu pour former les uns et les autres à la découverte des outils d'enseignement à distance ou à la pédagogie de et enseignement.

 

Des mesures pédagogiques à coté de la plaque

 

Le ministre a beau dire que "le protocole élaboré en juillet prévoit tous les types de situation". En fait le protocole ne prévoit rien de pareil. Il y a bien un "plan de continuité pédagogique" délivré cet été. Il faudrait que les équipes éducatives puissent s'en emparer et le décliner localement. Mais rien n'est prévu en ce sens comme si la publication du document suffisait.

 

Enseignants et parents auraient probablement apprécié des aménagements pédagogiques après une année particulièrement difficile. Laisser le temps d'accueillir les élèves et de recueillir leurs émotions. Et aussi donner de la marge sur les programmes scolaires pour qu'il puisse y avoir un lissage entre l'année dernière, terminée en fait le 12 mars, et la nouvelle année. A la place les enseignants et les élèves ont le maintien d'évaluations dont l'utilité est contestée et de nouveaux programmes de l'école et du collège, dans plusieurs disciplines, qui viennent alourdir les programmes existants. Ils ont aussi de nouveaux guides, une nouvelle grammaire qui sont censées s'appliquer d'eux -mêmes.

 

Une rentrée préparée ?

 

A quelques jours de la rentrée, les enseignants et leurs responsables directs vont chercher dans les médias des informations sur la rentrée. Ils attendent des instructions officielles qui n'arrivent pas ou arriveront trop tard. Ils sont censés réécrire leurs préparations au regard des nouveaux programmes publiés cet été. Après une année difficile où ils ont porté seuls l'Ecole, ils n'ont récolté que du "prof bashing" sans que le ministre ne redresse les élucubrations médiatiques. La réforme des retraites plane toujours au dessus d'eux. Les promesses ministérielles de revalorisation ont perdu toute crédibilité.

 

La rentrée est toujours un moment fort de retrouvaille avec les élèves.  Mais quid des retrouvailles avec l'institution ? Peut-on dire que cette rentrée exceptionnelle a été réellement préparée ?

 

François Jarraud

 

JM BLanquer le 20 août

L eplan de continuité

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 24 août 2020.

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