Bac : 96% de reçus 

13 juillet - Avec 714 000 bacheliers, le taux de reçus en 2020 fait un bond passant de 88 à 96%. Dans certaines académies on atteint 100% de reçus pour certaines filières. Finalement près de 50 000 bacheliers supplémentaires arrivent aux portes de l’enseignement supérieur. 87% d’une génération a le bac. Ce qui n’est pas sans poser des problèmes…

 

Le bac pour tous ?

 

Finalement la CPU avait raison. Le second groupe d’épreuves a été aussi généraux que le premier groupe et n’a en rien filtré les candidats au bac. A l’issue de la session de juin 713 900 candidats sont reçus au bac, contre 666 000 en 2019. Il y a donc près de 50 000 bacheliers supplémentaires en 2020.

 

Pour le bac général, la série S compte 99% de reçus , la série ES 98% et la série L 97.5%. Au bac technologique, on compte globalement 96% de reçus. En STMG 94% des candidats sont reçus contre 97% en St2S et STI2D, 96% en STL, 98% en STHR, 99% en STD2A et 100% en TMD. 91% des candidats au bac professionnel sont reçus. Au final 87% des jeunes d’une génération deviennent bacheliers.

 

Par rapport aux résultats de 2019, le taux de réussite grimpe de 7 points au bac général, 8% aux bacs technologique et professionnel.

 

Ces résultats moyens varient selon les académies. Dans une académie ayant habituellement un fort taux de reçus , comme à Rennes, on atteint les 100% de reçus dans certains filières comme STD2A et STHR et on est à 99% en ES,  S et STL.

 

La sélection sociale renforcée

 

De tels taux de réussite ont des conséquences. La première concerne la crédibilité du bac qui est sérieusement entachée. Les réactions des jeunes sur Twitter montre que de nombreux candidats ont été fort surpris de devenir bacheliers. Cette dévaluation du bac n’est pas de la responsabilité des jeunes. C’est un choix fait par l’Education nationale.

 

Elle a plusieurs effets. Elle tend à légitimer la sélection faite dans Parcoursup par l’établissement d’origine du candidat. C’est déjà comme cela que les algorithmes locaux fonctionnent. On aggrave et banalise ainsi les inégalités sociales générées par le système éducatif. Le premier vrai diplôme de cette génération sera le premier titre universitaire atteint après le bac. Pour tous ceux qui ne poursuivront pas des études supérieures, par exemple la majorité des bacheliers professionnels, de tels taux de reçus n’est pas une bonne nouvelle. CE sont les premières victimes de ce bac hors norme.

 

Parcoursup renforcé

 

Le second effet est justement l’entrée dans le supérieur. Normalement les jurys du 2d groupe, qui n’ont examiné que des candidats très faibles, auraient du faire le tri des candidats et sauvegarder le taux habituel de reçus. Il n’en a rien été et il faudra se demander comment cette déviance a été rendue possible.

 

L’arrivée de 50 000 jeunes supplémentaires dans l’enseignement supérieur va poser un vrai problème, généreusement offert par le ministre de l’Education nationale à sa collègue du supérieur. Il est fort probable que la plus grande partie de ces jeunes sera sans affectation ou avec une affectation ou avec une affectation non souhaitée et donc de très fort risques d’échec. Parcoursup va classer les candidats et on peut déjà avoir une idée des victimes.

 

L’éthique interrogée

 

Il y a un troisième effet dont il faut bien parler. Depuis l’arrivée de JM Blanquer rue de Grenelle l’efficacité est régulièrement opposée à l’éthique. Le bac 2019 avait déjà franchi les limites en inventant des notes. Le bac 2020 va encore plus loin en ce sens. Non seulement des établissements ont inventé au dernier moment des notes « de participation » ou « de mérite » pour avantager leurs élèves mais la frontière entre le privé hors contrat et le public a été abolie. Le ministère a accepté de reconnaitre comme valable les relevés de notes des établissements privés hors contrat comme si ceux-ci offraient les mêmes garanties que dans le public ou le privé sous contrat. Quand le Café s’en est inquiété auprès de la Dgesco, la réponse a surtout été qu’il s’agissait de seulement 3000 à 4000 candidats… Rappelons que la frontière privée publique s’affaiblit aussi dans le recrutement des enseignants, des chefs d’établissement voir des recteurs…

 

Quel avenir pour le nouveau bac ?

 

Enfin les résultats de cette session interrogent l’avenir de l’enseignement en lycée. Comment les enseignants vont pouvoir maintenir le niveau d’exigence, particulièrement dans les établissements des quartiers populaires, puisque tout repère national a sauté ? Pourquoi contraindre les jeunes à des sessions d’examen aussi compliquées, avec trois E3C puis finalement des épreuves communes pour un diplôme qui ne sert plus a rien ? Est-ce seulement pour cacher le fait que l’affectation en établissement à l’issue de la 3ème détermine l’orientation post bac ? Comment maintenir un contrôle continu au bac alors qu’à l’évidence il a failli ?

 

François Jarraud

 

Note Depp

 

 

  

Par fjarraud , le vendredi 10 juillet 2020.

Commentaires

  • amorin, le 13/07/2020 à 18:02
    Cette dévaluation du bac n’est pas de la responsabilité des jeunes. C’est un choix fait par l’Education nationale. Il y a besoin de nuancer. Le fort taux de réussite est le résultat de consignes très floues et très changeantes de la part de l'administration de l'EN. Mais en conseil de classe du 3ème trimestre puis en jury, nous sommes nombreux à avoir entendu des collègues - généralement syndiqués - déclarer "Moi je suis pour qu'on le donne à tout le monde". Ils y sont arrivés à 96%.

    Un aspect qui n'est pas abordé dans cet article est que à court terme, les 1ers bénéficiaires sont les élèves issus de milieux populaires qui constituent le plus gros contingent des recalés. D'autant plus bénéficiaires qu'ils n'auraient pas forcément réussi l'an prochain en redoublant dans un nouveau système. Verdict dans quelques années.

Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces