JM. Blanquer redouble 

Il ne sera pas « vice-président ». Mais Jean-Michel Blanquer est renouvelé ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse et élargit son ministère aux sports. Emmanuel Macron renouvelle sa confiance à un ministre pourtant très impopulaire chez les enseignants et les parents. Au-delà du maintien de la politique menée depuis 2017, c’est un mauvais signal pour la réforme des retraites.

 

Un ministre pourtant usé

 

E Macron garde son ministre de l’Education nationale et élargit son empire aux sports, avec une secrétaire d’Etat, Roxana Maracineanu, l’ancienne ministre des sports. Jean-Michel Blanquer n’est pas le premier ministre de l’éducation dans cette configuration. René Billère, Lionel Jospin, par exemple, ont tenu ces trois ministères.

 

Cette décision a pu surprendre. JM Blanquer semblait usé dans la fonction. Selon le Baromètre Unsa seulement 6% des enseignants soutiennent les réformes portées par JM Blanquer, un taux historiquement bas. Recul historique de la confiance aussi chez les cadres de l’Education nationale, majoritairement hostiles aux réformes. Des hauts fonctionnaires du ministère ont protesté contre sa direction ce qui ne s’était jamais vu. Pire encore, il a aussi perdu la confiance des parents selon plusieurs sondages qui le créditent de 20% de satisfaits.

 

A cela plusieurs raisons.  Des enseignants se plaignent de l’autoritarisme du ministre, inscrite dans la loi Blanquer, des promesses de revalorisation non tenues et de la prolétarisation du métier enseignant de plus en plus cadré par des « guides » ou des évaluations à suivre à la lettre. Il y a aussi les ruptures éthiques qui se multiplient : notes inventées au bac 2019 puis 2020, reconnaissance officielle des évaluations des établissements privés hors contrat aux examens de 2020.

 

Des politiques inefficaces

 

Parents comme enseignants constatent que la politique menée depuis 2017 n’a pas montré d’efficacité. C’est le cas par exemple des dédoublements en CP CE1.  Ces dédoublements ont consommé des milliers de postes, largement prélevés sur des dispositifs plus efficaces du 1er degré (les maitres +) ou dans le 2d degré. Or il n’y a pas d’amélioration significative des résultats des élèves. Le retour à la semaine de 4 jours dans le premier degré a réduit encore les journées d’enseignement alors que les heures d’enseignement en France sont les plus lourdes : on aboutit à des journées de classe trop chargées. La loi Blanquer sur l’obligation scolaire à 3 ans n’a en rien amélioré la scolarisation des enfants mais contraint les communes à payer les maternelles privées au détriment des écoles publiques. Même la petite loi sur les smartphones s’est avérée négative durant le confinement. Cette inefficacité est devenue flagrante durant la crise sanitaire où le ministre a publiquement perdu pied.

 

La succession ultra rapide des réformes, qui se succèdent depuis 2017, détruit l’existant pour imposer partout de nouveaux programmes largement rejetés par les enseignants. Elle désorganise. Partout se mettent en place de nouvelles normes gestionnaires : bourrage des classes dans les lycées grâce aux « spécialités », gestion au moins coutant des AESH grâce aux PIAL, éjection des bacheliers professionnels du supérieur en appauvrissant leur formation générale.

 

Désintérêt pour l’Education

 

On peut s’interroger sur ce que signifie le maintien d’un ministre impopulaire et inefficace.

 

C’est d’abord le signe du désintérêt du président pour l’Education. JM Blanquer a eu les coudées franches depuis 2017 avec fort peu de contrôle venu de Matignon. Il est probable que cela durera avec le nouveau premier ministre.

 

Cela signe aussi un rapport du pouvoir exécutif aux syndicats. Depuis 2017, JM Blanquer tient tête aux syndicats de l’Education nationale, jugés parmi les plus puissants. Il participe ainsi à un combat du gouvernement comme le montre la loi de transformation de la fonction publique. Mais lui réussit et va loin. Il fait passer des réformes qu’aucun de ses prédécesseurs ne jugeaient possibles comme la fin du paritarisme pour les mutations et l’avancement des enseignants. Ainsi il réduit considérablement l’influence syndicale.

 

Le chantier des retraites en perspective

 

Et là on rejoint l’action du nouveau gouvernement. Jean Castex a annoncé vouloir rapidement appliquer la réforme des retraites. Celle –ci pénalise énormément les enseignants en réduisant d’un bon tiers leur retraite. Il va avoir besoin d’un homme fort capable de tenir le million d’enseignants concernés. La première conséquence du renouvellement de JM Blanquer pourrait être la mise en œuvre de la loi sur les retraites accompagnée d’un programme limité de revalorisation et de contreparties comme le « travailler plus » déjà annoncé par le ministre.

 

La principale raison de maintenir JM Blanquer est bien la proximité idéologique avec la nouvelle orientation , plus droitière, qui s’annonce avec le premier discours de J Castex. Tout comme le premier ministre, JM Blanquer soutenait la candidature de F Fillon en 2017. Cette proximité idéologique se lit aussi dans d’autres points. La dénonciation du communautarisme du premier ministre renvoie aux propos de JM Blanquer qui a une lecture droitière de la laïcité. La façon dont le ministre instrumentalise le Parlement, avec la loi Blanquer puis la loi Rilhac, renvoie aussi à l’évolution institutionnelle sous E Macron.

 

François Jarraud

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 06 juillet 2020.

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