Quel ministre pour l’Education nationale ? 

Le ministre de l’éducation nationale du gouvernement Castex devrait être nommé le 6 juillet. S’il est difficile de faire un pronostic dans un régime qui devient, avec ce gouvernement, encore plus présidentiel, Jean Michel Blanquer pourrait être reconduit dans cette fonction. Il y a pourtant bien des raisons de ne pas le garder en poste. Mais Emmanuel Macron a aussi des raisons de préférer son maintien rue de Grenelle. Faites vous votre idée…

 

Quand vous choisissez comme premier ministre une personnalité sans aucune influence personnelle, que vous lui donnez comme directeur de cabinet et comme chef de cabinet deux personnes de votre entourage et que le parti majoritaire à l’Assemblée a été réuni sur votre nom, il est clair que vous réduisez la fonction de premier ministre à celle d’exécutant des décisions présidentielles. C’était déjà la logique de l’application de la constitution depuis 1962. Mais l’insignifiance du nouveau premier ministre montre qu’on a franchi une nouvelle étape vers le présidentialisme. C’est donc bien E Macron qui choisit le ministre de l’Education nationale.

 

Pourquoi se séparer de JM Blanquer ?

 

Peut-on maintenir en place un ministre de l’éducation rejeté par les enseignants et les parents et dont la politique est inefficace ?

 

JM Blanquer est un excellent communicant. Mais pour un ministre qui consacre l’essentiel de son temps à intervenir dans les médias, l’impopularité est un problème. Or tous les sondages sont au rouge. Celui de l’IFOP Journal du Dimanche du 3 juillet montre que 56% des français ne veulent plus de JM Blanquer. Un taux qui monte à 62% chez les adultes de 25 à 49 ans , en âge d’être parents. Selon un autre sondage, Odoxa Le Figaro du 18 juin, 58% des Français ont une mauvaise opinion de JM Blanquer. Le baromêtre Ifop Paris Match de juin 2020 lui donne 39% d’opinion favorable, mais seulement 20% chez les adultes en âge d’être parents. Il semble que les parents aient constaté les dégâts apportés par le ministre à l’Ecole.

 

Chez les enseignants, premiers concernés par sa gestion de l’éducation, c’est bien pire. JM Blanquer atteint un niveau historique d’impopularité. Selon le Baromètre Unsa, une consultation qui touche 9000 enseignants cette année, près de 30 000 en 2019, seulement 6% des enseignants sont en accord avec sa politique (chiffres de 2019 et de 2020). Une majorité des cadres (personnels de direction et d’inspection) est aussi hostile à sa politique, ce qui est tout à fait nouveau.  Certains hauts fonctionnaires dénoncent leur ministre dans une tribune, du jamais vu là aussi. Il y a à cela des raisons catégorielles : autoritarisme du ministre, inscrite dans la loi Blanquer par exemple, promesses de revalorisation non tenues et surtout prolétarisation du métier enseignant de plus en plus cadré par des « guides » ou des évaluations à suivre à la lettre. Il y a aussi les ruptures éthiques qui se multiplient : notes inventées au bac 2019 puis 2020, reconnaissance officielle des évaluations des établissements privés hors contrat aux examens de 2020. Mais il y a des raisons qui concernent aussi les parents.

 

La politique menée depuis 2017 n’a pas montré d’efficacité. C’est le cas par exemple des dédoublements en CP CE1.  Ces dédoublements ont consommé des milliers de postes, largement prélevés sur des dispositifs plus efficaces du 1er degré ( les maitres +) ou dans le 2d degré. Or il n’y a pas d’amélioration significative des résultats des élèves. Le retour à la semaine de 4 jours dans le premier degré a réduit encore les journées d’enseignement alors que les heures d’enseignement en France sont les plus lourdes : on aboutit à des journées de classe trop chargées. La loi Blanquer sur l’obligation scolaire à 3 ans n’a en rien amélioré la scolarisation des enfants mais contraint les communes à payer les maternelles privées au détriment des écoles publiques. Même la loi sur les smartphones s’est avérée négative durant le confinement. Cette inefficacité est devenue flagrante durant la crise sanitaire où le ministre a publiquement perdu pied.

 

La succession de réformes qui se succèdent depuis 2017, d’abord à l’école élémentaire , puis au collège, au lycée et bientôt en maternelle a détruit l’existant pour imposer partout de nouveaux programmes largement rejetés par les enseignants. Elle a désorganisé. La réforme du lycée, présentée comme un outil pour libérer les choix des élèves, a surtout été une réforme gestionnaire. En supprimant les classes on remplit tous les cours au maximum ce qui libère des postes. Finalement les conditions d’enseignement se sont dégradées. Le pire est la réforme du lycée professionnel qui aboutit à fermer aux lycéens professionnels l’accès au supérieur en dégradant leur formation en enseignement général et globalement à affaiblir la voie professionnelle.

 

L’alibi de la lutte contre les inégalités sociales ne tient pas devant la dégradation des conditions d’enseignement dans le second degré et la hiérarchisation accrue des établissements qui se fait contre les enfants des familles populaires. Les 3 années du ministère Blanquer ont été 3 années de désordres graves dans le système éducatif. Elles laissent un système éducatif fragmenté, démoralisé par l’absence totale d’écoute et épuisé par des années de conflits durs.

 

Pourquoi garder JM Blanquer ?

 

On vient d’en donner une raison. Depuis 2017, JM Blanquer tient tête aux syndicats de l’Education nationale, jugés parmi les plus puissants. Il participe ainsi à un combat du gouvernement comme le montre la loi de transformation de la fonction publique. Mais lui réussit. Il fait passer des réformes qu’aucun de ses prédécesseurs ne jugeaient possibles comme la fin du paritarisme pour les mutations et l’avancement des enseignants. Ainsi il a considérablement réduit l’influence syndicale. Cette situation devrait permettre l’application de la loi sur les retraites, une loi que J. Castex veut appliquer rapidement et dont le million d’enseignants va faire les frais. La relative faiblesse des mobilisations enseignantes relativise aussi l’impopularité du ministre.

 

Certes JM Blanquer a du parfois reculer. Ce fut le cas à propos de réforme des directions d’école lors de la loi Blanquer. Les élus LREM ont senti la mobilisation des enseignants et contraint le ministre à enterrer sa réforme. Mais c’était reculer pour mieux sauter. En vrai Florentin, il propose une nouvelle formule en juin 2020 et contourne les blocages. Il va réussir à installer dans les écoles  les véritables chefs que la droite demande depuis des années.

 

Ses réformes ont renforcé l’enseignement privé, par exemple avec l’obligation scolaire à 3 ans. Mais elles tendent aussi à une privatisation de l’enseignement public. Sous son ministère le taux de contractuels n’a cessé d’augmenter. Ainsi les 1400 postes supplémentaires annoncés pour le premier degré pour la rentrée 2020 seront couverts par des contractuels. Des contractuels peuvent accéder à tous les emplois et on a vu en 2020 le premier recteur contractuel. Un récent décret réforme le statut des personnels de direction pour y faire admettre 10% de personnes venant du privé. En même temps la nouvelle gestion de proximité se met en place avec ses « badges » pour sortir la promotion des cadres réglementaires.

 

La principale raison de maintenir JM Blanquer est bien la proximité idéologique avec la nouvelle orientation , plus droitière, qui s’annonce avec le premier discours de J Castex. Tout comme le premier ministre, JM Blanquer soutenait la candidature de F Fillon en 2017. Cette proximité idéologique se lit aussi dans d’autres points. La dénonciation du communautarisme du premier ministre renvoie aux propos de JM Blanquer qui a une lecture droitière de la laïcité. La façon dont le ministre instrumentalise le Parlement, avec la loi Blanquer puis la loi Rilhac, renvoie aussi à l’évolution institutionnelle sous E Macron.

 

JM Blanquer semble très bien placé pour participer à la dernière étape de la présidence et au virage conservateur qui s’annonce.

 

François Jarraud

 

 

 

  

Par fjarraud , le lundi 06 juillet 2020.

Commentaires

  • karenruffner, le 20/07/2020 à 08:38
    Afin de garantir la santé des élèves et des personnels, le respect des règles sanitaires essentielles doit être assuré: gestes barrière, hygiène des mains, port du masque pour les adultes et les élèves de plus de 11 ans lorsque les règles de distanciation ne peut être respectée dans les espaces clos, nettoyage et aération des locaux.
    source to read: customwritingz
  • Viviane Micaud, le 06/07/2020 à 09:41
    On peut résumer les sondages en caricaturant à peine :
    Seules les personnes qui n'ont pas d'enfants scolarisés et qui ne travaillent pas en lien avec l'Education National ont une bonne opinion de Blanquer.
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