L'ATIEF fustige l'arrogance du CSEN  

Alors que le Conseil supérieur de l'éducation nationale (CSEN) a annoncé vouloir définir "les types de recherche qui ont leur pace en éducation" qui devraient être basées sur la "seule expérimentation contrôlée", l'Association des technologies de l'information pour l'éducation et la formation (ATIEF) démonte la position du CSEN nommé par JM BLanquer. "L’éducation est un « fait social total » au sens de Mauss", rappelle l'ATIEF. "Son étude implique la prise en compte des dimensions physiologiques, psychologiques, anthropologiques, historiques et sociologiques de la nature humaine. Les neurosciences ont évidemment toute leur place dans les approches interdisciplinaires qui doivent être mises en œuvre mais cette place ne peut pas être occupée à l’exclusion d’autres disciplines. Quelle crédibilité pourrait-on donner à des conseils prodigués par un conseil scientifique Covid-19 qui serait dépourvu de spécialistes en santé publique ou d’un GIEC constitué uniquement d’experts en chimie du carbone ?  L’éducation ne relève pas d’un traitement dont les effets découleraient d’une causalité simple entre des décisions éducatives et leurs conséquences. Ce paradigme du traitement tend à nier que l’apprentissage est un processus non déterministe dans le sens où il n’y a pas de relation causale simple (un “impact”) entre une décision pédagogique et les apprentissages effectués par les élèves. La subjectivité des acteurs doit être prise en compte et le réductionnisme scientifique conduit à l’aveuglement. Quel crédit peut-on donner à une méthode pédagogique qui ne prend pas en compte qu’elle sera traduite, interprétée et adaptée lors de sa mise en œuvre par les acteurs de terrain ?" L'Atief, qui regroupe des chercheurs de plusiuers disciplines, s'inquiète que "le CSEN souhaite s’ériger en censeur des travaux qui ne s’inscriraient pas dans le seul paradigme de l’expérimentation contrôlée".

 

Le texte

SOS conseil scientifique

Le grand flou du conseil scientifique

 

Par fjarraud , le mercredi 27 mai 2020.

Commentaires

  • Thomas Rataud, le 27/05/2020 à 14:12
    Ce billet, comme nombre de tweets qui relayent ce matin le texte de l'Atief, me laisse perplexe.

    Les expressions stigmatisées par le communiqué de l'Atief ne me semblent pas avoir, dans le contexte de la publication du CSEN où elles se lisent, le caractère menaçant ou arrogant qu'on leur donne ici et là. Ce contexte traite d'un problème particulier.

    Le Conseil a eu à se prononcer, manifestement en urgence, sur la suite à donner à l'usage d'outils numériques, usage qui a fleuri pendant le confinement.
    Il rappelle que les connaissances dont il aurait besoin pour le faire rigoureusement, selon ses propres normes, sont d'un maniement délicat. 

    Regardez ce que cela donne si l'on retient les passages que le Conseil a choisi de mettre en gras dans le paragraphe intitulé  Rechercher l'appui des ressources numériques :

    "Le CSEN se réjouit de cette mobilisation générale pour l’éducation, et souhaite vivement son prolongement au delà de la période de confinement.
    ...

    les outils numériques ne peuvent en aucun cas remplacer l’interaction humaine avec un enseignant ou un parent
     ...

    cette valeur ajoutée des outils numériques ne va pas de soi

    ...

    Seule l’expérimentation contrôlée permet de vérifier qu’un outil pédagogique fonctionne."


    Et il vaut la peine de citer la suite de cette dernière affirmation  :

    "Or, un nombre encore insuffisant de ressources ont démontré leur efficacité dans des essais randomisés contrôlés. Dans les années à venir, un gros effort de recherche devrait être mené dans ce sens. Le CSEN publiera prochainement des recommandations sur les types de recherche translationnelle qui ont leur place en éducation, les différents niveaux de preuve qu’ils apportent, et leurs enjeux éthiques et pratiques."


    Préférerait-on que n'importe quelle officine numérique se voit ouvrir en grand les portes de nos classes ?
    Sommes-nous bien sûrs de n'avoir rien à faire de recommandations fondées sur des critères explicités ?
    Distinguer des niveaux de preuve, souligner des enjeux éthiques et pratiques, en quoi cela devrait-il s'avérer un empêchement à la collaboration de disciplines diverses ?


    On ne peut pas, à mon avis, recomposer le texte du CSEN comme le font ce billet et le communiqué de l'Atief.

    (Il faudrait encore préciser l'objet des recommandations sur lesquelles le CSEN indique devoir travailler. Si je comprends bien l'expression recherche translationnelle (que j'ignorais), il s'agirait d'éclaircir et d'évaluer la portée de recherches concernant le passage de conceptions théoriques à de possibles applications. De telles recommandations n'auraient donc pas vocation à prescrire aux enseignants des méthodes pédagogiques. En revanche, elles leur permettraient, dans la mesure où ils s'y intéresseraient, de mieux apprécier ce qui peut être en jeu lorsqu'on leur propose des outils ou des méthodes qui se parent  a priori d'une légitimation théorique. Elles pourraient ainsi, à l'inverse de ce qu'on veut faire dire au texte du CSEN, avoir un effet radicalement critique  par exemple sur l'habillage neuroscientifique de certaines propositions.)


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