Fabien Nguyen : Le smartphone, un outil pour les SVT 

Comment faire étudier des sismogrammes sur les téléphones des élèves ? Fabien Nguyen, enseignant de SVT, actuellement en détachement à Monaco, maîtrise l’application gratuite Vibrometer qui permet d’étudier les ondes sismiques. L’enseignant opte aussi pour des briques Lego afin de « faire apprécier les dégâts causés aux constructions humaines » lors d’un séisme. Fabien Nguyen propose également à ses collégiens de concevoir eux-mêmes leurs capsules vidéo pour expliquer une notion scientifique. Entre la recherche d’informations, le scénario et la mise en scène, ses élèves partagent leurs découvertes. « Cette approche est riche d’avantages, on n’étudie pas un chapitre pour lui-même, mais pour produire quelque chose », livre l’enseignant. Fabien Nguyen s’est désormais lancé depuis 2 ans dans une indexation de capsules d’élèves sur son site CapsiMôme.

 

Comment faites-vous étudier les séismes avec les téléphones des élèves ?

 

Les séismes sont des phénomènes qui intéressent tout particulièrement les élèves, comme les éruptions volcaniques. Pendant des années, j’ai diffusé des vidéos sur le sujet, évoqué des films qu’ils avaient pu voir, demandé aux élèves de conter leur vécu, fait réaliser des recherches documentaires et même fait réaliser des capsules vidéo. Mais malheureusement, toutes ces approches ne permettent pas de représenter la force d’un séisme. Grâce au programme « Sismo des écoles », les élèves pourraient étudier des sismogrammes (enregistrement de mouvements du sol), mais cela me prendrait trop de temps de classe. C’est pour cela que je me suis tourné vers l’utilisation des terminaux nomades des élèves.

 

L’application VibrometerTM, disponible sur Android et iOS, est gratuite. Elle utilise les accéléromètres dans les trois directions de l’espace pour enregistrer les mouvements du smartphone ou de la tablette, ce qui est intéressant car les ondes sismiques P (premières), S (secondes) et L (Love) se propagent justement chacune dans une direction de l’espace. Le smartphone est donc utilisé comme un sismomètre (appareil mesurant les mouvements du sol).

 

L’activité se fait en cinq étapes. Avant la séance, les élèves sont invités à installer l’application sur leur smartphone et à visionner une vidéo tutoriel réalisée par d’autres élèves afin de la prendre en main. La première activité en classe consiste à enregistrer chacune des ondes sismiques, de faire une capture d’écran. La seconde consiste à secouer son smartphone – en respectant des règles de sécurité ! – pour simuler des séismes d’intensité différente. L’application indique en effet quel degré de l’échelle EMS98 est atteint par les mouvements de l’appareil. Les élèves doivent ensuite transférer par câble USB les captures d’écran réalisées sur ordinateur pour compléter deux documents. Il s’agit donc de mettre les sismogrammes au bon endroit. L’échelle EMS98 étant en anglais dans l’application, les élèves doivent traduire les effets du niveau atteint par chacun de leurs séismes.

 

L’activité, réalisée par groupes de deux ou trois élèves, allie ainsi étude de sismogrammes, numérique et compétences langagières. Je peux alors évoquer les mouvements qu’ils ont dû effectuer pour atteindre le degré XII de l’échelle EMS98, un séisme de cette intensité détruit tout sur son passage.

 

En quoi les Lego et la prise de vidéos sont aussi des appuis pour maîtriser l’origine des séismes ?

 

Les Légo peuvent être l’objet d’une activité plus complexe et plus longue à mettre en œuvre. L’idée de l’activité est non seulement de créer et d’étudier des sismogrammes, mais également d’apprécier les dégâts causés aux constructions humaines. En effet, certaines architectures résistent mieux que d’autres et des effets de site (augmentation ou diminution des effets des secousses dus aux reliefs) peuvent entrer en jeu.

 

L’enseignant peut donc demander aux élèves de réaliser des constructions selon des recommandations qui mettront en évidence ces différences des effets des séismes. Plusieurs smartphones placés à des endroits stratégiques permettent d’enregistrer les mouvements du support des Légo. Ainsi, à certains endroits, les mouvements sont plus ou moins amplifiés, et les dégâts sur les constructions sont différents. L’utilisation de ces briques permet de compléter les dispositifs expérimentaux qui utilisent classiquement des capteurs piézoélectriques reliés à un ordinateur par la prise jack.

 

Comment évaluez-vous ces apprentissages à l’issue du chapitre ?

 

L’évaluation se fait à deux moments , en formatif, lors des différentes activités et en sommatif, à l’issue du chapitre. L’évaluation formative est une évaluation par curseur : à chaque groupe d’élèves sont indiquées les compétences qui sont évaluées lors de cette activité et, sur une échelle de quatre degrés. Ceci permet d’expliciter les attendus. L’enseignant peut ainsi évaluer par compétence les élèves, en indiquant sur la feuille des élèves le niveau atteint. Pour l’évaluation sommative, il s’agit de réinvestir les savoir-faire et de connaitre les définitions des notions nouvelles acquises durant la leçon.

 

Dans un autre domaine, quels sont les possibles de Phyphox ?

 

PhyPhox est une application gratuite qui utilise les capteurs disponibles sur un smartphone ou une tablette : température, pression atmosphérique, lumière, son, etc. Si elle s’installe sur tout appareil de ce type, elle ne donne cependant pas accès à tous les outils, car ceux-ci ne sont disponibles que si les capteurs sont présents dans l’appareil. Je l’utilise en cycle 4 pour mettre en évidence la pression atmosphérique. Cette notion est capitale pour comprendre les notions d’anticyclone et de dépression et la naissance des vents.

 

Pour les smartphones équipés d’un capteur de pression, PhyPhox affiche la pression atmosphérique en hPa (hectoPascal). Il suffit de se placer dans la cour ou au rez-de-chaussée et de lire la pression atmosphérique sur le smartphone. En se rendant à un étage plus élevé, les élèves peuvent constater que la valeur indiquée est plus basse : plus on est en altitude, plus la pression atmosphérique est faible. Une vidéo montrant la même expérience faite au pied et au sommet d’une tour confirme les mesures effectuées par les élèves.

 

Il est important de pouvoir s’appuyer sur les appareils des élèves. Ils lui trouvent de nouveaux usages que la consultation de vidéos, le GPS ou la messagerie instantanée. Et ils sont même plutôt fiers d’utiliser un appareil souvent objet d’interdits en classe, car certains peuvent faire montre de leur aisance à le manipuler. Le travail par petits groupes permet de ne frustrer personne.

 

Vous faites réaliser des capsules à vos élèves. Comment se déroulent ces séances ?

 

J’ai fait réaliser plusieurs types de capsules vidéo. D'abord la récapitulation d’une partie du chapitre. Dans ce cas, les élèves doivent mettre en scène, avec leurs propres mots, le contenu notionnel du chapitre. Ce type de vidéo permet à l’équipe d’élèves de revenir sur l’ensemble des notions du chapitre. Ils peuvent ainsi revoir les notions vues en classe, la reformulation amenant à mieux les comprendre. Ce sont des capsules qui peuvent être réalisées en un peu plus d’une heure de cours. Il y a aussi le compte-rendu d’une partie du chapitre, typiquement le retour sur une démarche d’investigation ou un reportage. Les élèves sont alors amenés à filmer leurs manipulations ou bien à se filmer, cela se déroule donc en une séance. Un autre type de capsule concerne la présentation de phénomènes ou d’évènements connexes. Par exemple, dans le chapitre sur les séismes en cycle 4, la présentation d’un séisme majeur (localisation, date, dégâts, victimes, contexte géodynamique). Dans ce cas, les élèves doivent réaliser des recherches à la maison, puis produisent leurs supports en classe.

 

Enfin ce peut être la présentation d’une leçon qu’ils n’ont pas abordée en classe. La classe inversée n’est donc pas limitée à une partie d’un cours, mais elle porte sur le cours entier. L’idée est de faire travailler chaque équipe d’élèves sur une partie de la leçon, afin de constituer, en fin de production, une capsule vidéo sur l’ensemble de la leçon.

 

Dans tous les cas, un travail préparatoire est nécessaire, comme la recherche d’informations, qui se fait à la maison lorsque le cours n’a pas encore été abordé en classe. Ou encore l’écriture d’un scénario, qui succède à l’étape précédente. Il décrit ce que l’on devra voir à l’écran. Ce scénario peut être débuté en classe et terminé à la maison. À la séance suivante, il doit être rapporté pour validation par l’enseignant. Autre exemple : la réalisation d’un storyboard, pour décrire chaque plan. Le travail est à la fois fait en classe et à la maison, jusqu’à validation. C’est aussi l’occasion pour l’enseignant d’échanger sur la technique que les élèves auront à employer, d’évoquer les difficultés techniques, en fonction de ce qu’ils veulent produire.

 

Ce peut être aussi la construction des supports, qui peuvent être physiques (film d’animation) ou virtuels (diaporama). Les élèves travaillent à la maison et en classe, mais tous les travaux doivent être validés. Ou encore le tournage,  l’écriture et l’enregistrement des dialogues et du commentaire en voix off. Je récupère alors tous les rushs et assure le montage final. J’espace les séances de travail sur les capsules vidéo les plus ambitieuses d’au moins quinze jours, pour me permettre d’avancer dans les autres cours et de laisser du temps aux élèves pour peaufiner leur travail. Ainsi, je empiète le moins possible sur la progression annuelle.

 

Quelles sont les atouts de cette démarche ?

 

Cette approche est riche d’avantages. Fonctionner en mode projet donne du sens aux enseignements : on n’étudie pas un chapitre pour lui-même, mais pour produire quelque chose. Cela permet de faire le point sur l’avancement du travail. Ainsi, en début de production, les élèves doivent rechercher des informations sur la thématique de leur capsule vidéo. Ces éléments doivent être validés par l’enseignant avant qu’ils puissent écrire le scénario. Cela motive les élèves en difficulté ou décrocheurs afin qu’ils apportent leur contribution au travail collectif. Enfin on diffuse le montage final de la capsule vidéo. Cette dernière phase permet d’apprécier ce qu’ils ont accompli, de comparer, critiquer, débattre de leurs productions avec les autres élèves, ainsi qu’avec les productions des élèves d’autres classes et établissements. Cela favorise l’émulation.

 

De séance en séance, le travail par petits groupes, qui travaillent chacun sur une thématique précise, à son rythme, développe automatiquement une approche différenciée, qu’il est souvent difficile à mettre en place.

 

Créer des capsules vidéos est également l’occasion de mettre en œuvre les compétences civiques des élèves : faire profiter de leurs savoirs et de leurs compétences les autres élèves, c’est à la fois valoriser ce qu’ils sont et savent faire, mais également leur donner le gout du partage. En contribuant aux plateformes de capsules vidéos réalisées par les élèves, ils deviennent producteurs de contenus.

 

En quoi consiste votre site Capsimôme ?

 

Il existe des milliers de capsules vidéo réalisées par des enseignants et des institutions, qui expliquent tout avec un ton parfois original et un rendu professionnel. Les élèves pourraient passer leurs journées à les visionner et tout apprendre. Mais ils ne le font pas. Par manque de temps et de motivation, sans doute. Et puis ils vont chercher la vidéo qui leur semble la plus claire et la plus concise.

 

C’est de ce constat qu’est né CapsiMôme. Dans le prolongement de faire réaliser des capsules vidéo par des élèves pour qu’ils partagent ce qu’ils ont appris, pourquoi ne pas proposer une plateforme qui répertorie les capsules vidéo réalisées par des élèves ? Les jeunes ont des idées, le ton et le vocabulaire pour réaliser des capsules vidéo adressées à leurs pairs, avec, de manière inconsciente, des références culturelles que ne partagent pas les adultes. Elles peuvent donc être mieux pensées pour les élèves.

 

Créée en 2018, Capsimôme propose chaque semaine, de manière collaborative, une nouvelle capsule vidéo sur une thématique des programmes, de l’école à l’université. L’indexation des vidéos permet à tout élève de retrouver une vidéo qui lui explique ou réexplique une notion qu’il n’a pas comprise. Il peut ainsi la visionner autant de fois qu’il le veut, à son rythme, sans être perturbé par des publicités. Et si sur un même thème plusieurs capsules de qualité existent, elles sont associées sur la même page, car un élève pourrait trouver l’une plus claire que l’autre. Tout enseignant ou adulte peut contribuer à CapsiMôme.

 

Propos recueillis par Julien Cabioch

 

Étudier les séismes au collège

Les capsules des élèves

 

Dans le Café

Sciences : Phyphox traduit en français

Yann Culus : Applications et cours de SVT en ligne

 

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 26 mai 2020.

Commentaires

Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces