Coronavirus : L'Ecole est-elle vraiment prête ? 

Le premier mort français du coronavirus est un professeur de l'Oise qui n'a pas voyagé dans des zones à risque. Et ce n'est peut-être pas par hasard. Les enseignants pourraient être au premier rang des victimes potentielles de la maladie. JM Blanquer affirme que "nous sommes préparés en cas d'épidémie" et évoque un programme national d'enseignement à distance. Faut-il envisager de fermer les écoles en cas de pandémie ? L'éducation nationale est-elle réellement prête à lancer un programme national d'enseignement à distance ? Comme en 2009, lors du H1N1, le coronavirus pourrait bien être un révélateur des réalités de l'Ecole.

 

Retards dans la transmission

 

Que sait-on de l'épidémie de Coronavirus dans les écoles française ? Selon JM BLanquer "quelques dizaines" d'élèves seraient en quarantaine. On sait qu'ils sont déjà 40 à Courbevoie. On peut aussi ajouter un groupe de 5 élèves et 3 enseignants de Villeneuve sur Lot, de retour d'Italie. Une enseignante toulousaine est aussi en quarantaine. Il est probable que des dizaines d'autres cas existent et que des centaines d'élèves sont revenus de voyage dans les zones à risque (en Italie par exemple) et n'en ont rien dit.

 

Si le ministère de la Santé a demandé tôt la mise en quarantaine des adultes et des enfants de retour des zones épidémiques, l'Education nationale s'est réveillée bien tard. C'est seulement lundi 24 dans la journée que des instructions ont été données par le ministère, soit après la rentrée de la zone C. Le ministère "demande" aux établissements de reporter tout voyage en Chine, en Lombardie et Vénétie et de "reconsidérer la pertinence de tous les voyages scolaires vers les zones d'exposition". Il invite à "différer de 14 jours l'accueil des élèves et enseignants de retour des zones d'exposition". Certains Dasen avaient pris un peu d'avance sur le ministère par exemple dans les Hauts-de-Seine. Mais selon les syndicats, l'application des mesures reste "à l'appréciation des recteurs".

 

Le cas particulier des établissements français d'Asie

 

Les premiers pays touchés par la pandémie ont réagi de façon beaucoup plus énergique. En Chine les écoles sont fermées sur une grande partie du territoire et un système d'enseignement à distance est mis en place. Une classe virtuelle pour les écoliers et collégiens diffuse des leçons dans 12 disciplines et la télévision retransmet des émissions vers les zones reculées du pays. Mais selon le Washington Post, les élèves reçoivent un accompagnement faible des enseignants qui varie aussi selon l'équipement des familles. Le gouvernement chinois soutient financièrement les parents qui gardent leur enfant à la maison et ne vont plus travailler.

 

Les écoles françaises situées en Asie sont concernées par ces restrictions. Les établissements de l'AEFE en Chine sont fermés jusqu'au 16 ou 23 mars. Au Vietnam c'est jusqu'au 2 mars, 2 avril en Mongolie, 9 mars en Corée du Sud. A Taïwan le lycée français vient de réouvrir. Le réseau a aussi annulé tous les déplacements en Asie des élèves et des adultes. Il a ouvert une plateforme offrant 3 heures de travail scolaire en autonomie par les élèves depuis le 3 février en s'appuyant sur des outils comme ZOOM. Les responsables nationaux de Parcoursup ont été mis au courant de la situation pour ne pas porter préjudice à l'orientation des élèves.

 

L'école face au risque sanitaire

 

Si la pandémie semble sur le déclin en Asie, elle semble arriver en Europe avec des flambées de cas comme en Italie. L'école y est-elle prête ?

 

En prévision de l'épidémie de H1N1 en 2009, le ministère de l'éducation nationale avait édité dès la rentrée des recommandations distribuées aux familles et aux enseignants présentant les gestes à respecter pour limiter la diffusion du virus, comme se laver les mains pendant 30 secondes, les essuyer avec un papier jetable etc. En fait, toutes ces mesures ont révélé le sous équipement sanitaire des écoles et établissements. " Comment, par exemple, dans un établissement ordinaire, chaque élève pourrait-il passer 30 secondes à se laver les mains quand on sait qu'il n'y a souvent qu'un seul lavabo pour 100 ou 200 élèves ? Avec quel produit d'ailleurs le faire ? Comment obliger les élèves à se moucher dans du papier quand on ne dispose pas de stocks ? Comment mettre en quarantaine un élève quand l'infirmière est sur 2 ou 4 établissements ?", écrivions-nous.

 

Il ne semble pas y avoir eu de réels progrès depuis cette date. Bien au contraire l'encadrement médical des écoles et établissements s'est dégradé. On compte maintenant moins de 1000 médecins scolaires et moins de 8000 infirmières pour plus de 12 millions d'élèves. Le ministère a laissé cette situation se dégrader, notamment avec le non renouvellement des médecins, et envisage maintenant de transférer la médecine scolaire aux départements.

 

Quand faut-il fermer les écoles ?

 

Dans cette situation il peut sembler plus prudent de fermer les écoles. Mais quand le faire ? Avec quels impacts ? En 2012, le Haut Conseil de la Santé Publique a publié un rapport sur ces fermetures en cas de pandémie grippale qui fait le point des connaissances sur ces questions.

 

" Les enfants sont les principaux vecteurs de transmission du virus Influenzae au cours des premières phases d’une pandémie, comme ils le sont en dehors des phases pandémiques... Les enfants jouent un rôle particulièrement important dans la transmission de la grippe ; ils sont plus réceptifs à l’infection que les adultes, sont responsables de plus de cas secondaires dans les foyers que les adultes, ont un portage viral plus important et prolongé, « maîtrisent » beaucoup moins leurs sécrétions respiratoires, et sont en contact étroit avec les autres enfants à l’école, favorisant ainsi les transmission. L’école constitue une zone d’amplification de la grippe", écrit le HCSP.

 

La fermeture des écoles peut donc être une mesure efficace pour différer la croissance du nombre de malades et gagner du temps ou même réduire le nombre total de cas. Conclusion : la fermeture des écoles n'a de sens que si elle est précoce. Il faut avoir le courage de la déclarer au tout début de la pandémie pour casser son rythme. Il faut aussi qu'elle soit suffisamment longue pour avoir un effet.

 

Mais fermer les écoles a aussi des conséquences négatives. Le principal, et le ministre y a fait allusion, c'est son coût économique. Pas tant du fait du coût des antiviraux que celui des journées de travail perdues. Le pourcentage de parents obligés de s'arrêter de travailler est important et le cout total peut être élevé (jusqu'à 6% de PIB dans une des études). Les foyers sont aussi inégaux devant ce problème, les plus défavorisés ayant le plus de difficulté à s'arrêter pour garder les enfants.

 

L'enseignement à distance est-il prêt ?

 

La fermeture des écoles n'est efficace que si on évite que les enfants se regroupent en dehors de l'école. Car il est bien difficile de maintenir les enfants enfermés à la maison s'ils n'ont rien à faire. Les études montrent qu'ils peuvent relancer l'épidémie dans des lieux inattendus (magasins, parcs par exemple). Il faut donc occuper les enfants ce qui est une raison importante de mettre en place un enseignement à distance.

 

En 2009, Luc Chatel avait annoncé "la continuité pédagogique". Le ministère avait prévu la diffusion sur France Culture de 288 heures d'émission éducatives et sur France 5 de 264 heures de cours, soit 5h30 par jour, 4 jours par semaine durant 12 semaines. "Pour les collèges et les lycées, des enseignants référents assureront des permanences dans l'établissement", disait le ministère. "Ils seront en contact avec les élèves et assureront le relais avec les enseignants. Enfin "l'académie en ligne" proposera des cours pour tous les niveaux sur Internet".

 

"On est préparé à faire de l'enseignement à distance", a dit le 26 février, JM Blanquer. "On a la formule du CNED qui est déclenchable au cas par cas. Dans  les ENT on peut envoyer des éléments à distance. Dans le cas d'une proportion plus importante de fermetures on serait capable de déclencher un enseignement à distance massif".

 

En fait, ce n'est peut-être pas aussi simple. Certes il reste les éléments de 2009. Certes le CNED dispose de vastes ressources numérisées (la fameuse académie en ligne) et est capable de faire de l'enseignement à distance. Mais serait-il capable de répondre à la demande importante qui résulterait d'une fermeture nationale ? A coup sur il n'a pas l'effectif pour le faire. L'exemple récent des spécialités suivies à distance grâce au CNED montre la modestie des moyens. Selon le rapport Bannier Reiss de décembre 2019, seulement 241 lycéens suivent les enseignements de spécialité à distance. On est un peu loin des 12 millions...

 

On sait aussi que pour que l'enseignement à distance marche bien il vaut mieux que les élèves et les enseignants aient été préparés avant. Ca se prépare avant la fermeture des écoles avec la découverte et le maniement des outils et des procédures pédagogiques en classe. L'improvisation ne donnera pas les mêmes résultats.

 

Pour se donner de bonnes chances d'un bon accompagnement des élèves, le ministère devrait indiquer dès maintenant quels outils, quelles ressources utiliser. Or on sait que, suite au discours du ministre, on a seulement commencé à discuter, notamment à la DNE, de la prise en charge des élèves en cas de confinement.  

 

Les syndicats interpellent le ministre

 

Ce sont un peu tous ces aspects que les syndicats soulèvent en ce moment avec le ministère. "Que faire si dans un département des enfants ont été admis à l'école et qu'on se rend compte deux jours plus tard qu'ils étaient en Lombardie ? L'école est mise en quarantaine ? Les familles aussi ? Et pour les enseignants on fait quoi ?", interroge Francette Popineau, co-secrétaire générale du Snuipp Fsu, interrogée par le Café pédagogique. "Bien des questions se posent. Le ministre semblait dire que tout était prêt mais la concrétisation est décevante". Le Snes Fsu rappelle sur son site la réglementation e vigueur , notamment le fait qu'en cas de mise en quarantaine le jour de carence ne s'applique pas. L'Unsa Education " demande la tenue d’une réunion nationale et de réunions académiques et départementales avec les organisations syndicales pour se préparer collectivement à l’éventualité d’une crise sanitaire. La fédération demande également que soient désignés des référents dans les territoires pour les chefs d’établissements et directeurs d’école à qui de nombreuses questions se posent déjà".

 

François Jarraud

 

Le dossier Inserm sur le coronavirus

Blanquer sur BFM

L'exemple de 2009

Le gouvernement envisage de confier aux départements la médecine scolaire

Le rapport HCSP sur la fermeture des écoles

Les mesures en GRande Bretagne

Point de situation AEFE

L'expérience américaine

Coronavirus : scénario pédagogique en SVT

Suivre l'épidémie

Informations Snes Fsu

 

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 27 février 2020.

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