Retraites : L'avenir des enseignants en débat à l'Assemblée 

Après l'échec de la commission chargée de préparer le texte sur la réforme des retraites présenté à l'Assemblée, c'est le texte initial du gouvernement qui est intégralement mis en débat depuis le 17 février. Or, dès l'article 1, la loi bute sur la retraite des enseignants. Dès le début du texte, la loi mentionne la fameuse loi de programmation dont on sait qu'elle n'est pas constitutionnelle. Le gouvernement doit trouver une solution et par suite éclairer sur ses intentions envers la revalorisation des enseignants. A moins qu'il ne préfère entretenir le flou qui dure depuis 4 mois...

 

Bricolage

 

Les alinéas 14 et 15 de l'article 1er de la loi sur les retraites mentionnent un engagement gouvernemental pour la revalorisation des enseignants. " Le Gouvernement s’est engagé à ce que la mise en place du système universel s’accompagne d’une revalorisation salariale permettant de garantir un même niveau de retraite pour les enseignants et chercheurs que pour des corps équivalents de même catégorie de la fonction publique. Cette revalorisation sera également applicable, conformément à l’article L. 914-1 du code de l’éducation, aux maîtres contractuels de l’enseignement privé sous contrat. Cet engagement sera rempli dans le cadre d’une loi de programmation dans le domaine de l’éducation nationale et d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche".

 

Or l'avis du Conseil d'Etat sur ce projet de loi estime que cette disposition est anticonstitutionnelle, une loi ne pouvant contraindre le gouvernement à déposer une loi de programmation. C'est , selon la formule d'un député PC, M Dharréville, le 17 octobre , un "sidérant bricolage, flagrant délit d’impréparation !"

 

Malgré cet avis, le gouvernement a laissé cette mention inchangée dans le projet de loi. Cette décision a été très critiquée car elle ouvre la porte à un retrait de cet engagement dès que la loi passera devant le conseil constitutionnel. Le gouvernement est accusé à la fois d'incompétence, de précipitation et de dissimulation.  Cet engagement ferme mais qui n'a aucun avenir donne à penser que le gouvernement ne souhaite pas réellement revaloriser les enseignants.

 

Comment sortir du problème ?

 

Comment rattraper cette situation ? Parmi les 40 000 amendements déposés sur le projet de loi, plusieurs dizaines concernent les enseignants et proposent des solutions.

 

Le rapporteur de la loi devant la Commission qui a examiné le texte, M. Gouffier-Cha (LREM) propose de supprimer les deux alinéas (amendement 9998) et d'en remettre le texte dans un article additionnel juste après l'article 1er. Cela permettrait de ne pas faire censurer par le Conseil constitutionnel l'article 1. Après cet article serait ajouté un article précisant : " La mise en place du système universel de retraite s’accompagne, dans le cadre d’une loi de programmation, de mécanismes permettant de garantir aux personnels enseignants ayant la qualité de fonctionnaire et relevant des titres II, III et VI du livre IX du code de l’éducation une revalorisation de leur rémunération leur assurant le versement d’une retraite d’un montant équivalent à celle perçue par les fonctionnaires appartenant à des corps comparables de la fonction publique de l’État". (amdt 10000)

 

La fausse solution Rilhac

 

Mais les députés de la majorité ont d'autres solutions. Mme Rilhac, que l'on sait si proche du ministre de l'éducation nationale, propose de compléter l'article 1 par cette mention : "La mise en place du système universel de retraite ne devant occasionner aucun préjudice concernant les futures pensions, pour les enseignants, enseignants-chercheurs et chercheurs, le Gouvernement s’engage à mettre en œuvre tous les moyens, financiers ou autres, nécessaires à la réussite de cet engagement". Pour elle, malgré cette formulation peu précise, " cet amendement, sans mentionner la référence à une autre loi, engage le gouvernement mais aussi les prochains, à mettre en œuvre tous les moyens budgétaires au maintien du montant des pensions des enseignants, enseignants-chercheurs et chercheurs". Adopté après la suppression des alinés 14 et 15 , cet amendement offrirait une porte de sortie peu contraignante pour le gouvernement et utile politiquement (amendement 24552).

 

Plusieurs élus LREM, menés par Mme Wonner, proposent de supprimer simplement la référence à la loi de programmation (amendement 38037) dans l'alinéa 14 et l'alinéa 15 et de préciser que " Un décret un Conseil d’État détermine les modalités de mise en œuvre du I". L'amendement a le mérite de la clarté : un décret est un acte du gouvernement qui fait ce qu'il veut. Mais il est politiquement moins séduisant.

 

M Naegelen et des députés UDI prennent au mot le gouvernement. Ils proposent de retirer les alinéas 14 et 15 et de les remplacer par une mention claire : " Les personnels enseignants, enseignants-chercheurs et chercheurs ayant la qualité de fonctionnaire et relevant du titre V du livre IX du code de l’éducation bénéficient a minima d’une retraite comparable à celle en vigueur à la date de l’entrée en vigueur du présent projet de loi. Un décret un conseil d’État en détermine les modalités de mise en œuvre". On aurait ainsi un engagement clair de l'Etat. Cet amendement pourrait mettre en difficulté le gouvernement , du moins s'il est maintenu... (n°9341).

 

Une coalition droite - gauche pour un rapport

 

Du coté de l'opposition, la situation du gouvernement qui propose un texte en sachant qu'il est anticonstitutionnel suscite de l'ironie. Ainsi les députés LFI ont déposé de nombreux amendements identiques (par ex. 3394) invitant le gouvernement à "éviter une inconstitutionnalité supplémentaire" en retirant ses alinéas et en maintenant le cadre actuel des retraites. M Jumel , PC, rappelle qu'il y a un moyen de revaloriser les enseignants  "c'est de revaloriser leur point d'indice ce que le gouvernement actuel s'est refusé à faire" (n°26816).

 

Le groupe PS demande le retrait des alinéas pour inconstitutionnalité (n°24919) et la remise d'un rapport au 30 septembre 2020 précisant le système de garantie du montant de la retraite des enseignants retenu par le gouvernement (n°11179). Cet amendement est repris par des députés d'extrême droite et du groupe Liberté et territoires. Décidément la loi sur les retraites est source de surprises...

 

La solution retenue par la majorité de l'Assemblée devrait éclairer sur les intentions réelles du gouvernement. Pour maintenir le montant de leur retraite la rémunération des enseignants dans le nouveau système doit être nettement revalorisée. C'est 10 à 12 milliards de masse salariale qui sont à ajouter. Pour le moment le gouvernement n'a vraiment mis sur la table des négociations avec les syndicats que 500 millions en 2021 dont seulement 200 millions de revalorisation. Le reste ne relève pas d'une revalorisation mais de tâches nouvelles rémunérées : formations sur les vacances ou remplacements.

 

François Jarraud

 

Le dossier législatif avec accès aux amendements

Revalorisation : finalement ce sera 200 millions

Revalorisation : le principal engagement n'en est pas un

Le dossier Retraites

 

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 18 février 2020.

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