Les chefs d'établissement du privé inquiets des retombées de la réforme du lycée 

"La réforme est faite pour économiser des moyens". Vivien Joby, président du Snceel, le principal syndicat de chefs d'établissement du privé sous contrat, membre du comité de suivi, aime bien les réformes des lycées. Il en partage la philosophie. Mais pas au point de dissimuler les problèmes qu'elles posent. Le principal étant l'avenir des enseignants confrontés à une baisse de la dotation horaire. Mais le Snceel s'inquiète aussi de la mise en concurrence des établissements et pour beaucoup de la réduction de leur offre par rapport à l'ancien lycée.

 

"On vit bien cette réforme"

 

Invités au Sénat le 8 octobre, le Snceel, syndicat des chefs d'établissement du privé , le secrétaire général de l'enseignement catholique, deux syndicats assez proches de l'institution catholique (le Snec Cftc et le Spelc) et la sénatrice Catherine Morin Desailly, faisaient le point sur les réformes de lycées généraux, technologiques et professionnels. Ce premier point à quelques semaines de la rentrée fait déjà remonter de vrais problèmes.

 

"On vit plutôt bien cette réforme", affirme Vivien Joby, président du Snceel.Le syndicat des chefs d'établissement du privé estime "qu'elle correspond à ce qu'on défend", c'est à dire l'individualisation, la liberté de choix des parcours, la construction d'une orientation du lycée vers le supérieur. Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique,  estime que les élèves ont "joué le jeu de la réforme" et multiplié les parcours. On en compterait 150 différents dans les lycées catholiques. La combinaison maths - physique - SVT ne concerne plus que 32% des élèves contre 56% précédemment.

 

Des postes d'enseignants en danger

 

Pour autant des chefs d'établissement présents à cette rencontre témoignent aussi de sérieux problèmes. Ainsi un proviseur adjoint souligne que la dotation horaire "n'est pas en adéquation avec les exigences de la réforme". "On a du faire des choix", dit-il. Dans son établissement  on a supprimé les dédoublements en sciences. Adieu donc les expérimentations et les manipulations pourtant chaudement recommandées par le ministère.

 

"Il y a dans la réforme un volet économique", explique V Joby. "Elle n'est pas faite pour créer mais pour économiser des emplois". Avec les spécialités les classes n'ont plus di'dentité disciplinaire. Ce sont des unités administratives réunissant 35 élèves éclatés sur différentes spécialités. Il y a donc une économie d'échelle qu'il estime à une classe pour 7. A cela s'ajoute le fait que le volume d'enseignement est plus faible. La conséquence c'est "qu'il y a de grosses discussions sur les postes et les HSA". Luc Viehé, secrétaire général du Spelc confirme "les inquiétudes sur l'emploi" et aussi la fatigue des enseignants. Le Snceel souhaiterait que le statut des professeurs de lycée professionnel évolue vers celui de formateur puisque l'apprentissage se développe dans ces établissements.

 

Vers la disparition des professeurs principaux ?

 

Le second problème c'est les conseils de classe. "Dans mon établissement dans une classe il y aurait 24 enseignants", témoigne V Joby. Pour le Snceel le moment est venu de "repenser ce qu'est une classe, si tant est que le mot veuille dire quelque chose" et par suite la mission de professeur principal. "Le conseil a-t-il une utilité ? La fonction de professeur principal devient-elle archaïque", demande t-il. Le Café pédagogique avait déjà souligné la coupure éducative qui est en train de se produire dans les établissements.

 

Une liberté à l'aveugle

 

Le second problème c'est l'obligation pour les familles de faire des choix de spécialités et donc d'orientation alors que les établissements du supérieur gardent secrets leurs critères de choix des étudiants. "Les parents s'inquiètent de la connexion entre les spécialités et le supérieur", affirme V Joby. "Il faut dire à Mme Vidal qu'il faut accélérer le mouvement d'affichage des attendus  des établissements du supérieur si on veut que la réforme réussisse".

 

"On sent l'inquiétude des parents en attente d'information sur l'évaluation au controle continu", témoigne un chef d'établissement. Le comité de suivi serait en train de travailler sur cette question qui fait l'objet d'un projet de note de la dgesco.

 

Une offre réduite pour les établissements

 

Plusieurs chefs d'établissement se plaignent d'avoir perdu une partie de leur offre éducative avec la réforme. "Mon offre est devenue inférieure à ce qu'elle était", explique un chef d'un petit établissement du Nord. "On avait imaginé que la réforme serait mieux disante. En fait je suis moins disant". Son lycée de 350 élèves a perdu l'option numérique. Un autre chef d'établissement témoigne de la même situation. C'est aggravé par le fait que la mutualisation entre établissements, qui avait été recommandée par le Sgec, "s'avère pas possible". Pour V Joby, la réforme a été l'occasion de revoir la carte des formations et dans certaines régions de diminuer les ambitions des établissements privés.  

 

Autant de questions que V Joby va faire remonter au comité de suivi de la réforme du lycée. Selon lui, JM BLanquer "ne souhaite pas que ce comité devienne un CSE bis". Il va pourtant bien falloir que les questions de personnel soient traitées. Le prochain comité, ce 9 octobre , devrait traiter du controle continu et des conseils de classe.

 

FRançois Jarraud

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 09 octobre 2019.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 11/10/2019 à 09:02
    Vu que la réforme du lycée était basé sur une analyse fausse avec deux dénis.
    - le déni qu'il existe deux matières structurantes "l'expression écrite" et "les maths", et le niveau atteint en fin d'école du socle sur ces deux matières, et en fin de lycée sur ces deux matières limitent les parcours possibles (que l'élève a une chance raisonnable de réussir y compris s'il fait des efforts). 
    La S est la partie visible de l'iceberg des dysfonctionnements liés à ce déni. Les dysfonctionnements qui ont le plus d'impact nuisible pour le pays sont liés à "l'expression écrite" et concernent les élèves les plus éloignés de l'école".
    - le déni sur le chemin de construction psychologique qui permet de stabiliser un projet de vie, qui se fait par essais-erreurs. L'orientation en entonnoir dans son silo après des présentations "vitrine" des matières est évidemment contraire à ces connaissances de base de la psychologie du jeune.

    Je ne pense que c'est une erreur de passer trop de temps à comprendre compenser les contraintes d'organisation, il faut faire évoluer la réforme du lycée en prenant en compte les deux mécanismes décrits plus haut.
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