Evelyne Charmeux : Oraliser un texte, ce n'est pas lire à haute voix 

" Au CP, "lire à haute voix" est chose impossible : c'est une activité sans rapport avec les possibilités d'un enfant de cet âge, et qui n'a rien à voir avec la prononciation orale de ce qu'on a sous les yeux. Mais même après, au CM, aider en lecture ne peut en aucun cas se faire avec de la lecture à haute voix", écrit Evelyne Charmeux sur son blog. " Confondre.. lecture et lecture à haute voix, c'est handicaper doublement la maîtrise de l'une et de l'autre : l'enfermer dans l'oralisation, c'est mettre en difficulté les opérations mentales nécessaires à la compréhension, et c'est aussi handicaper l'acquisition d'un véritable "savoir-lire à haute voix"."

 

Sur son blog

 

 

Par fjarraud , le mercredi 02 octobre 2019.

Commentaires

  • Jean Maurice, le 02/10/2019 à 15:41
    Evelyne Charmeux a pris l'habitude du raccourci pour lutter contre les "syllabopathes" qui le pratiquent tout autant. Oralisation ne serait pas lecture, tout comme flottaison ne serait pas natation. Peut-on dissocier les deux au point de pouvoir en exclure un en tant que nuisible? N'y a-t-il pas contrainte physique d'utiliser les deux parties? Qu'elle vienne donc voir tous les exercices abscons et très éloignés de situations "vraies" que l'on pratique avec efficacité, et finalement à-propos, dans les piscines : pieds attachés, T-shirt, bras dans le dos, battements en nage libre et bras de brasse (et vice versa), etc. Autant de situations qui vont structurer votre équilibre, vos réflexes, développer puissance et proprioception...
    Pour exemple, les situations d'énoncés lus oralement aux autres sont légion dans une classe : lire une consigne pour les autres quand ceux-ce ne la voient pas ou ne sauraient pas la déchiffrer. Situation très scolaire certes, mais parfaitement emplie de sens pour les acteurs. La vie scolaire ne serait-elle pas un peu de la vraie vie pour les enfants?
    La lecture à haute voix représente pour chaque enfant, pris seul, un temps ridiculement court dans une journée. Comment ce bref exercice pourrait-il durablement altérer l'intégrité cognitive ou faire obstacle à toute évolution culturelle de l'individu qui la subit? Selon moi, le problème ne viendrait pas de la typologie de l'exercice mais de la réalité de son application en classe sur un effectif complet. Là, on peut affirmer que les trois-quart de la classe dorment pendant qu'un élève balbutie son texte. Perte de temps collectif essentiellement.
    Effrayée par le fait qu'on puisse lire des suites de mots en historiettes stupides dans les manuels de syllabique, elle pense que rien ne ramènera les enfants vers la littérature et le texte d'intentions (informatif, distractif...). Elle devrait venir voir comment des enfants apprennent à déchiffrer sans aucun manuel, sans aucun texte prétexte avant de passer directement au livre, pratiqué seul. Mais il est vrai que ceux-là reçoivent à l'école ce que les parents "favorisés" font chez eux : des tonnes de lectures non pas offertes mais partagées. Chut!!!!! Si vous dites que vous lisez trois ou quatre histoires par jour et autres documentaires à des enfants en classe, vous vous faites taper sur les doigts car, en classe, c'est l'enfant qui doit faire les exercices !

    Le grand poncif pédagogique c'est "forger pour devenir forgeron", qui se traduit par : faire parler l'élève pour qu'il progresse en maîtrise de la langue (orale seulement?) et lire à haute voix pour devenir lecteur. Eh bien messieurs et mesdames les grand donneurs de leçons, je vous donne un marteau et une enclume, aucun tuto ni modèle, aucune culture de la métallurgie, et vous prie de bien vouloir me préparer ne serait-ce qu'un fer à cheval!



    • Alain Miossec, le 06/10/2019 à 18:54

      - L’analogie flottaison/natation ne fonctionne pas pour parler du rapport entre oralisation-déchiffrage/lecture compréhension. Si la flottaison fait partie d’un champ de compétences lié à l’activité de natation, l’oralisation-déchiffrage n’est pas une compétence qui sert à l’activité de lecture-compréhension. C’est une mauvaise façon d’utiliser la combinatoire (qui bien entendu doit être construite), et trompeuse manière de présenter la lecture aux élèves, et un objectif très souvent dispendieux en temps de classe, empêchant d’autres pratiques, et mettant en difficulté à plus ou moins « bas bruit » (décrochage, incompréhension, dévalorisation...) une partie importante d’élèves (surtout ceux qui ne se sont pas construit les savoirs par ailleurs, dans leur environnement familial, ou dans d’autres pratiques scolaires plus justes et émancipatrices)

      - L’analogie avec les exercices de natation ne tient pas non plus. Ils ne pourraient se pratiquer, avec d’éventuels profits et bonheurs (et il faudrait les analyser précisément pour comprendre en quoi ils peuvent réellement être utiles), que lorsque la personne a déjà acquis un certain degré d’autonomie dans son savoir « nager » (respiration, flottaison, propulsion, équilibres...), ce qui passera par d’autres situations, d’autres « exercices ». Pour l’oralisation-déchiffrage Charmeux utilise une analogie plus juste, celle de l’entraînement à faire les gestes de nage sur un tabouret. Certes, il y a bien des gestes à faire (ou se muscler), mais dans l’eau ce ne sont plus les mêmes, et ils ne sont pas premiers, il y a bien d’autres compétences à construire et à utiliser de manière stratégique pour aller un vrai savoir-nager autonome.

      - Oui il y a quantité de situations dans la classe (ou dans des projets) qui pourraient devenir l’occasion d’une réelle lecture à haute voix. Mais pas avant une lecture compréhension (personnelle et collective), pas en ayant tous le même texte sous les yeux, pas pour soi-disant contrôler la compréhension (il faut plutôt demander de reformuler...). Pas non plus pour satisfaire des buts cachés de cette pratique (et de beaucoup d’autres) : facile à préparer, à gérer (avec une autorité-impositive et discipline-docilité), à pseudo-évaluer, et suprême bénéfice sans besoin de formation (un guide et ça suffit).

      - Oui vous avez raison de souligner la nocivité (supplémentaire) liée au dispositif d’oralisation-déchiffrage en grand groupe, et même en petit groupe. Imaginez vous être celui qui balbutie au milieu de ceux qui dorment, ceux qui ont déjà lu avec les yeux et leur raisonnement, et ceux qui espèrent échapper à l’humiliation. Car il y a perte de temps, certes, mais aussi tromperie et in fine « casse » des sujets.

      - Oui heureusement qu’il y a d’autres objectifs et pratiques dans les classes (toutes?) avec des supports et situations de lecture (fictions, documentaires...) Mais dans quelle proportion ? Avec quel travail, quels savoirs ? Des occasions pour certains élèves de faire du lien avec ce qu’ils font hors de l’école, pour d’autres de s’en sortir (du déchiffrage), de refaire du sens, de se servir de la combinatoire de manière stratégique...mais combien resteront piégés dans de fausses représentations, de faux-savoirs ou difficilement utilisables, sans les savoirs utiles et iront grossir les rangs des lecteurs en échec, en difficulté, médiocres...futurs citoyens «abîmés » dans leur estime et pouvoir de penser...Mais qui donc a intérêt à ce que cela perdure !

      - « Forger pour devenir forgeron » n’est qu’une phrase dont on peut tirer tout et son contraire, elle n’est un poncif réducteur que pour celui qui veut le réduire. Personne n’a exclu le rôle de l’enseignant, ni les savoirs à se construire, ni le temps nécessaire...mais cela rappelle qu’il faut penser pour chaque « âge » précisément les situations et les savoirs, afin que cela fasse sens dès le début et régulièrement, qu’il faut du projet, de l’action complexe avec du sens, de l’action qui pose problème et de la réflexion sur cette action.

      -Sur la fluence et la compréhension : « S’il y a corrélation entre vitesse d’oralisation (fluence) et compréhension, cela ne suffit pas à prouver la causalité et l’imposer comme condition préalable. » (Dans le document « Apprendre à lire oui mais comment ? »)

      « Si on peut comprendre que les lecteurs habiles soient aussi ceux qui ont le mieux automatisés l’usage du déchiffrage au service d’une lecture aisée et fluide, cette conjonction de compétences ne suffit pas à prouver la précédence de l’habileté à déchiffrer sur la compréhension, sauf à instituer la corrélation en causalité : affaire de prudence et de rigueur intellectuelle... » (Jacques Bernardin, « Spécial lecture, lire c’est comprendre » gfen 28)

      Ce qui veut dire que les « autorités » nous mentent, nous manipulent !

      Charmeux reprécise sur son blog : « il y a un lien, incontestable aujourd'hui, entre vitesse de lecture et compréhension (ainsi que mémorisation). Mais c'est au niveau de l'adjectif qui accompagne le mot "lecture", que se situe la contestation.
      Ce lien n'existe que pour la lecture VISUELLE, car la compréhension repose sur la quantité de détails perçus par les yeux à chaque fixation de ceux-ci. Plus la surface couverte par chaque fixation (= l'empan visuel) est étendue, plus nombreux sont les détails perçus, que le cerveau a à mettre en relation entre eux, et surtout, chacun étant ainsi perçu plusieurs fois quand les points de fixation peuvent se chevaucher, plus nombreuses sont, pour chacun d'eux, les chances d'être retenus.
      D'où mémorisation plus aisée et plus solide.
      Il serait impossible de justifier ce lien avec la lecture oralisée : oraliser rapidement a pour effet de neutraliser les opérations de compréhension »

      Pour avoir moins de « raccourcis », pour inventer, développer et faire fructifier les idées et les pratiques intéressantes (lire c’est comprendre), pour réduire et supprimer celles qui sont nocives (lire pour comprendre avec l’oralisation-déchiffrage), pour résister aux matraquage des « autorités » et de ceux qui ont intérêt à ce que cela perdure, pour résister aux fatalismes, aux réflexes de pédagogie de survie... il faut vraiment aller lire les ouvrages de Charmeux, débattre avec des collectifs (Blog de Charmeux, mouvements pédagogiques...) pour mieux faire réussir tous les élèves.


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