La part masquée de l'inclusion 

"Les chiffres plaident pour faire accroire que le processus inclusif est en marche et qu’il produit des résultats positifs : il y avait, en 2004, 37 000 élèves en situation de handicap dans les collèges et lycées. Ils sont aujourd’hui autour de 140 000, soit une augmentation soutenue de 10 % en rythme annuel, pour presque 6 % dans le premier degré", rappelle Alexandre Ployé (UPEC) dans un article de The Conversation. Mais c'est tout de suite pour relativiser cette inclusion au regard des dispositifs mis en place et de la souffrance enseignante.

 

"Depuis la loi de refondation de l’école de la République, la France s’est rangée à ces arguments et a accéléré un processus inclusif qui demeure largement inachevé", écrit-il. "Pourquoi cet inachèvement ? On peut invoquer deux types de difficultés absentes ou minorées dans les discours officiels. Le premier est le maintien d’un très grand nombre de structures ou de dispositifs spécialisés, comme l’ULIS". Pour A Ployé ces dispositifs sont stigmatisants et freinent les progrès des enfants.

 

"Le second type de difficulté relève de l’épuisement des enseignants et de leur sentiment de désarroi pédagogique, voire parfois d’émotions très négatives que leur procure la rencontre avec l’altérité radicale du handicap : ils peuvent éprouver de la honte et de la culpabilité à ne pas être à la hauteur de l’idéal inclusif, à ne pas savoir comment faire avec ces élèves qu’ils pensent comme trop différents... Ces émotions négatives, qu’aucune formation ni aucun discours public ne prennent réellement en compte, ont des conséquences néfastes : combien d’enseignants, dans le collège de mes recherches, se montrent-ils capables de réellement solliciter cognitivement les élèves de l’ULIS, d’adapter des supports pour eux, ou de seulement les considérer d’une attention en cours ? Ils sont présents, mais absents, ces élèves dont le handicap fait peine à voir… Ces souffrances professionnelles des enseignants sont la part masquée de l’inclusion".

 

L'article

 

 

Par fjarraud , le mardi 27 août 2019.

Commentaires

  • Chama, le 27/08/2019 à 16:13

    Je réponds à cette évocation de l'inclusion ,que je considère comme une ouverture, enfin proposée à la réflexion sur l'inclusion.

    Dans un premier temps je pense qu'l faut différencier le premier et le second degré dont les fonctionnements sont très différents du fait du nombre d'enseignants et du temps que l'élève passe avec chacun d'eux. Grand respect à mes collègues du primaire qui font un travail remarquable dont nous bénéficions tous, élèves et enseignants du secondaire. Je ne parlerai donc que du secondaire qui est le lieu et l'objet de mon travail.

    Je suis une matière dite «  à inclusion » et nous avons une section Ulis depuis 5 ans . Je passerai sur l'évocation de la Principale, femme de conviction, puisque aujourd'hui, les Ulis existent, en tout cas, dans mon secteur de province, dans à peu près tous les collèges!

    Je vais essayer de reprendre point par point ce qui est dit.

    « Clément quoiqu'on en dise n'est effectivement pas un élève comme les autres ! »

    De quel point de vue ?

    -de son handicap ? Oui, il n'est pas comme tout le monde, et le nier serait du même coup nier aussi cet élève,en tant que personne, et en tant que ce qu'il est. Je ne le connais pas mais peut-être au moment où se fait le flash mob, ce n'est pas possible pour lui d'y être, et être là, en retrait, c'est déjà bien, et ne manifeste rien d'autre que ce qu'il peut faire à ce moment là ,et aussi ,de ce que les autres savent qu'il peut faire. Je ne comprends pas ce que cet exemple cherche dire. Il ne dit rien qui puisse aider la compréhension de l'inclusion.

    -du point de vue de l'acceptation de ses camarades de classe ? La question est large et l'enseignante que je suis aimerait bien l'éclairage des psychiatres spécialiste de l'adolescence. En effet, je ne vais pas retenir l'humiliation stupide : « désarroi pédagogique, voire parfois d'émotions très négatives que leur procure ( ces pauvres enseignants) la rencontre avec l'altérité radicale du handicap », mais enfin de quoi parle-t-on?! de l'impossibilité pour les enseignants de regarder le handicap ? Cela mettrait en colère si ce n'était si bête ! En revanche du point de vue des adolescents que nous avons en charge , oui cela pose un sacré problème. Je rappelle que nous sommes sur la tranche d'âge 12/15 ans et que le regard d'autrui est crucial. Et s'il y a travail à faire, c'est là, qu'il doit porter. Les élèves si on leur pose la question vont tous vous dire qu'ils sont pour l'acceptation de la différence. Dans les faits, de la réalité de ce qu'ils éprouvent, du miroir que leur renvoie l'autre, et de leurs propres difficultés sociales, psychologiques ou simplement banales liées à leur âge, le compte est loin. Concrètement cela se manifeste parfois par des blocages, refus de travailler en groupe avec l'élève différent, refus d'être assis à côté de lui. C'est ressenti comme violent pour l'adolescent dit normal et on le voit bien pour l'adolescent en situation de handicap. Ce n'est pas fréquent mais cela arrive. C'est là que le temps de cours en classe à 30 élèves, n'est pas suffisant et que la structure spécialisée est utile pour reprendre les choses, les expliquer et apaiser les situations. L'inclusion à ce compte et sans accompagnement, peut paraître violente. Cela demande une stratégie de classe très pointue, en travail de groupe.

    Je rappelle que les handicaps dont on parle, sont des handicaps neurologiques très variés, de légers à sévères, parfois accompagnés de handicaps physiques et sociaux.

    Il faut savoir que les enseignants qui ont les élèves en inclusion n'ont quasiment aucune information sur ces handicaps. Les profs principaux vont aux réunions particulières mais souvent n'ont pas ses élèves en inclusion. Et parfois on entend le discours qu'il vaut mieux ne pas trop en savoir....je ne jugerai pas cette injonction, je n'ai pas d'avis sur la question n'étant pas spécialiste, je sais seulement que parfois il est difficile de savoir si l'élève ne fait pas le travail parce que son handicap ne le lui permet pas, ou si ce n'est pas le cas, et qu'il faut le pousser pour progresser. Dans le doute, on met en stand by nos exigences, l'élève peut à certains moments alors, être considéré comme « présent-absent » par rapport aux autres, et on lui demande alors de faire comme il peut.

    Alors oui, là aussi, l'élève et les autres se perçoivent bien, comme différents.

    -Se pose aussi la question de l'évaluation. Quand on a eu l'élève plusieurs années et que l'on sait d'où il est parti, ses difficultés, ses progrès d'intégration sociale, du point de vue de ses difficultés, ses handicaps, et les efforts considérables parfois fournis, liés aux injonctions familiales, de l'institution, au fait d'être au milieu des autres et d'avoir ce miroir constant des-dits « normaux », oui, en tant qu'enseignant on ne peux que valoriser cet élève là, quitte à parfois fermer les yeux, sur la part prise par les parents dans le travail. Ce serait inhumain de ne pas faire comme cela. Alors faut-il marquer que l'évaluation est adaptée sur le bulletin ? Quel sens par rapport aux autres élèves ? Comment l'expliquer ? Ou trouver ce temps là ?

    Comment imaginer que l'élève ne se sente pas différent ! Égal en regard des droits de l'enfant à l'éducation, évidemment oui, c'est ce qu'on espère, mais à quels prix d'effort et de difficultés pour ce même enfant ? Est-on égal quand on porte ces difficultés là , avec ses différences, ses besoins différents, au milieu des autres qui n'ont pas les mêmes besoins. Et peut-on imaginer que cela se ferait sans dispositif particulier d'aide , juste par la magie de la pédagogie différenciée ? Où est l'honnêteté vis à vis de l'enfant et de l'enseignant ?

    - « faible capacité des dispositifs spécialisés à faire progresser les élèves en grande difficulté ou en situation de handicap ...et plus encore de l'aide spécifique qu'ils y reçoivent ». Mais de quoi parle-t-on encore ?! Quels sont les objectifs de l'institution ?

    -Soit on décide que l'important est une socialisation qui va permettre aux adultes de demain, d'être en capacité d'accepter mieux le handicap d'autrui, et on continue de fonctionner comme cela. Cet objectif sera probablement atteint de même que les élèves en situation de handicap seront plus à même, de comprendre leur différence en se frottant aux autres, et comment fonctionner peut-être avec ces autres.

    • Décide-t-on que le bien être de l'élève en situation de handicap compte ? et comment alors enlever une structure adaptée, qui est un lieu ou se replier quand c'est trop dur, ou se poser voire reposer quand c'est trop fatigant et s'en référer à une personne responsable de l'Ulis qui a une bonne connaissance de l'enfant, des structures qui s'en occupent et des parents ? L'objectif est-il que l'élève progresse scolairement et uniquement ? C'est choquant et cela ne tient aucunement compte des handicaps réels. Ce serait presque drôle si des humains n'étaient en cause.

    • Et de toute manière si le handicap et les difficultés réelles ne sont pas prises en compte, il n'y aura aucun progrès scolaire. Je rappelle que parfois certains élèves d'ulis ont un niveau en maths ou en français de CE 1 ou CE2 quand ce n'est pas plus bas ,et qu'ils sont intégrés par l'âge, en 4e ou en 3e, que parfois, la maladie de certains les empêche de tenir plus de 2 ou 3 heures d'affilée en classe . Comment demander à l'enseignant de maths ou de français,de faire ce grand écart là en quelques heures de cours ou même d'AP ? Quand déjà ils traitent les différences de niveaux, sociales, de langues,etc, des élèves dits normaux.

    Alors, je cite : « les émotions négatives des enseignants », « les souffrances professionnelles », l'épuisement des enseignants » ? ! me semblent plus liées quand elles existent, au « déni institutionnel » de leur très grande connaissance de leur métier, des adolescents avec lesquels ils travaillent, et de ces injonctions contradictoires , qui ne cessent de pleuvoir, et qui les empêchent de tenir compte correctement d'élèves, qu'ils aimeraient bien pouvoir respecter, dans un cadre qui le leur permette.


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