Bac : Traumatisme pour l'Ecole 

Après les révélations de ces derniers jours sur la façon dont les résultats du bac ont été obtenus, de nombreux enseignants, des présidents de jury, des chefs de centre manifestent leur dégout. Des notes ont été attribuées de façon non réglementaire. La volonté des jurys n'a pas été respectée dans plusieurs cas. Alors que toutes les copies sont en train d'être rendues, les jurys se trouvent à partir du lundi 8 juillet à valider ou pas des notes fictives et à prendre des décisions d'admission ou pas. JM Blanquer s'en lave les mains : "Je ne suis pas derrière chaque jury" a-t-il déclaré sur TF1 le 5 juillet laissant les jurys seuls face à l'illégalité éventuelle de leurs actes. La fracture morale avec la profession et ses valeurs semble acquise.

 

300 centres concernés

 

"Je me suis dit : ce n'est pas vrai, on n'a pas fait ça". Le témoignage d'un chef de centre dans Libération qui se rend compte après coup qu'en suivant les recommandations ministérielles ila commis des irrégularités et créé une inégalité entre les candidats incompatible avec les valeurs de l'Education nationale , résument ce qui s'est passé dans de nombreux centres.

 

Selon le ministère une centaine de centres d'examen ont été concernés par la retenue de copies sur 1500. Le site Bloquons Blanquer en recense de son coté de façon très précise 300. Pour ne pas entamer le dialogue avec les grévistes, JM Blanquer n'a pas pris un arrêté modifiant le règlement d'examen. Il a fait savoir que le ministère décidait de remplacer les notes manquantes par la moyenne des notes de l'année ou , quand il n'y a aps de livret scolaire, par une note imaginée par le jury. Et il a compté sur les chefs de centre pour faire appliquer la consigne.

 

Les témoignages s'accumulent

 

Les résultats se lisent dans ce nombreux témoignages vérifiés par les médias. Ainsi Céline Vaguer, présidente de jury à Montauban, explique que son jury a refusé de s'affranchir des textes réglementant l'examen. Le jury n'a donc pas pris de décision. Pourtant les résultats étaient proclamés le 5 juillet. Quelqu'un a donc rempli les bordereaux à la place du jury. D'autres témoignages vont dans le même sens. Ailleurs, des enseignants qui n'étaient pas d'accord avec les voeux de JM Blanquer ont été interdits de jury ou ont subi des pressions. Ailleurs un proviseur a remplacé le président de jury récalcitrant, violant ainsi l'anonymat des candidats. Le site Bloquons Blanquer donne des centaines d'exemples précis de jurys où le règlement d'examen n'a pas été respecté.

 

"Il est question de valeurs. D'égalité mais aussi de transparence pour les candidats", explique C Vaguer dans Libération. Pour assurer la sortie des bordereaux à la date du 5 juillet , les recommandations ministérielles ont piétiné des valeurs essentielles du système éducatif. L'égalité entre les candidats n'est pas respectée quand certains ont le bac au controle continu quand d'autres l'ont, selon le règlement, en fonction de leurs notes aux épreuves. On a l'exemple d'un candidat absent dans une discipline toute l'année crédité d'un 10 par le jury. Ce principe d'égalité semble plus fort que la souveraineté du jury. L'anonymat des copies n'a pas toujours été accepté.

 

Tout cela n'a été possible que par la mobilisation de la machine administrative qui a tourné à plein régime pour satisfaire le ministre en contradiction avec les valeurs de l'Ecole.

 

Les jurys face à un choix moral

 

"Ceux qui sont admis ce matin seront certains de l'avoir", a dit JM Blanquer sur France 2 le 5 juillet. Voilà la question qui se pose aux jurys à partir du 8 juillet. Le cas des 50 000 candidats ayant des notes "provisoires", en fait factices, va repasser devant les jurys puisque toute sles copies ont déjà été rendues ou vont revenir lundi. Certains déclarés "admis"  vont se retrouver avec leurs vraies notes non admis. Inversement d'autres candidats convoqués à l'oral n'en auront pas besoin. Quelle décision prendront les jurys ? Vont-ils valider la parole ministérielle contre le règlement d'examen ? Ou choisiront-ils de rester fidèles aux valeurs de l'Ecole ? A coup sur on va revoir des scènes désolantes dans les jurys du 8 au 10 juillet.

 

JM Blanquer se réfugie derrière la souveraineté des jurys avec sa petite phrase sur Tf1 : "Je ne suis pas derrière chaque jury". En effet les jurys sont amenés chaque année à modifier des notes , par exemple pour "racheter" un candidat à qui il manque un point ou deux pour avoir le bac. Mais les circonstances de 2019 sont nettement différentes. La consigne vient du ministère. Et elle concerne des milliers de candidats. Enfin le secret est levé. La France entière sait que l'inégalité a été introduite dans l'examen.

 

Une coupure définitive

 

Il est évident que des recours auront lieu. Que se passera t-il si un tribunal démontre qu'un jury n'a pas respecté la loi ? Qu'en sera t-il pour l'ensemble des candidats de ce jury ? Et pour les membre du jury et le chef de centre ?

 

Mais la principale conséquence est ailleurs. Les relations entre les enseignants et JM BLanquer étaient déjà très mauvaises, seulement 6% d'entre eux étant en accord avec sa politique selon le Baromètre Unsa. Mais avec le bac, JM Blanquer oblige l'éducation nationale à choisir entre ses valeurs et l'efficacité technocratique. Jusqu'à maintenant l'institution semble préférer piétiner les principes qui l'animent. Il n'est pas certain que cela dure partout cette semaine. Il est par contre évident que le fossé entre le ministre , certains cadres et les enseignants a changé de nature. En passant du terrain politique ou pédagogique au terrain moral il devient une coupure définitive.  

 

François Jarraud

 

Blanquer et le KO

Capharnaüm dans les jurys

Céline Vaguer dans Libération

Libération : réaction d'un chef de centre

Des jurys refusent de délibérer

De graves irrégularités dans les jurys

Blanquer a-t-il demandé aux chefs d'établissement d'inventer des notes ?

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 08 juillet 2019.

Commentaires

  • Paspeur, le 08/07/2019 à 10:36
    «Quand on veut tuer son chien, on l'accuse de la rage». J'aime beaucoup lire l'expresso mais sur cette affaire sachez raison garder. Nous avons, quoi que vous en pensiez, réussi à nous mettre la quasi totalité de la population à dos grâce à une prise d'initiative irresponsable d'une poignée d'entre nous. Alors chercher des justifications législatives à des faits eux mêmes totalement illégaux est ubuesque. S'il vous plaît, le moins qu'on puisse attendre de nous quand on n'a pas le courage de risquer soi même quelque chose, c'est de faire profil bas....
    J'entends par là que la plupart d'entre nous  faisons le triste constat de l'inefficacité de notre travail et souhaitons chaque jour un changement de cap, alors que RISQUONS nous à essayer de changer quelque chose qui ne fonctionne pas.
    Au fait rappelez moi à quoi sert le Bac aujourd'hui, l'orientation n'est elle pas jouée 1 mois avant les résultats de cet examen ?

    • veronica4, le 09/07/2019 à 06:38
      Je ne suis pas certain de votre souhait profond : "nous mettre la quasi totalité de la population à dos". De nombreux collègues ainsi que de nombreuses personnes ont été choqués par l'attitude et les propos de ceux pour qui vous avez voté.
      • Paspeur, le 09/07/2019 à 10:59
        Un peu de précision dans vos propos vous rendrez intéressante:«nombreuses personnes».
        Quand à mes opinions politiques je les garde pour moi même si elles sont très loin de celles que vous pourriez imaginer. Par contre les enfants n'ont que faire des vôtres. C'est bien le problème de notre belle institution gangrenée par de trop nombreux manipulateurs politisés...
    • Utilitariste Gaulois, le 08/07/2019 à 18:38
      En quoi augmenter le seuil du nombre d'élèves par classe pour créer une nouvelle classe est un progrès ?

      En quoi accroitre la concurrence entre matière est un progrès ?

      En quoi diminuer le nombre de postes est un progrès alors que le nombre d'élèves augmente ?

      En quoi diminuer le pouvoir d'achat du point d'indice est un progrès ?

      En quoi accentuer la différenciation des bacs selon l'établissement est un progrès ?

      En quoi diminuer le nombre d'heures d'enseignement est un progrès ?

      Etes-vous vraiment sûr que nous ne risquons rien ?
      • Paspeur, le 09/07/2019 à 10:52
        Merci pour votre réponse courageuse, ce qui est relativement rare dans notre milieu où la chasse en meute est la règle. Vous me permettrez donc de vous répondre en loup solitaire...

        En quoi augmenter le seuil du nombre d'élèves par classe pour créer une nouvelle classe est un progrès ?

        Quand allons nous accepter que le concept de classe entre 4 murs est obsolète et complètement inadapté aux élèves de 2020. Dans ce cadre là le nombre d'élèves par classe n'est plus un problème. Combien d'élèves êtes vous capable d'ACCOMPAGNER aujourd'hui, le même qu'il y a 20 ans ?

        En quoi accroitre la concurrence entre matière est un progrès ?
        sans concurrence pas de remise en question, pas d'évolution de nos pratiques, pas de gain d'efficacité....

        En quoi diminuer le nombre de postes est un progrès alors que le nombre d'élèves augmente ?

        Le nombre d'élèves va baisser dans le secondaire dans les années à venir( voir courbe de la demographie).Quand bien même, un système qui ne voit pas son efficacité progresser est vouê à la disparition. Mais c'est peut-être ce que beaucoup souhaitesouhaite ?

        En quoi diminuer le pouvoir d'achat du point d'indice est un progrès ?

        Nous ne fesons pas ce travail pour l'argent qu'il peut nous rapporter mais pour servir les enfants. Ceux qui pensent être mal payé peuvent postuler ailleurs, attention il faut accepter le RISQUE pour cela !

        En quoi accentuer la différenciation des bacs selon l'établissement est un progrès ?
        Êtes vous si naïf pour penser que les lycée ne sont pas classé aujourd'hui. Allons voyons, un peu de sérieux. Comment pensez vous pouvoir entrer en prépa à Louis Legrand (pas de selection à L'EN) aujourd'hui, en arrivant d'un lycée du 93.....

        En quoi diminuer le nombre d'heures d'enseignement est un progrès ?
        Dans le monde réel que peut d'entre nous comprennent ou même côtoient cela s'appelle l'efficacité, le rendement, la productivité qui augmente dans tous les milieux sauf dans.....l'EN. Vous trouvez ça normal je suppose. Pour vous convaincre demandez à un medecin le nombre de patients (c'est de l'humain ça) qu'il voyait il ya 20 ans et combien il en voit aujourdhui ?

        Etes-vous vraiment sûr que nous ne risquons rien ?
        C'est une chose inhérente à la vie. Vous mettez là en évidence clairement le mal qui nous ronge de l'intérieur et causera certainement rapidement notre perte la PEUR du CHANGEMENT...



Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces