Rapport sur les inégalités : De l'école à la fac, un parcours marqué par les inégalités sociales  

Les inégalités sociales, à l'école, se portent bien. C'est ce que vient nous rappeler l'Observatoire des inégalités qui a publié le 4 juin son rapport, le troisième depuis 2015, alors que le sujet est relégué au second plan. Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer estime en effet l'avoir traité avec le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire. Au collège, les enfants d'ouvriers représentent un quart des élèves. En classes prépas il ne sont plus que 7%... Même si les enfants de milieux défavorisés vont aujourd'hui  plus loin dans les études et qu'ils en sortent plus diplômés, les écarts entre les milieux sociaux pèsent lourd à l'école française. Retour sur les chiffres du rapport, analysés avec finesse, qui dessinent un paysage bien injuste.

 

Les inégalités sociales se manifestent très tôt à l'école. Dès la maternelle, souligne le rapport, " la France fait démarrer un système de compétition entre les enfants et introduit très vite des apprentissages formels ". Or les élèves de milieux favorisés, avec des parents souvent diplômés, connaissant les codes de l'école, y sont bien  mieux préparés.

 

L'écart entre milieux sociaux est ainsi mesurable dès le primaire. En CE2, le quart des élèves les moins favorisés obtient des notes de  58 sur 100 en français et de 57 sur 100 en maths, contre respectivement 87 et 85 sur 100 pour le quart des élèves les plus favorisés socialement.

 

Biais social

 

A l'entrée en sixième, un enfant d'ouvriers sur dix arrive avec déjà au moins un an de retard car il a redoublé, contre moins de 2% des enfants de cadres supérieurs. Une partie du destin scolaire est déjà jouée pour certains et l'école paraît bien impuissante à assurer des chances égales à tous.

 

Illustration du biais social qui peut exister, la composition des Segpa, ces classes à part dans les collèges, réservées aux  enfants en grandes difficultés : plus de 80% des élèves y sont issus de milieux défavorisés, souligne le rapport. A moins de considérer qu'ils sont moins intelligents et moins capables que les autres, le milieu social a pesé dans leur orientation. On sait qu'à niveau scolaire égal - ici un niveau très faible -, un enfant d'une famille favorisée, socialement et culturellement, sera moins souvent "orienté" en Segpa ou, après la troisième, vers le professionnel.

 

Point de bascule

 

C'est à la fin du collège que se trouve " le point de bascule entre les catégories sociales", souligne le rapport. En effet jusqu'en troisième, scolarité obligatoire oblige, les élèves reflètent la composition sociale de la population. Un véritable " tri " s'opère lors du passage au lycée sur la base du niveau scolaire, mais où l'origine sociale pèse lourd.

 

Au collège, les enfants des catégories défavorisées représentent 41,7% des élèves. Ils ne sont plus que 31% en seconde générale et technologique. A l'inverse, les enfants de milieux très favorisés, qui étaient 19,7% au collège, se retrouvent 27,7% en seconde générale et techno. Du collège au lycée, la part des premiers s'est ainsi réduite de 25%, celle des second a bondi de 50%.

 

Dans le professionnel, c'est la tendance inverse :  les catégories populaires sont sur représentées. Alors qu'il représentent un quart des collégiens, les enfants d'ouvriers sont plus d'un tiers (36%) des bacheliers professionnels et 38% des élèves de CAP.

 

L'Observatoire des inégalités se fait un point d'honneur à ne pas tomber dans la caricature et à introduire des nuances, se plaît à souligner son président Louis Maurin. Le rapport rappelle ici " la forte progression dans l'accès en seconde générale des élèves d'origine sociale défavorisée, surtout dans les années 1970 et 1980 ".

 

Mixité sociale

 

Difficile toutefois de ne pas parler d'échec : de la fin du collège jusqu'au supérieur, plus les voies sont sélectives et prestigieuses, moins les enfants de milieux défavorisés y sont représentés, jusqu'à quasiment disparaître dans les filières d'excellence.

 

On trouve 7,2% d'enfants d'ouvriers dans les classes prépas, 5,6% dans les écoles d'ingénieurs et 3% dans les écoles normales supérieures. A l'université, le " tri " se fait plus tard : 13,1% en licence, ils ne sont plus que 6,5% en doctorat. 

 

Les orientations dans le professionnel nourrissent les frustrations. Des jeunes qui, souvent, se plaignent d'avoir dû s'inscrire dans une spécialité qu'ils n'ont pas choisi et qui ne se voient plus guère de perspectives d'avenir.

 

Toujours soucieux de signaler des notes positives quand c'est possible, le rapport souligne le rôle des BTS (Brevet de technicien supérieur, deux ans après le bac), " une voie de promotion sociale pour une partie des enfants  de milieux populaires."

 

En revanche, il égratigne " les politiques "d'ouverture sociale" qui réservent quelques places aux élèves d'établissements défavorisés dans les filières d'excellence et qui ne changent pas grand-chose au fond. " 

 

Stéréotypes 

 

Deux tendances, enfin, qui ne sont guère encourageantes. La première : la démocratisation semble marquer le pas. Dans l'enseignement supérieur par exemple, la composition sociale des étudiants n'a pratiquement pas bougé ces dix dernières années, entre 2007 et 2017.

 

Le rapport évoque aussi les inégalités entre les filles et les garçons. Même si les constats sont déjà connus, la persistance des stéréotypes de genre - avec les filles plus portées vers le littéraire, l'esthétique ou les soins à la personne et les garçons plus scientifiques, tournés vers l'informatique ou le génie mécanique - reste stupéfiante et pour une bonne part décourageante.

 

Mais ce sont bien les inégalités sociales qui restent les plus préoccupantes pour l'avenir, souligne le rapport : " Les blocages du système éducatif français limite les horizons de vie de toute une partie de  la population défavorisée socialement et culturellement. L'exclusion des meilleures filières des enfants des classes populaires est une source de tensions sociales souvent mal mesurées. Les catégories diplômées, de tout bord politique, continuent de protéger et de bloquer l'accès par l'école aux meilleures positions. "

 

Véronique Soulé

 

Rapport sur les inégalités en France, édition 2019, Observatoire des inégalités, 9 €, 175 p., en vente sur inegalites.fr

 

 

Par fjarraud , le mercredi 05 juin 2019.

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