Education : Le cri d'alarme du maire de La Courneuve 

" Depuis ces 10 dernières années, les inégalités territoriales se sont considérablement amplifiées et la situation est devenue critique pour ces millions de Français discriminés. Éducation, santé, emploi, logement, … il n’est plus tolérable que les inégalités de traitement demeurent entre les Français". Maire d'une commune les plus pauvres de France, où les enseignants luttent en ce moment pour le maintien de leurs moyens, Gilles Poux, maire de La Courneuve (93), publie un Atlas des inégalités qui montre la réalité de la commune et de l'Ecole vue du terrain. Un document qui alimente notamment le débat sur l'éducation prioritaire au moment où le ministère doit prendre des décisions.

 

Le terrain les yeux dans les  yeux

 

" Récemment, je suis revenu au lycée Jacques-Brel pour y faire une conférence, je n’y avais pas remis les pieds depuis plus de 20 ans. J’ai été frappé par le regard à la fois méfiant et fragile de ces jeunes, à mille lieues de celui, confiant et soutenu, que nous pouvons trouver chez ceux qui fréquentent les lycées d’élite parisiens". Thomas Porcher, économiste comment lui aussi cet Atlas local. " Les élèves de Jacques-Brel ont le regard méfiant parce qu’ils sentent bien qu’avec le retrait des services publics, le manque de structure d’accompagnement, la stigmatisation de leur adresse, de ce qu’ils sont – des jeunes de banlieue –, les fins de mois difficiles de leurs parents et les vacances quasi inexistantes, le système joue contre eux. Leur regard est également empreint de fragilité, car ils savent que leur avenir est loin d’être tracé, qu’il n’y a pas pour eux un enchaînement qui se veut logique comme pour les classes aisées avec le triptyque lycée/prépa/grandes écoles et que la société, plutôt que de les accompagner, leur soustrait tous les filets de sécurité, faisant quasiment reposer sur leurs seules jeunes épaules la responsabilité de leur réussite".

 

Le constat est dur. Mais il s'appuie sur l'appareil statistique réuni par l'Atlas. Ville de 41 000 habitants, La Courneuve est aussi une ville en forte croissance (+2% par an, 4 fois plus vite que la France). On compte près de 3% de moins de 6 ans chaque année. La Courneuve c'est 31% de jeunes, 43% de pauvres (3 fois plus que la moyenne française), deux fois plus de chômeurs que la moyenne nationale. Le revenu annuel médian atteint 13 040 €, la moitié de la moyenne nationale.

 

Du coté de l'école

 

Du coté de l'école, on compte 6% de 15 à 17 ans qui ont décroché. 52% de la population de plus de 15 ans n'a pas de diplôme.

 

Curieusement, l'atlas nous dit rien des dépenses de la commune pour les écoles. Mais on sait que la Seine Saint Denis sera le seul département métropolitain où les CE1 de l'éducation prioritaire ne seront pas dédoublés à la rentrée 2019. Il s'intéresse davantage aux collèges. " La Cour des comptes a noté que la proportion de néotitulaires affectés dans des établissements dits « difficiles » était non seulement supérieure en Seine-Saint-Denis par rapport à la tendance nationale, mais qu’elle avait même augmenté entre 2011 et 2016. À l’échelle de l’Académie de Créteil, environ la moitié des enseignants de collèges hors éducation prioritaire ont moins de 5 ans d’ancienneté. En éducation prioritaire, dans laquelle se situe l’ensemble des collèges de La Courneuve, cette part approche 70 %". On sait aussi, depuis le rapport de l'Assemblée sur le 93, que les non remplacements représentent une année d'enseignement perdue en Seine Saint Denis. A La Courneuve, tous les collèges sont en rep+ . L'un d'eux est en grève depuis 5 jours contre la réduction de moyens.

 

L'atlas montre aussi un indice de développement humain très faible (0.27) . " Cet IDH si faible, s’il est alimenté par des indicateurs tels que l’éducation et le revenu, déjà évoqués, se nourrit également de la situation préoccupante de la santé à La Courneuve. Sur le territoire de Plaine Commune, quels que soient l’âge et le sexe, on observe que l’espérance de vie est largement inférieure à la moyenne régionale", explique l'atlas. La commune s'inquiète pour la santé : " le nombre de bénéficiaires de l’offre de santé est en constante évolution depuis 2011, tandis que le nombre d’omnipraticiens est quant à lui en baisse continue... À ce premier décalage entre les besoins de la population et l’offre de santé existante sur le territoire s’ajoute un autre indicateur tout aussi inquiétant pour l’avenir, notamment en matière de prévention : en Seine-Saint-Denis, la moitié des postes de médecin scolaire sont vacants".

 

Face à ce constat, le maire a beau jeu de montrer la réduction des recettes municipales suite à la politique gouvernementale. En moyenne, La Courneuve dispose de 26€ par habitant contre 42 pour la moyenne nationale, alors que les dépenses urgentes abondent. De 2014 à 2019, la dotation globale de fonctionnement versée par l'Etat  a diminué de 14 millions.

 

18 propositions

 

Ces constats amènent le maire de La Courneuve à faire 18 propositions, certaines concernant l'Ecole. La première c'est un moratoire sur tout dispositif visant à réduire les moyens de l'Etat à l'échelle nationale. Le maire demande la création d'une autorité administrative indépendante pour l'égalité républicaine. Concernant l'éducation, il souhaite la création d'un service public de la petite enfance. " La création d’un service public de la petite enfance couvrira un versant éducatif un versant socio-économique. Non obligatoire, il institue néanmoins, pour les pouvoirs publics, un droit opposable contraignant ces derniers à trouver une solution de garde pour les enfants dont le/les parent(s) en a/ont fait la demande". Il demande le dédoublement des classes de 6ème et de 2de. Il souhaite " des contrats incitatifs à destination des fonctionnaires expérimentés pour les encourager à exercer au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)". Un fonds soutiendra l'installation de médecins en zones déficitaire. Enfin il demande " le déploiement des dispositifs expérimentaux d’éducation artistique et culturelle au sein des territoires faiblement pourvus. Cette exigence permet de compenser les carences de capital culturel et de favoriser l’accès à l’éducation artistique et culturelle pour les enfants qui en sont éloignés".

 

Cet appel est publié au moment où de nombreux enseignants de banlieue sont mobilisés contre les économies. Il est publié au lendemain de la publication de deux notes de France Stratégie sur l'éducation prioritaire qui remettent en question la labellisation . Il parait aussi alors que le ministre ne dit rien de la carte de l'éducation prioritaire qu'il doit pourtant réformer cette année.

 

F Jarraud

 

L'atlas

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 16 avril 2019.

Commentaires

Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces