Plan national de formation : Un rapport veut renforcer la digitalisation et changer le pilotage 

" Les acteurs rencontrés au niveau national sont critiques et considèrent que le PNF doit évoluer compte tenu de l’enjeu que constitue la formation pour le pilotage national et académique des politiques éducatives". Le rapport rédigé par les inspecteurs généraux Jonas Erin, Jean-François Cuisinier et Eric Fardet pointe les manques d'un plan national de formation qui semble ni réellement piloté ni satisfaisant au regard des attentes des agents. Il demande un autre pilotage et un rééquilibrage des formations entre commande institutionnelle et besoins des cadres. La solution pour la rapport passe par une meilleure utilisation de la plateforme M@gistère et davantage de dialogue entre académies et administration centrale.

 

Absence de vision stratégique

 

Le plan national de formation (PNF) ce sont environ 200 formations touchant environ 20 000 personnes chaque année, essentiellement des cadres et formateurs de l'Education nationale. Sur les 185 actions du PNF 2018-19, 95 impliquent exclusivement des cadres et 65 un mélange cadres, formateurs et enseignants. 25 concernent exclusivement des formateurs et enseignants.

 

Or pour les auteurs, "le PNF, s’il constitue un outil nécessaire pour accompagner les personnels dans la mise en oeuvre des politiques éducatives, n’est pas construit à partir d’une vision stratégique globale et pluri annuelle croisant les besoins institutionnels et les besoins individuels de formation".

 

Le rapport pointe que le PNF est davantage centré " sur les enjeux institutionnels que sur les besoins de gestion des ressources humaines liés au développement professionnel et personnel tout au long de la vie". Il s'agit avant tout de mettre en place les réformes ministérielles (maternelle, fondamentaux, bac et lycée, enseignement professionnel, laïcité). " Les enjeux de formation continue liés aux compétences professionnelles et au développement professionnel et personnel ne sont pas explicités. Le texte ne fait pas référence au schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie publié en mars 2018 par la DGAFP qui définit des objectifs communs à l’ensemble des ministères dans le contexte de transformation en profondeur de l’action publique... Au niveau national, l’institution se préoccupe assez peu du développement professionnel des cadres qui peinent en outre à dégager le temps nécessaire à la formation personnelle dans des agendas contraints".

 

Logique descendante

 

"Les académies ne sont pas consultées sur les besoins de formation et sont peu associées à la construction de ces actions. Les priorités nationales sont certes communiquées en amont de l’élaboration du PNF, comme cela a été mentionné, mais sans possibilité pour elles à ce stade de faire remonter des propositions", notent les auteurs.

 

Le PNF est annuel alors que les réformes doivent entrainer un accompagnement sur plusieurs années. Le rapport pointe aussi "une logique descendante" dans la conception des formations avec des effets négatifs. " L’organisation très descendante des formations peut provoquer une forme de déception chez les participants, comme l’ont fait apparaitre des témoignages de cadres à la suite de sessions d’information jugées parfois peu opérationnelles". Et ces actions " laissent peu de place à l’acquisition des compétences professionnelles liées à l’exercice du métier".

 

Le rapport souligne "un effort encore limité de digitalisation des formations" : seules 13% des formations font l'objet d'une diffusion numérique et seules 12% contiennent un volet de formation à distance. " La plateforme M@gistère, qui est utilisée par toutes les académies et fait l’objet de transferts technologiques à l’international, reste largement sousexploitée au niveau national", estime le rapport.

 

Changer le pilotage

 

Le rapport invite donc à changer la donne en profondeur en revoyant notamment le pilotage de la formation, qui semble actuellement peu clair et plus subit que vraiment décidé.

 

Ils invitent à fonder la formation sur un "schéma stratégique pluriannuel". " L’enjeu de la politique nationale de la formation continue est de mettre en place une stratégie qui contribue à créer des conditions optimales de réussite pour les élèves dans leurs établissements et dans leurs classes. Celleci doit s’appuyer sur la formation des cadres et des formateurs en articulant trois dimensions : l’évolution des pratiques, la conduite du changement par les cadres et formateurs, le besoin de développement professionnel et personnel des acteurs. Ces objectifs impliquent d’élaborer une stratégie nationale de formation qui concerne l’ensemble des acteurs, quel que soit leur statut (cadres, formateurs, enseignants). Dans ce contexte, il est nécessaire de dépasser la notion de plan de formation pour installer un véritable pilotage national de la formation continue en lien avec les politiques académiques".

 

Pour cela il faut revoir le pilotage. " La mission préconise un rééquilibrage de la politique de formation continue, tant dans sa conception que dans son contenu. Ce rééquilibrage passe par un pilotage conjoint de la DGESCO et de la DGRH afin que les programmes de formation qui déclinent l’impulsion nécessaire aux réformes au sein d’orientations stratégiques prennent en compte à la fois les enjeux institutionnels et ceux du développement professionnel". Le rapport veut aussi "impliquer les académies dans la politique nationale de formation afin de rompre avec la logique descendante du PNF actuel et d’articuler les niveaux de pilotage". Pour cela elle envisage un comité d'orientation stratégique avec un secrétariat commun dgesco / dgrh. " Il comprendra, autour de la secrétaire générale, du DGESCO et du DGRH, la doyenne de l’IGEN et le chef du service de l’IGAENR ainsi qu’un représentant de la conférence des recteurs", celui ci marquant l'association des académies au PNF.

 

Le rapport propose 4 scénarios pour la conception du programme de formation : programme unique conçu par Dgesco et dgrh, deux programmes un pour les cadres et un autre pour les formateurs, déconcentration pour les formateurs et programme national pour les cadres, programme des formations des formateurs confiés aux académies.

 

Le rapport invite à distinguer la conception du programme de sa mise en oeuvre qui pourrait être confiée à l'IHEEF (ex Esen) ou à Canopé.

 

Digitaliser davantage

 

Le rapport estime que la digitalisation des formations peut être un véritable levier. " La digitalisation, l’internationalisation et « l’interministérialité » constituent – au sein de l’Éducation nationale – les piliers prospectifs d’un pilotage du changement par la formation des acteurs. Ils gagnent à être pensés de manière intégrée en articulant la mise en oeuvre des politiques éducatives et les besoins des acteurs". Il estime que " l’exploitation plus systémique de la plateforme M@gistère permettrait de  fidéliser une communauté apprenante avec une animation de communauté apprenante autour d’études de cas ou de développement ;  accompagner la mise en place d’une réforme par un forum qui permet l’élaboration participative d’une foire aux questions (FAQ) ;  scénariser des parcours de développement professionnel avec tuteurs et échange de ressources.. Ces constats amènent la mission à préconiser l’extension systématique du périmètre d’action de la plateforme M@gistère à l’encadrement ".

 

Et la formation des enseignants ?

 

" Il préconise d’utiliser ce modèle de formation comme un levier de stratégie internationale tant dans le développement de l’offre éducative française que de l’installation culturelle de la dimension internationale dans les contenus pédagogiques et les parcours professionnels.. Le caractère précurseur de l’outil en fait un produit d’exportation et de rayonnement à l’international (DNE, DREIC)" estiment les auteurs. " Une vision très optimiste au regard des résultats du système éducatif français mais qui reprend les discours ministériels les plus démagogiques.

 

On aimerait un rapport qui se penche sur la formation continue des enseignants. Les indicateurs internationaux nous disent que c'est une des pires des grands systèmes éducatifs. Le budget nous dit que son budget est capté pour d'autres usages. Et les enseignants nous disent qu'elle aussi est descendante et ne répond pas aux demandes et ils nous soufflent d'autres adjectifs à propos de Parcoursup...

 

François Jarraud

 

Le rapport

 

 

 

  

Par fjarraud , le lundi 25 mars 2019.

Commentaires

  • bdevauchelle, le 25/03/2019 à 08:38
    Il semble qu'une vision centralisée de la formation soit encore le modèle dominant… La digitalisation est le nouveau gadget des responsables et autres décideurs qui n'analysent pas la question de la formation en profondeur.
    Si les moyens numériques peuvent aider et élargir les possibles, le problème fondamental de la formation ce sont "ceux qui se forment". Hors la réflexion et le travail sur la place de la formation continue dans la culture professionnelle des acteurs reste l'angle mort des politiques publiques.
    Dirigée de n'importe où la formation n'a pas d'effet sans l'acceptation par les personnes supposées se former de la démarche de formation….
    De plus se former est d'abord lié à un contexte d'exercice de la professionnalité. Hors sol, même numérique la formation ne sert pas à grand chose…. Il est temps d'engager un vrai débat sur les modèles de formation. Si l'hybridation/digitalisation est à la mode, c'est pour des raisons qui ne sont pas toutes vraiment avouables (économies, transfert de charges etc...)
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