CPGE : Effet lycée démontré... 

Alors que la réforme du lycée va accroitre les différences entre les établissements, une nouvelle étude du ministère de l'enseignement supérieur (SIES) démontre l'effet lycée sur le recrutement en classe préparatoire (CPGE). Un élève fréquentant un lycée doté de CPGE a nettement plus de chance d'être admis en CPGE qu'un candidat d'un autre lycée. L'étude montre aussi que les bacheliers de milieux favorisés ont nettement plus de chances de demander et obtenir une place en CPGE que ceux des milieux moins favorisés.

 

Une sélection scolaire relative

 

Sélectives les CPGE ? Oui et non. Oui puisque leur recrutement se fait sur dossier. Mais non si on regarde les flux. D'après une nouvelle note du SIES (ministère de l'enseignement supérieur), en 2016 on a compté 46 657 demandes d'entrée en CPGE en 1er voeu dans APB pour 43 520 places. On a quand même beaucoup de chance d'accéder en CPGE pour peu qu'on sache qu'elles existent et qu'on ose demander une place. Mais justement on verra que l'entrée en CPGE est marquée par le délit d'initié.

 

Des filières pour initiés

 

Le premier enseignement de la Note c'est de mettre en avant cette idée de filière. "Les chances d’admission en CPGE dès le premier voeu sont beaucoup plus fortes pour les élèves inscrits en terminale dans le lycée accueillant la CPGE", explique la Note. "Ainsi à niveau scolaire égal, un élève de terminale S fréquentant un lycée accueillant une CPGE a une probabilité d’admission dans cette CPGE supérieure de 7,8 points d’être admis dans cette CPGE. Cet effet est encore supérieur chez les terminales ES (+ 8,2 points), mais n’est pas significatif chez les lycéens de série littéraire".

 

Ainsi on voit se construire des filières dès la fin du collège. Le choix du lycée semble déterminant dès 2016. La multiplication des spécialités va rendre le parcours encore plus complexe pour les élèves. Ce sont les élèves les mieux initiés (pour reprendre la formule de H Draelants) qui sont nettement avantagés. " Les élèves étudiant dans les lycées qui proposent des classes préparatoires ont une probabilité plus grande de 4,5 points de demander une CPGE en premier voeu pour les lycéens en terminale scientifique. L’écart est de 3 points en terminales ES et de 2,2 points en série Lé, note le SIES.

 

Inégalités académiques

 

Du coup cela explique les différences académiques. " À caractéristiques sociales (catégorie socioprofessionnelle des parents) et scolaires  égales (série et résultats au baccalauréat), un lycéen inscrit dans l’académie d’une grande ville, comme Paris, Marseille ou encore Nice, a davantage de chances de placer une CPGE en premier voeu qu’un lycéen d’une académie moins urbaine. Ainsi, à niveau égal, un élève de terminale S de l’académie de Clermont- Ferrand ou de Rouen a une probabilité de demander une CPGE en premier voeu qui est inférieure de 7 points en moyenne à celle d’un élève de la même série dans l’académie de Paris".

 

Inégalités sociales

 

Du coup la CPGE pratique fortement l'entre soi favorisé. " La classe préparatoire aux grandes écoles constitue une voie particulièrement privilégiée des élèves d’origine sociale favorisée", explique la Note. "Quels que soient la section du baccalauréat et le niveau des élèves, les lycéens d’origine sociale favorisée demandent plus souvent une CPGE en premier voeu que ceux d’origine sociale moyenne, et ce à caractéristiques égales. Quelle que soit la série du baccalauréat, les élèves d’origine sociale favorisée ont une probabilité supérieure de 2 points de demander une CPGE en premier voeu que ceux issues d’une famille d’origine sociale modeste. Cependant, l’effet observé se concentre uniquement sur les catégories les plus favorisées".

 

Ca sera d'ailleurs la seule mention sociale de la Note. Heureusement une étude d'Y Dutercq et J Masy pour le Cnesco (2016) sur "l'origine sociale des étudiants de CPGE" montre leur fermeture sociale. Selon leurs chiffres on ne trouve que 15% d'élèves d'origine sociale défavorisée en CPGE scientifique et en Economique commercial et 12% seulement en CPGE littéraire. Des chiffres qui sont quasi identiques à ceux de 2005 relevés dans un rapport du Sénat de 2007. On note bien une forte progression du taux de boursiers mais elle est à lier à la redéfinition des taux qui a ouvert les taux 0 aux classes moyennes.

 

Inégalités de genre

 

Il reste une dernière touche à ajoute au tableau. La forte inégalité entre garçons et filles. "À caractéristiques égales, les garçons ont plus de chances de demander une CPGE en premier voeu. Cet effet s’avère très important même si son ampleur varie fortement d’une série de baccalauréat à l’autre : en terminale S, un garçon a 7 points de probabilité de plus qu’une fille de demander une CPGE en premier voeu. Ainsi, pour qu’une lycéenne scientifique ait autant de chances de demander une CPGE en premier voeu qu’un lycéen de série S, elle doit avoir   une moyenne au baccalauréat supérieure d’environ 1,5 point".

 

Le réforme du lycée, augmentant les différences entre les lycées, devrait augmenter ces inégalités. Demain encore plus qu'aujourd'hui il faudra avoir choisi le "bon" collège donnant accès au "bon" lycée pour faire son chemin dans une école "républicaine". Le pire c'est qu'encore plus qu'aujourd'hui le "bon " lycée sera celui donnant le niveau scolaire attendu pour la CPGE. On appellera mérite ce qui relève de l'information et des possibilités financières des familles...

 

François Jarraud

 

La note

Draelants : Comment l'école reste inégalitaire

Etude Cnesco

Rapport du Sénat

CPGE un modèle à suivre ?

 

 

Par fjarraud , le mardi 19 mars 2019.

Commentaires

  • amorin, le 19/03/2019 à 11:54
    Cet étude regarde-t-elle la propension qu'ont les élèves et les parents de telle ou telle région et de tel ou tel milieu à écouter les conseils des enseignants ? Le dernier mot aux parents est une vieille revendication à laquelle le système accède largement tout au long du cursus. Il serait temps d'en évaluer les effets sociaux non ? L'école n'est pas responsable de tout.
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