Franck Ramus répond à l'Icem Freinet  

"L’ICEM tient à réagir aux propos tenus sur C. Freinet par un membre du conseil scientifique de l’Éducation nationale, Franck Ramus, dans sa conférence Lire au CP adressée aux Inspecteurs de l’Éducation nationale du premier degré en séminaire du 12 au 14 septembre 2018", fait savoir l'Icem Freinet qui publie une "lettre ouverte" à F Ramus. Franck Ramus vient de nous communiquer sa réponse...

 

L'ICEM reproche à F Ramus un raccourci sur la pédagogie Freinet. "Pour Freinet, l'enfant apprend à parler de manière spontanée par simple exposition... On en conclut que l’enfant apprend à lire de façon spontanée par simple exposition", aurait dit F Ramus. "Ce n’est sûrement pas la conclusion que font les pédagogues de l’ICEM-Pédagogie Freinet qui, eux, ont lu entièrement les principaux ouvrages de Freinet", tient à répondre le mouvement Freinet. "Résumer ainsi la Méthode naturelle d’écrit-lecture –théorie initiée par Freinet et approfondie par les praticiens-chercheurs de l’ICEM – n'est pas juste. Notre théorie est que le tâtonnement expérimental dans un milieu coopératif exigeant, tel qu’il est explicité dans nos écrits, permettra à l’enfant cette acquisition. Notre méthode n’abandonne pas les entrainements et exercices nécessaires à l’automatisation de la lecture et de l’écriture. Elle renvoie à des savoir-faire pédagogiques et éducatifs très élaborés et très rigoureux, suite à des décennies de travail créatif des anciens de notre mouvement et des nombreux militants qui ont suivi, des techniques qui ont depuis fait leur preuve quand elles sont véritablement appliquées".

 

Le mouvement rappelle les excellents résultats des élèves de l’école Hélène Boucher de Mons en Baroeul évalués par le Laboratoire Théodile de l’Université de Lille 3.

 

Sur ce point, F Ramus marque son désaccord. "J’ai bien connaissance des travaux de l’équipe d’Yves Reuter à Mons en Baroeul, publiés dans un livre sans expertise par les pairs, mais je considère que le niveau de preuve apporté est très faible, en raison de la méthodologie non expérimentale et des nombreux facteurs confondus qui n’ont pu être contrôlés. Par conséquent, on ne sait malheureusement toujours rien sur l’efficacité de la méthode naturelle d’écriture-lecture". Un point qui devrait susciter une nouvelle polémique s'agissant du travail d'un laboratoire universitaire.

 

Sur le fond, Franck Ramus nie avoir attaqué Freinet. "Il me semble que votre plainte est tout à fait infondée. Dans le passage incriminé, je donne deux citations précises de la Méthode naturelle de lecture de Célestin Freinet (1961), et je les critique, car elles reflètent une position que je juge aberrante, au moins au regard des connaissances actuelles, sinon de celles de 1961. J’en donne une justification rapide à la diapo suivante. Je vous accorde que la phrase « On en conclut que l’enfant apprend à lire de façon spontanée par simple exposition » est un raccourci qui ne rend pas justice à la pensée et aux préconisations de Freinet. Il n’en reste pas moins que l’idée selon laquelle l’enfant peut apprendre à lire et écrire de la même manière qu’il apprend à parler, soutenue sans aucun doute possible par Freinet, est fausse, archi-fausse. C’était là mon propos. En revanche, je n’ai rien dit sur la personne de Freinet (j’ai au contraire indiqué qu’il avait dit des choses très intéressantes), mes propos ne sont donc aucunement « calomnieux ».  Je n’ai rien dit sur les pédagogies inspirées de Freinet.  Je n’ai même rien dit sur l’efficacité des méthodes d’écriture-lecture actuelles inspirées de Freinet".

 

Icem Freinet

 

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 15 mars 2019.

Commentaires

  • delacour, le 16/03/2019 à 10:50

    Aucune méthode de lecture n'est possible

    Seule l'écriture est envisageable.

     

    Quelle que soient les méthodes de lecture utilisées, depuis des décennies,  d'innombrables statistiques confirment l'échec d'une partie des enfants de CP.

    Dès 1923 les IO, dont on appréciera la mise en responsabilité des instituteurs, affirmaient : "...Nous ne préconisons aucune méthode : la meilleure sera celle qui donnera les résultats les plus rapides et les plus solides. Entre la méthode d'épellation et la méthode syllabique ou la méthode globale, nous ne faisons aucun choix. L'essentiel est que l'enfant prenne plaisir à cet apprentissage difficile. S'il y prend plaisir, en y consacrant le temps fixé par le programme nouveau, au bout de trois mois il saura lire et au bout de l'année il lira couramment."

    Mais en 1938 on pouvait lire dans de nouvelles instructions: "Les programmes de 1923 ont estimé que les élèves, après les trois premières années de scolarité, doivent posséder complètement le mécanisme de la lecture. Ces vues exprimaient plutôt un idéal que la réalité. Des constatations faites dans de nombreuses écoles, il résulte que la lecture courante n'est pas encore complètement acquise à dix ans par la moyenne des élèves."

    2019 : De l'aveu même du Ministère actuel, les progrès imputables à la baisse des effectifs sont légers, loin des espérances souhaitées. On est tellement persuadé en hauts lieux de détenir la vérité pédagogique, qu'on n'imagine pas, au moins depuis 1923, devoir remettre en cause la manière d'aborder cet apprentissage, c'est donc probablement, comme il est suggéré, le manque de respect des choix ministériels qui limiterait le succès de l'opération "dédoublement"...

    Pourtant, il est clair que la majorité des échecs est dû à une erreur de progression pédagogique. Ce que nous allons essayer de montrer une fois de plus, en espérant être compris et entendu.  En respectant la genèse de la communication écrite, il est possible d'offrir, quasiment à tous, la possibilité d'apprendre à lire dans l'année de CP. Mon expérience pédagogique et les résultats de 2classes de CP durant des années plaident en faveur de ce cheminement naturel : il faut commencer par écrire du sens pour avoir la possibilité de lire (comprendre) ce qu'on a écrit.

     

    La lecture directe impossible :

    Du côté de l'écrit, retenons cette évidence : on ne peut pas lire un texte dont on ne connaît pas la langue et le système de codage. Les paléographes le savent bien, aidés des ordinateurs les plus puissants et de leur science, ils ne peuvent lire les textes anciens dont ils ne disposent pas de la langue et du système de codage utilisé.  A tel point qu'ils peuvent parfois décoder un texte (le sonoriser) sans pouvoir le comprendre, faute d'en connaître la langue. Ils ne peuvent d'ailleurs pas plus lire un texte sans connaissance du code, même s'ils connaissent la langue qui a été transcrite. Langue et codage du sens, sont simultanément indispensables à toute lecture. Or, les élèves de CP connaissent la langue (en principe…), mais ils ne connaissent pas les codes employés en écriture. C'est donc évident : ils ne peuvent lire. C'est d'ailleurs pour cela qu'ils sont en classe ! Cette observation à elle seule devrait suffire à expliquer les échecs de certains : on veut absolument les faire lire alors qu'ils ne peuvent pas, on leur demande de devenir des cryptanalystes[1]avant de dominer le système alphabétique. La conséquence est confondue avec la cause. Le point d'arrivée, la lecture, est présenté, sans ligne de départ(l'écriture). Les neurologues le confirment, la zone dédiée à la lecture chez les analphabètes[2]est absente. Malgré cela, on impose le décodage de syllabes puisqu'on ne peut pas lire du sens! On oublie le rôle irremplaçable de l'homme, créateur de l'écriture, porte d'entrée en lecture.  

     

    L'invention de l'écriture (et pas de la lecture !)

    Historiquement, l'homme n'a jamais pu commencer par lire un texte, même s'il savait lire des traces en forêt. Il a toujours et nécessairement commencé par écrire, par coder, pour pouvoir relire ce qu'il avait écrit[3], en mémoire des paroles accompagnant cette écriture, Une lente diversification des codes employés allait générer, à un moment donné, l'écriture alphabétique : l'écrit devint la représentation phonologique de la parole, le système alphabétique était né. On a cessé de représenter directement le sens, on a représenté par écrit la parole porteuse de sens[4].

    Devant quelques dessins ou pictogrammes[5] donnant accès directement au sens, l'enfant serait capable de s'en sortir, de lire. Face à la symbolisation des phonèmes (les sons porteurs de sens) l'écolier demeure analphabète. Il lui manque la connaissance du code. Et complication orthographique : aucune lettre ne représente un seul son, il s'agit de manipuler plusieurs codes[6] pour un même phonème. A l'extrême, la présence ou l'absence d'un "e" codera le sens du mot : rhume, rhum, ou indiquera la valeur sonore d'une consonne : port, porte. Conclusion : pour lire, il faut nécessairement commencer par écrire ou se souvenir d'un écrit effectué!

     

    la conquête de la structure de l'oral au service de l'écriture

    Il faut donc compléter cette constatation par l'observation de l'enfant apprenant à parler et comprendre que la communication écrite est calquée sur l'apprentissage de la parole.  

    En relevant les composantes de l'apprentissage de l'oral, on constatera que l'écrit s'en empare en parallèle. Un peu comme à l'escalade, la première grimpe étant réalisée, la falaise équipée, il sera aisé de rééditer l'exploit en suivant le même cheminement.

    Il est donc indispensable de se tourner vers l’enfant et d’essayer de comprendre comment il a pu apprendre à communiquer oralement pour trouver la manière dont on pourra l'aider à installer l'écrit.  

    La communication orale met en œuvre de nombreuses connaissances qui seront  réutilisées lors de l’apprentissage de l’écrit.

    -     Le codage d’abord.

    L’enfant comprend vite que les paroles codent du  sens oralement. Les échanges entre parents, frères et sœurs lui en fournissent toujours le champ d’étude. L’enfant, avant de parler, comme le chien de la maison( !), est capable de comprendre certains ordres et de les exécuter. Et il doit alors se résoudre à troquer les pleurs primitifs ou les gémissements contre un début de parole pour entrer dans la conversation ! Ce dont témoignent tous ceux qui ont observé les stades d’acquisition de la langue orale. (Rondal, Boysson-Bardies, Bruner)

     

    -     Le code ensuite,

    35 ou 36 phonèmes à sérier auditivement et mentalement d’abord, puis à essayer de reproduire correctement. Pour se rendre compte du travail mental extraordinaire nécessaire pour parvenir à ce stade, il faut rappeler que le cerveau est un calculateur né, capable de rassembler sous la même bannière des sons plus ou moins différents mais de même utilité(l’abstraction est déjà là). Impossible de bien parler sans disposer d’une image mentale du phonème installée grâce à l’écoute de la langue locale. On sait maintenant avec certitude que les enfants sont capables de parler n’importe quelle langue au départ. Ils comprennent vite, que pour des raisons d’efficacité (se faire comprendre) ils ont intérêt à entrer en résonance uniquement avec la phonologie locale. Cette option va centrer leurs efforts de productions orales sur l’imitation de plus en plus parfaite des sons entendus. Une véritable imitation qui sera copie des fondamentaux et pas renvoi identitaire en miroir.

     

    -     La progressivité,

    Chaque enfant parvenant, en reproduisant progressivement les phonèmes,  à les prononcer bientôt tous. 

     

    -     L’algèbre du langage,

    Assurée par la commutation des phonèmes prononcés : /cor/n’est pas /roc/. Au début, il pourra dire /cocholat/ et se corriger progressivement[7].Il pourra appeler son chien /ratet/ (et ne pas en démordre !) alors que son nom est Ramsès. L’enfant commence à faire la part au codage temporel, à rentrer dans la temporalité. Faute d’activation possible de certains des gestes phonatoires nécessaires, certains mots, au sens connu mentalement, ne sont pas encore prononçables, ils sont estropiés. Il faut remarquer la complexité de ces gestes phonatoires, physique mais aussi neuronale. Des dizaines de muscles(jusqu’au diaphragme) sont mobilisés, la langue particulièrement. Il faut régler l’ouverture de la bouche et des fosses nasales, moduler le souffle, faire vibrer ou non les cordes vocales, etc. Des dizaines de traces mnésiques en différents endroits du cerveau témoignent de la coordination qu’orchestre ce dernier. 

     

    Alors, logiquement, il va être plus simple d’apprendre à écrire que d’apprendre à parler.

    Toutes les structures nécessaires sont là, il suffit de les mettre en œuvre. L’apprenti va simplement troquer l’ouïe contre la vue et le symbole oral contre le symbole écrit correspondant[8].

    Tous les enfants essaient d'écrire, comme ils ont essayé de parler, inventant des graphies ou utilisant celles qu'ils récupèrent ici ou là. Les travaux  de Ferreiro, les constats de Montessori, les observations de Freinet confirment ce cheminement. L'enfant comprend qu'il peut générer l'écrit comme il a généré l'oral. Une lecture parallèle des stades décrits par Rondal (conquête de l'oral) et par Ferreiro (conquêtede l'écriture) ne laisse aucun doute sur la similarité des deux démarches. Si l'enfant ajuste des sons, babille, prononce des syllabes, finit par dire des mots, à l'écrit, il réédite ce cheminement, commençant par dessiner, gribouiller du sens (sa signature), écrire des lettres, des syllabes, du syllabo-phonétique pour finir par coder alphabétiquement.

     

    Au moment d'écrire, l'enfant dispose de tous les ingrédients nécessaires :

    Pas de problème de sens : il ne peut écrire que le sens dont il dispose, le sens est donc moteur de l'action.  Ce sens fera l'objet de maturations progressives, mais son codage oral comme écrit restera fixe.

    Pas de problème de dyslexie spatiale : la succession temporelle des phonèmes impose la succession spatiale des graphies.

    Pas de problème de codage : s'il a réussi de coder des phonèmes virtuels (mentaux et abstraits) concrètement, il réussira à coder ces mêmes sons visuellement avec des graphies. Ce sera même moins compliqué, le résultat restant visible, analysable, comparable, alors qu'à l'oral il faut se corriger dans l'instant.

    Pas de problème d’algèbre du langage : il sait combiner 3 sons pour dire /mare, rame, arme/, il  saura s’amuser à retrouver les images écrites de ces 3 sons en des endroits différents suivant le sens et la prononciation. Mieux, pour apprendre rapidement à manier les graphies, il mobilisera la substitution : bar, car, dard, far, phare, gare, jars, tard, Var ; l'inversion : mal, lame, rouge, jour ; l'addition : ma, mare, mari, maria, mariage ; l'insertion : montre, monstre ; etc.

     

    Si à l’oral, en écoutant l’entourage, l’enfant peut ajuster progressivement sa prononciation, à l’écrit surviendra une difficulté. Difficulté particulièrement importante en français. Le code n’est pas unique, un phonème est toujours représenté par plusieurs codes, lettres ou groupe de lettres différentes. Chaque son se code de différentes façons en fonction du sens. Il n'y a pas un code mais des codes[9]. On découvre ainsi le seul domaine d’intervention indispensable de l’adulte, offrir le code orthographique permettant le codage de chaque mot[10]. Si on veut pouvoir lire "oiseau" il faut commencer par coder /oizo/ avec" oiseau"[11]. Il faudra donc, chaque fois que nécessaire, fournir le bon code à l’enfant. On pourra l’aider à généraliser, par exemple en lui demandant de coder des mots finissant par /o/ : /fourneau, chapeau, tableau, gâteau/, etc. Mais on ne pourra faire l’économie de mots comme lourdaud, badaud, etc.  Quand latin et français coexistaient, il est vite apparu qu’apprendre à sonoriser le latin était rapide[12] (code biunivoque) mais ne donnait pas la clé de la lecture du français ("a" ne se lit /a/ que dans 50% des occurrences et de 11 manières différentes par ailleurs). Actuellement, la difficulté orthographique accompagne bons nombres de dyslexiques, alors que les peuples à écriture presque purement alphabétique sont moins atteints.  

    Les codes d'écriture ne seront pas finalement une difficulté pour les élèves s'ils commencent par coder orthographiquement, ils parviendront à généraliser et passer de plus de 550 graphies particulières aux 35 ou 36 graphèmes (les 36 images écrites des 36 phonèmes). Par exemple, les graphies o, au, aux, eau, eaux, ot, ots, oc, ocs, aud, auds, etc. constitueront mentalement le graphème de /o/, vivement reconnu sous toutes ses formes, tout comme les divers /o/ entendus ont fini par devenir phonème[13].

     

    Et la lecture ?

    Jusqu’ici, apparemment point de lecture, seule l’écriture semble effectivement possible. Pourtant il faudra saisir l’occasion à chaque codage d'un mot par écrit, d’ajouter sa lecture (pas son décodage ici). Car après écriture, la lecture est possible dans 100% des cas. Si on a codé le sens /sympathique/avec s-ym-p-a-th-i-que on sait qu’on peut lire "sympathique". A chaque mot écrit, en miroir, la lecture phonologiquement correcte, réceptacle du sens,  s’installera mentalement. Pas une devinette, mais la lecture du sens qu’on vient d’écrire en codant chaque phonème. Dans ce cadre-là, tout élève sait lire, il le comprend vite et en découvre l’utilité si on sait aiguiser sa curiosité. Certains pédagogues se posent la question de la généralisation. Elle vient automatiquement : si on écrit /la/ toujours avec « la » en situation d'amorce, la plupart des mots commençant par "la"[14]deviennent lisibles (lapin, lavoir, lard, etc.). « la » codant /la/ est alors lisible même au sein d’un mot (plate, éclate, etc). Et en codant /lampe/, l’élève comprendra vite que « la » ne représente pas  toujours /la/. Et l’exercice« batimots » va permettre à tout apprenant de créer des mots écrits encore inconnus à partir des quelques phonèmes composant un mot origine, tout en prenant contact avec des codages différents de ces phonèmes. (Voir le site« ecrilu »)

    Ce qui a permis l’accès à l’oral ce n’est pas la répétition de mots connus, c’est le classement mental de la multitude des codages d’un son porteur de sens. De même à l’écrit, le foisonnement des mots codés puis lus va permettre de faire émerger la lecture. Lecture dont on est encore loin de savoir comment elle s’installe réellement[15]. Ce dont on est certain, c’est que dans ce cadre d’apprentissage personnel, parallèle à celui de l’apprentissage de l’oral, tout apprenti arrive à écrire et à lire. Ce n’est pas une hypothèse, c’est une réalité vécue.

    Certes les professeurs peuvent continuer de saisir le couteau par la lame, faire lire sans introduire la lecture par l'écriture[16]. Nos enfants les plus intelligents y parviennent, souvent aidés par le milieu familial. Mais ils ne comprennent pas toujours ce qu’ils lisent. C’est naturel puisqu’on est capable au XXIème siècle de leur apprendre la lecture syllabique, un ersatz de l’apprentissage de l’écriture-lecture dont le seul mérite est de profiter aux éditeurs de manuels ! Oui /ba/ peut toujours s’écrire« ba ». Non ba ne se lit pas toujours /ba/ (bancal, baie, baudet, bain, embourbai, bambin, football). Et "s" en début de mot (à l'attaque), ne se décode pas toujours /s/ comme j'ai pu le lire, "s"se lit /s/ uniquement s'il a codé le phonème /s/ en écriture, ce qui n'est pas le cas si on a codé /Chorte/ avec short. C'est toujours et uniquement le souvenir du codage écrit qui impose la lecture.

    Pour tous ceux qui comprennent l’importance de l’entrée par l’écriture pour apprendre à lire, le site « ecrilu » leur fournira tous les outils nécessaires (y compris des logiciels d’apprentissage pour PC).L’écritoire donne la possibilité pour chaque élève d’écrire rapidement tout mot, et offre au maître ou à la maîtresse, le pouvoir de faire lire tout mot, quelle que soit son orthographe. Respecter le cheminement : parole sensée, écriture, lecture[17], peut faire appel à de nombreuses façons d'entrer en musique. On peut partir d'albums, à condition de commencer par faire pointer des mots de l'histoire, on peut, comme avec écrilu, suivre au plus près la genèse de l'oral appliquée à l'écrit, rien n'est interdit, à condition que ce soit le codage des mots par écrit qui alimente la conquête de la lecture.

    Pour ceux qui hésiteraient, face à des injonctions hiérarchiques pressantes, argumentez, montrez que vous respectez scrupuleusement les programmes. Un enseignement direct, explicite, de l’écriture, de la lecture, et de l’orthographe bien entendu. Vos "évaluateurs" verront d'ailleurs vos élèves s’emparer de la procédure avec enthousiasme et rééditer l’exploit de la conquête de la parole en écrivant et lisant.

    Les autorités, averties à de multiples occasions, n’ont proposé aucune expérimentation pour vérifier l’efficacité de ce nouveau cheminement. On continue de travailler à l'envers, par commencer à lire, à décoder, comme si c’était naturel et facile, sans respecter la genèse de la communication écrite. On table plus sur la mémorisation que sur l'invention créative[18]. On ignore et met sous le boisseau les formidables facultés de nos enfants. Les élèves en paient le prix, spécifiquement ceux qui n’ont pas de soutien familial[19]. Ils finissent par croire qu'ils ne sont pas intelligents !

    Collègues, soyez responsables, choisissez des cheminements qui respectent la structure le fonctionnement mentale de toute communication :produire un média à l'aide d'un code pour assurer sa lecture.

    Chercheurs, ne vous contentez pas de défendre pied à pied l'apprentissage commençant par la lecture, initiez des études de cette progression. Vous auriez alors enfin la possibilité de la comparer avec les méthodes de décodage syllabique. Ce qui permettrait, au minimum, de ne pas interdire cette progression…voire de l'encourager. 

    Jacques Delacour

    Directeur d’école honoraire

                                                                      

    Bibliographie

     

    BoYsson-Bardies Bénédicte, Comment la parole vient aux enfants. Paris: Odile Jacob, 1996, 289p

    Bruner J.S., Comment les enfants apprennent à parler. Retz, 1987

    CALVET L-J., Histoire de l'écriture. Paris : Plon, 1996, 296p.

    Clerino Alex http://meirieu.com/ECHANGES/clerino_lecture.pdf

    DELACOUR J, Lecture/écriture, bilan d'un praticien, Perspectives documentaires en éducation N°57 – INRP

    Ferreiro E., Lire, écrire à l'école, comment s'y apprennent-ils ? Lyon :C.R.D.P. , 1988,  408p.

    Ferreiro E., L'écriture avant la lecture, in La production de notations chez le jeune enfant, Hermine Sinclair, PUF, 1988,183 pages

    Ferreiro E., L'écriture avant la lettre, Paris, Hachette, 2009, 253p.

    FILY DOMINIQUE., L’écriture d’abord, la lecture ensuite. Paris – Syros Alternative - l’école des parents, 1990, 140p.

    Freinet C., Méthode naturelle de lecture, Nice : Bibliothèque de l'Ecole Moderne, 1961, 136p.

    Gattegno C., La lecture en couleurs. Guide du maître. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, 1966,  127p.

    JACOBSON R., Essais de linguistique générale. Paris, Les éditions de Minuit, 1963, 250p.

    Javal E., Physiologie de la lecture et de l'écriture. Retz, 1978, (Alcan1905), 296p.

    Leroi-Gourhan A., Le geste et la parole, I. Technique et langage. Paris : A. Michel,64/89, 324p.

    Martinet JEANNE, De la théorie linguistique à l'enseignement de la langue. Paris : P.U.F,coll. SUP  1972, 1974, 239p.

    Martinet A., Vers l'écrit avec alfonic. Paris : Hachette, 1983, 174p.

    Martinet JEANNE, De la théorie linguistique à l'enseignement de la langue. Paris : P.U.F,coll. SUP  1972, 1974, 239p.

    MONTESSORI M., L'enfant. Paris Desclée de Brouwer. 2005, 208 p.

    MONTESSORI M., L'esprit absorbant de l'enfant. Paris : Desclée de Brouwer, 1972, 242p.MOREAU M-L et RICHELLEM, L'acquisition du langage. Liège :Mardaga, 1997, 261p.

    Préneron, Meljac, NETCHINE, des enfants hors du lire. Bayard Edition / CNERHI :INSERM, Païdos recherche, 1995, 460p.

    RAPAILLE C., Culture Codes Comment déchiffrer les rites de la vie quotidienne à travers le monde.  Paris, JC Lattès, 2008

    RONDAL J-A., Comment le langage vient aux enfants, Liège : Labor, 1999, 111p.

    Saussure F., Cours de linguistique générale, Payot,Bibliothèque scientifique, 1990 (1915, 1972,1985), 520p.

    Saussure F., Écrits de linguistique générale, Paris, NRF Gallimard, 2002, 353p.

    THIMONNIER R., Le système graphique du français. Paris : Plon, 1968, 416p.

    VYGOTSKI, Pensée et langage, Editions sociales, Paris : Messidor, 419p. , 1985/92

     



    [1]Jacobson, page 33 : "La position du linguiste déchiffrant une langue qu'il ne connaît pas est différente. Il essaie de déduire le code du message. Aussi il n'est pas un décodeur, il est ce qu'on appelle un cryptanalyste. …et naturellement, quand on se sert trop longtemps d'une technique donnée, on finit par croire que c'est la procédure normale." 

    [2]Enfants ou adultes, et pour la lecture alphabétique chez les Chinois lisant le mandarin.

    [3]C'est toute la thèse de Leroi-Gourhan et des paléographes

    [4]La double articulation de Martinet

    [5]On a abandonné cette lecture en maternelle.

    [6]Le phonème /è/ peut se coder de plus de 30 façons ! La syllabe /si/ par plus de20 !

    [7]Par inhibition dirait Olivier Houdé.

    [8] Martinet Jeanne page 69. "Unedes conclusions à tirer de tout cela en matière de pédagogie est qu'il estproprement inadmissible de traiter l'enfant qui arrive à l'école comme une non-entité linguistique. Il vient précisément, sous la pression de ses besoins sans doute, mais certainement non sans efforts, d'accomplir une opérationd'analyse que les linguistes n'arrivent à reproduire plus tard qu'armés de leur science." (André Martinet)

     

    [9]On les retrouve bien classés phonologiquement dans l'écritoire d'écrilu (voir le site ecrilu)

    [10]Le don du code est le don du code d'écriture, le seul qui permet la lecture. Je ne peux lire femme que parce que le code d'écriture de /a/ est "e" pource mot et surtout pas parce que "e" se lit /a/!.

    [11]Comme le dit Saussure : ce n'est pas oi qui se lit /oi/, c'est/oi/ qui s'écrit"oi" et ça change tout (page 52 : "Quand on dit qu'il faut prononcerune lettre de telle ou telle façon, on prend l'image pour le modèle. Pour que oi puisse se prononcer [wa], il faudrait qu'il existât pour lui-même. Enréalité c'est [wa] qui s'écrit oi…)

    [12]Des méthodes de lecture ont simplifié le décodage (et pas le codage) : une couleur par son (Gattegno), une seule graphie pour un son (Martinet avec l'Alfonic), mais on continuait à inverser la progression.

    [13]La coarticulation, l'accent, la hauteur, le tempo, etc. sont à coaguler en phonème.

    [14]Il est plus facile d'écrire /la/ avec "la" dans 100% des cas et de le retenir que de lire "la" dans un texte (landau, lampe, laide, laudes,poulain, plat, Laon par exemple)

    [15]Varela dirait que l'écriture énacte la lecture

    [16]Même l'enquête de R. Goigoux (lire-écrire) relève que les élèves des classes qui écrivent beaucoup en profitent largement. Bien que cette écriture arrive unpeu tard pour faire assimiler le codage.

    [17]Freinet page 116 "Le processus normal n'est nullement, comme le conçoit l'Ecole traditionnelle : lecture, écriture, traduction graphique de la pensée –mais traduction de la pensée par la parole d'abord, par le dessin, par l'écriture ensuite, enfin par la reconnaissance des mots et des phrases jusqu'à la compréhension de la pensée qu'ils traduisent – reconnaissance qui est proprement lecture."

    [18]Et probablement sur l'aide familiale…

    [19]Des enfants de milieu socio-culturel élevé, avec un QI supérieur à 100 n'apprennent pas à lire (voir Préneron, Meljac, Netchine dans  " des enfants hors du lire").


  • Jean Maurice, le 15/03/2019 à 12:51
    Franck Ramus est brillant. Seulement, il vit dans une bulle scientifique. Il collecte des données et les analyse comme si ces données racontaient intégralement le monde. Mais il dépend exclusivement des sujets de recherche dont il récupère les résultats. Pas d'études sur Freinet signifie donc pour lui que Freinet n'existe pas en tant que valeur mesurable ou exploitable. Il donne donc des conclusions qui ne sont pas nécessairement malveillante à l'encontre des sujets qu'il ne connait pas, ou sur lesquelles il n'a pas de prise, mais qui sont forcément exclusives. Dans son discours, il fait fait comme si cela n'avait d'intérêt pour personne. Il insiste le plus souvent en rappelant que la charge de la preuve incombe à celui qui apporte une nouvelle théorie. Il manipule ainsi (l'opinion) en réduisant le champ des possibles aux seules études qui intéressent les chercheurs. Ce qui verrouille (cadenasse selon son expression préférée) fortement l'horizon de l'innovation. Car mener une étude sérieuse et fiable n'est pas à la portée de n'importe quel "petit entrepreneur pédagogique".   
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