Emma Botalla : Un escape game pour mieux coopérer 

Un escape game en primaire, c’est rare. Et pourtant Emma Botalla, enseignante en CM2 à l’école Gambetta de Massy (91) s’y est essayée. L’escape game est l’occasion de mettre en place un projet pluridisciplinaire et transversal permettant de travailler différentes compétences telles que la coopération entre élèves, la production d’écrit, l’oralité ou encore la résolution de problèmes.

 

 Emma est enseignante depuis une dizaine d’années, elle a enseigné en maternelle, en élémentaire, en éducation prioritaire ou encore sur un dispositif PASS – dispositif accueillant les élèves souffrant de surdité. Enseignante à l’école Gambetta, école de dix-huit classes et d’un dispositif ULIS, elle est engagée avec ses collègues dans un travail autour de la coopération et de la communication non violente afin de diminuer les conflits et faciliter le vivre ensemble. Un projet qui évolue au fur et à mesure en fonction des difficultés rencontrées dans l’école, « à travers le temps, la progression de ces approches est constamment questionnée et reconstruites au sein de l’équipe et les expérimentations de chacun enrichissent cet engagement ».

 

Un escape game pour apprendre à coopérer

 

Comme beaucoup d’enseignants, la vie de tous les jours est une source inépuisable d’inspiration pour mettre en scène des scenarios pédagogiques. C’est lors d’une sortie entre amis qu’elle expérimente pour la première fois un escape game, « les attitudes de chacun de nous m’ont vraiment frappées, il se jouait là quelque chose d’important en termes de coopération ! L’immersion était ludique, on développait notre sens de la logique en s’emparant d’un univers et la coopération était devenue indispensable autant en termes de mutualisation simple que de qualité de communication. Une alliance entre le fond et la forme ». Et c’est ainsi inspirée qu’en septembre 2017 elle se lance dans l’aventure avec sa classe de CM2. Les contraintes budgétaires la forcent à faire preuve d’imagination, elle se lance donc dans des escapes game miniatures.

 

Elle construit sa programmation avec ce projet comme fil conducteur, chaque période visant l’acquisition de compétences précises. Elle présente le concept à ses élèves qui ne connaissaient pas du tout. « Il est très difficile de créer de la motivation autour d’un projet lorsque les enfants ne s’en font aucune représentation.  J’ai donc emmené la classe pour faire l’expérience d’un véritable escape game. Cela sous-entendait de chercher des professionnels susceptibles d’accueillir des élèves du primaire et dont le prix entrait dans un budget très restreint. Je suis tombée sur une société tout à fait enthousiaste, après un mois de prospection et de nombreux refus. Nous avons échangé longuement par mail pour construire ensemble cette rencontre ».  C’est ainsi que la classe se retrouve pour une journée dans un escape game parisien ayant adapté les activités. « Les élèves ont mené des missions par équipe. Munie d’un talkie-walkie, l’équipe de professionnels est restée en permanence connectée aux élèves. Pendant que les équipes vivaient leur aventure, le reste de la classe suivait un atelier expliquant ce qu’était un escape game, son histoire, et le rôle de ces games designers. Ils ont pu également inventer un scenario grâce à l’accompagnement de ces spécialistes du jeu. Les idées ont fusé ! » En s’appuyant sur cette expérience, Emma a mobilisé les élèves qui ont eu envie de créer à leur tour leur propre aventure.

 

Un projet pour développer nombre de compétences

 

 Le projet, pluridisciplinaire et riche, prend forme. « les élèves ont créé un univers et une histoire en passant par la rédaction, sont passés par la recherche documentaire afin enrichir les textes produits et alimenter leurs énigmes de connaissances, ont travaillé l’oralité en communiquant leurs idées mais aussi en argumentant leurs choix, se sont exercés à la mise en voix et l’expression scénique pour immerger les joueurs, se sont plongés dans l’étude de romans policiers ou d’albums autour des jeux de piste pour comprendre les mécanismes, ont conçu un objet complexe en réalisant d’abord un cahier des charges, en dessinant, en mesurant, en résolvant des problèmes concrets, se sont mis à l’histoire des arts afin d’aménager leur univers... ».  Cinq groupes de six élèves ont réalisé chacun un escape games. « La communication et l’organisation dans le groupe étaient indispensables à leur réussite. La coopération était constamment au centre des démarches ».

 

Pour la partie technique – construire des maquettes en bois – Emma et ses élèves ont pu compter sur la générosité et la patience d’un menuisier qui a accompagné les élèves pas à pas, en veillant à leur sécurité. Le plus compliqué pour Emma : aider les élèves pour la création des énigmes qui demande d’entrecroiser pistes, indices et codes. Ce qui est loin d’être simple. « Il s’agit de scinder son esprit en 5, et plus, afin d’être en connexion permanente avec leurs idées et univers singuliers, de comprendre la logique de leurs énigmes… Un véritable casse-tête. Il est très difficile pour un élève de cet âge de tricoter ces éléments. Le fait d’être en groupe complexifie également la chose. Avec le recul, les élèves ont eu plus de facilité à se projeter dans ce travail une fois l’escape en cours de réalisation. Ils projetaient sur de l’existant. Le passage de leurs idées à la réalisation a été aussi très compliqué. Ils ont dû faire des compromis et passer de leur superproduction fantasmée à la réalité et la faisabilité de leurs envies : de véritables situations problèmes ».

 

Un retour gratifiant pour les élèves

 

A la fin de l’année, les élèves ont testé les escapes games de leurs camarades. « Vingt minutes de mutualisation des logiques et de connaissances littéraires ou scientifiques pour récupérer la machine à voyager dans le temps, sauver le totem de la pyramide aztèque ou échapper aux détraqueurs en quittant le bureau de Dumbledore. Les élèves étaient fiers de leur travail. Il y avait un dynamisme, de l’enthousiasme, du sérieux, de l’autonomie et énormément d’entre-aide ». Ils ont ensuite invité leurs parents qui ont à leur tour expérimenté les créations de leurs enfants. « Ils ont eu l’occasion de leur montrer que coopérer n’était pas évident et qu’il s’agissait bien d’apprendre à savoir le faire. Voir leurs parents s’énerver et parfois tricher sous la pression de la montre a été une révélation pour les élèves ». Les parents étaient fiers du travail mais aussi du chemin parcouru par leurs enfants, « le lien école famille s’en est vu resserré et les élèves ont été valorisés ».

 

Et puis, les escapes games ont circulé de classe en classe, les élèves d’Emma présentant fièrement leurs productions.

 

Créer un monde pour s’évader mais, et surtout, pour mieux s’approprier les apprentissages scolaires et les enjeux de la coopération.

 

Lilia Ben Hamouda

 

 

Par fjarraud , le mercredi 13 février 2019.

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