Réaliser à toute vitesse des manuels pour les nouveaux programmes n'est pas le seul défi des éditeurs scolaires. Un autre problème fait travailler les éditeurs et aussi les régions : le financement des manuels scolaires des lycées pour plusieurs années d'un coup. Le 28 janvier, les éditeurs se sont rappelés au bon souvenir des régions dans un courrier où ils rappellent que le passage au tout numérique suppose certaines conditions. Ce qui aggrave encore le problème et repose la question du financement par les familles.
Une année impossible
La rentrée 2019 sera une année exceptionnelle par la mise en place de nouveaux programmes sur plusieurs niveaux du lycée. A cette rentrée les nouveaux programmes de 2de et de 1ère générale et technologique entrent en application. C'est aussi le cas de la 2de pro et du Cap 1ère année. Pour les régions qui depuis des années ont toutes décidé de financer les manuels scolaires, l'année 2019 compte au moins double. 2019 verra un renouvellement exceptionnel des manuels scolaires qui est estimé à 300 millions.
Or il est clair que les régions ne sont pas en mesure de financer ce renouvellement. Même si elles le voulaient, le gouvernement a encadré leurs dépenses de telle sorte que cette dépense serait lourdement sanctionnée. Les régions ont donc le choix entre abandonner cet avantage accordé aux familles depuis des années et prendre le risque de l'impopularité ou imaginer un solution nouvelle.
Depuis septembre 2018, régions et éditeurs scolaires réfléchissent à cette question. Les éditeurs pencheraient plutôt pour un financement par les familles. Du coté des régions la clé du problème pourrait être le passage général au numérique, les régions ne payant plus le manuel scolaire mais un droit d'usage annuel.
Les régions posent des conditions au passage au manuel numérique...
C'est dans ce contexte que Les éditeurs d'éducation, qui rassemblent les éditeurs scolaires, publient le 29 janvier une sorte de mise en garde.
Les éditeurs promettent qu'ils seront prêts à la rentrée, affirmation un peu avancée peut-être pour les manuels de l'enseignement professionnel, les programmes n'étant toujours pas rédigés. "Malgré un calendrier de publication des nouveaux programmes très contraint depuis les annonces des réformes par le ministre Jean-Michel Blanquer, les éditeurs scolaires confirment qu’ils seront prêts à temps afin de proposer à tous les acteurs des ressources diversifiées, de qualité et conformes aux nouveaux programmes", disent-ils.
Mais ils attirent l'attention des régions sur ce qu'implique le passage au tout numérique. "Le succès de la transition numérique passe par un équipement des élèves harmonisé et adapté aux exigences de leur classe". En lycée les éditeurs écartent l'utilisation du BYOD qui poserait des problèmes d'accès et de compatibilité. Ils écartent la tablette. "L’ordinateur est beaucoup plus pertinent que la tablette", disent les éditeurs, ramenant les régions à une informatique parfois jugée dépassée. La remarque pose aussi la question de l'accès aux ressources à la maison s'il s'avère que les nouveaux manuels ne fonctionnent pas correctement sur tablette.
Ils attirent aussi l'attention sur "le bon dimensionnement des réseaux des établissements" et sur le fonctionnement des ENT, deux problèmes bien connus. En clair, les régions devraient augmenter les bandes passantes et ne pas changer d'ENT.
Enfin elles abordent les conditions humaines : "l’adhésion préalable des enseignants, voire leur formation" est une condition indispensable au passage au tout numérique.
Qui poussent à faire payer les familles...
Toutes ces conditions sont facilement justifiables. Mais le rappel de ces exigences aggrave un peu plus la situation des régions. Comment en quelques mois assurer à la fois lamise en place de parcs d'ordinateurs, l'amélioration de la bande passante et la formation de masse des enseignants ?
La conclusion semble se dessiner. Les éditeurs soufflent aux régions de laisser tomber la gratuité des manuels. 2019 pourrait ramener les familles aux années 1980 et au paiement des manuels scolaires. Au final le problème retomberait sur les familles les plus démunies et les enseignants.
François Jarraud
La lettre
Qui va payer les manuels ?