Comment restaurer l'attractivité du métier d'enseignant et la confiance ? 

Conscients des limites d'un modèle scolaire présenté comme à bout de souffle, inquiets quant au sort que leur réservent les mutations à l'oeuvre, les enseignants sont exposés au désenchantement". Angélique Chassy (économiste, université de Rouen) et Jean-Pierre Lavignasse (directeur IPAG Rouen) analysent dans "Education et intérêt général" (édition PURH) la crise du recrutement des enseignants. Dans ce riche ouvrage, sur lequel on reviendra, ils proposent des solutions pour revaloriser un métier en perdition. Publié en 2018, ce chapitre par bien des points annonce les crises de ces derniers mois. Il montre aussi comment en sortir.

 

Une crise du management ?

 

Tout n'a t-il pas déjà été dit sur la crise du recrutement ? A Chassy et JP Lavignasse réussissent pourtant à la mettre en perspective d'une crise globale des systèmes éducatifs bousculés par le new management et la massification.

 

"Ce métier semble de moins en moins attirer à mesure que les normes du management dominant le reste du monde du travail menacent d'altérer sa définition première". Pour eux trois ruptures ont déstabilisé les enseignants : l'épuisement de la croissance bloquant l'ascenseur social et rendant la compétition entre classes sociales plus féroce, la montée du chômage de masse donnant au diplôme un rôle beaucoup plus important et la crise d'efficacité du système éducatif français générant une crise de confiance.

 

L'autonomie enseignante est une clé du problème

 

De fait c'est le modèle du métier enseignant défini en 1950 qui est attaqué. Modèle que les auteurs définissent comme reposant sur une liberté pédagogique totale dans la classe, un statut de fonctionnaire, des promotions découlant de l'ancienneté et du mérite. "En contrepartie d'un temps de travail autonome non controlable, l'enseignant fournit tacitement du travail gratuit". Pour les auteurs ce mode de travail est à la base de l'attractivité du métier. Or on voit bien comment il est attaqué sur toutes ses caractéristiques aujourd'hui. "La logique d econtrat d'objectifs, la volonté de transformer les chefs d'établissement en organisateurs du travail des enseignants, celle d'individualiser les salaires et les tâches provoquent une mutation du métier qui dissout al relation de don / contre don qui prévalait".

 

4 mesures pour revaloriser le métier

 

Les auteurs se sont livrés à une enquête modeste auprès d'enseignants pour recueillir leur vision de ce déclassement. Ils relèvent que les professeurs de lycée, du collège et du primaire ne partagent pas la même lecture. Les enseignants de lycée expliquent la perte d'attractivité par la baisse du niveau des élèves, quand ceux de collège mettent en première place la perte de prestige du métier dans la société et ceux des écoles par la perte de sens du métier. Les perpétuelles réformes sont aussi beaucoup critiquées.

 

Les auteurs avancent 4 mesures pour remédier à la crise du recrutement. D'abord revaloriser l'image du métier en apportant aux enseignants un soutien réel par leur hiérarchie. Ensuite mettre en place une formation continue qui correspondent aux demandes des enseignants. La troisième mesure est bien sur salariale. La dernière est plus inattendue : donner la possibilité réelle aux enseignants de changer de métier en valorisant les reconversions professionnelles.

 

On aura retrouvé dans ces lignes bien des éléments des récents mouvements enseignants. De de #pasdevagues aux stylos rouges, c'est bien la relation de confiance dans l'institution qui s'est perdue. Et pour la renouer , la seule voie semble être une reprise en main de leur destin collectif par les enseignants eux-mêmes.

 

François Jarraud

In Philippe Bance, Jacques Fournier (dir.), Education et intérêt général, PURH 2018, ISBN 979-10-240-1186-8

 

Présentation du livre

 

 

Par fjarraud , le mercredi 23 janvier 2019.

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