Alors que le budget 2019 ne prévoit des créations de postes que dans les forces de sécurité et la Justice et en supprime en éducation, une étude de la London School of Economics rappelle que l'école réduit la criminalité. Elle explique quels mécanismes aboutissent à un résultat  observé et durable. Mieux elle calcule le rendement de chaque dollar mis dans l'éducation en ce domaine. L'éducation est bien un investissement, pas une dépense...

Allonger la scolarité réduit la criminalité

L'étude de Brian Bell, Rui Costa et Stephen Machin (London School of Economics) porte sur des données américaines et australiennes. Elle utilise les données du FBI pour la criminalité américaine et un fichier équivalent, mais plus précis, pour l'état de Queensland en Australie. Ces données sont mises en relation avec les lois sur la scolarité obligatoire dans les deux pays. Aux Etats-Unis une série de lois ont étendu la scolarité obligatoire entre 15 et 17 ans avec une exception intéressante : en 1985 le Texas a réduit la durée de la scolarité d'un an. En 2006 le Queensland  a fait passer l'obligation scolaire de 15 à 17 ans.

Pour les auteurs, il est clair que tout allongement de la scolarité réduit la criminalité. Dans le cas des Etats-Unis on assiste à une réduction moyenne de 6% du taux de criminalité des jeunes. Le cas du Texas permet de confirmer l'effet : en réduisant la scolarité le Texas a fait augmenter la criminalité. Cela joue d'ailleurs sur les types de délit. L'effet le plus fort est sur le trafic de stupéfiant. Plus intéressant : cet effet ne concerne pas que les jeunes. Allonger la scolarité semble avoir un effet durable sur la criminalité dans son ensemble.

Un effet d'incapacité

Quels mécanismes expliquent ce recul de la criminalité ? Les auteurs observent d'abord que les jeunes qui sont à l'école ne sont pas dans la rue avec le risque de commettre des délits. L'école a un effet d'incapacité. En réduisant le taux de sortie du lycée de 27 à 6% entre les années 1980 et 2015 aux Etats-Unis, l'effet est sensible.

Un effet durable

Mais comment expliquer que l'effet soit durable ? Les trois chercheurs n'ont pas constaté d'effet important de l'allongement de la scolarité sur le taux de diplomation. S'il est vrai que terminer avec un diplôme ses études secondaires a un effet positif sur l'emploi et le salaire, les allongements consentis n'ont pas significativement changé les choses sur ce point.

Par contre, la prolongation de la scolarité a pu changer le destin de nombreux jeunes. Ils n'ont pas trainé dehors à un âge où les bétises sont vite faites. Et les effets se sont cumulés. Finalement le réservoir global de délinquants a nettement baissé. C'est d'autant plus vrai que l'incarcération  a un effet calculé sur le risque de ne jamais terminer ses études et sur la probabilité de retourner en prison. Comme l'écrivent les trois auteurs, l'école a changé la vie de nombreux jeunes.

Quelle rentabilité ?

Et on va voir que cela a un effet aussi sur les états. Les auteurs ont calculé la rentabilité de la prolongation de la scolarité contre les gains tirés de la réduction de la criminalité. Si l'on ne prend en compte que l'effet sur les jeunes, pour chaque dollar dépensé on a un retour de 0.94$. Si l'on prend en compte l'effet durable, sur toutes les générations, pour chaque dollar dépensé en éducation on reçoit 2 dollars.

Evidemment c'est un calcul d'économistes. Les enseignants seront sans doute plus sensibles à ce que l'Ecole apporte en terme de réflexion ,de savoirs et de construction personnelle. Mais "rester sur les rails" , comme l'écrivent les auteurs, entre dans ces objectifs. Surtout face aux rapports de nos spécialistes ( la Cour des comptes par exemple) et de nos gouvernants, il n'est pas mauvais de parler leur langage, celui de la rentabilité. On dit que le crime ne paie pas. L'école, elle, paye.

François Jarraud

Etude IZA

L'éducation rend meilleur