Christian Savary : L'engagement sur Les Sentiers de la mémoire 

Professeur d'histoire-géographie au lycée Charles François Lebrun de Coutances (Manche), Christian Savary est aussi devenu un acteur majeur de la vie locale grâce à l'association Sentiers de la mémoire qu'il a créé en 2004. En quelques années cette association lycéenne est devenue un animateur de la petite ville normande et aussi une expérience humaine forte et fédératrice pour sa jeunesse.

 

Trouver du sens

 

Pas de chance. L'interview de Christian Savary commence alors que le président de la République vient de justifier une cérémonie en mémoire de Philippe Pétain, ex-maréchal. Et C Savary revient tout juste d'un périple qui l'a conduit, avec 84 jeunes, sur les derniers pas de Juifs baltes en passant par Riga, Vilnius, Kaunas, Treblinka, Auschwitz et Cracovie. Alors pour lui, "il est difficile de concevoir qu'en juillet on organise une grande cérémonie pour l'entrée de S Veil au Panthéon et que 4 mois plus tard on rende hommage à Pétain. C'est difficilement lisible pour les jeunes. Or le sens c'est justement ce qu'ils viennent chercher aux Sentiers de la mémoire".

 

Une association lycéenne

 

Les Sentiers de la mémoire emmènent chaque année des dizaines de lycéens à redécouvrir la vie et la mort de victimes de la Shoah. Initialement crée pour organiser un voyage à Auschwitz en 2004 l'association est devenue le premier acteur culturel de Coutances et aussi un outil associatif citoyen confié aux lycéens.

 

C Savary avait déjà un passé de militant associatif c'est pourquoi il a choisi ce statut en 2004 pour collecter les fonds d'un premier voyage d'élèves à Auschwitz. Depuis c'est devenu l'idée et l'objet des lycéens qui administrent avec lui l'association. La petite structure est devenue importante. Les Sentiers de la mémoire organisent tous les ans un voyage d'une semaine pour une centaine de lycéens et tous les deux ans une "semaine internationale" qui est le principal événement local. Mais elle produit aussi des pièces de théatre, ouvre des expositions, propose des concerts. "On fabrique une sorte de mémoire partagée locale et européenne", estime C Savary. L'association bénéficie d'un vaste réseau de soutiens. Outre la ville et la région, l'association bénéficie du soutien de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et surtout de celui des familles qui acquittent 40% des frais.

 

Mais pourquoi tout cet investissement sur la Shoah à Coutances ? "Les jeunes sont e quête de sens et d'histoire", estime C Savary. "Le thème s'est imposé de lui-même avec le premier voyage à Auschwitz". L'association réunit près de 200 élèves (un quart du lycée) et une proportion beaucoup plus importante des élèves de 1ère et terminale. "Ca se diffuse dans les familles".

 

Ils n'apprennent pas que de l'histoire

 

Dans les Sentiers de la mémoire, les élèves font tout. Ils décident mais ils organisent aussi. Ils préparent le voyage qui va chaque année à la rencontre d'une communauté juive différente. "Je donne un éclairage historique. Ils organisent les cérémonies", résume C Savary. Ajoutons qu'ils réalisent des expositions photos, qu'ils jouent aussi des pièces de théâtre, qu'ils s'impliquent pour faire venir des artistes. Ils ont aussi publié deux livres : "Promesses" est actuellement sous presse.

 

"Ils n'apprennent pas que de l'histoire", estime C Savary. "Ils apprennent beaucoup sur eux-mêmes, sur leur capacité à aller chercher au fond d'eux mêmes une énergie qu'ils ne soupçonnaient pas. Cela aiguise leur sens des valeurs de la démocratie et leur regard sur les autres".  Le 11 janvier 2015 , la manifestation locale (10 000 personnes dans une ville de 9000) a été organisée par eux. "Cet engagement n'est pas superficiel".

 

Enseigner c'est la vie

 

Enseigner la Shoah c'est facile ? "Il y a des professeurs qui ne sont pas prêts à l'enseigner, par exemple ceux qui le font avec méfiance au risque de confusions qui ensuite invitent des conflits dans les cours. Mais même quand on est savant sur ce sujet, cela reste difficile à enseigner. Parce qu'il faut amener les élèves à connaitre une histoire très dure et qu'il faut rendre compréhensible comment on en est arrivé là. Il est essentiel que cet enseignement soit précédé de cours sur l'épanouissement des idéologies au 19ème siècle et la naissance du racisme".

 

Pourquoi faire cela quand on est professeur ? "Ca prend beaucoup de temps", reconnait C Savary. "Mais mon rapport avec les élèves est totalement transformé et du coup mon métier aussi. Mon métier n'est pas seulement un travail. C'est la vie. On est souvent dans la frustration de l'autorité dans l'Education nationale. Il n'y a rien de tout cela dans ce projet. Tout se fait naturellement parce qu'il y a de la confiance entre les élèves et les enseignants qui participent au projet".

 

Dernière raison, elle aussi venue du coeur : "Tous les jeunes qui sont passés par Les sentiers de la mémoire portent cette expérience en eux. Dans leur attitude, dans leur façon d'observer le monde, il y aura toujours un peu de ça pour comprendre ce qui nous arrive".

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

Les sentiers de la mémoire

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 09 novembre 2018.

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