Inégalités territoriales : Toujours moins pour ceux qui ont moins ?  

"Les ressources humaines sont allouées de façon très inégalitaires selon les territoires". Le Cnesco publie le 24 octobre deux études sur les inégalités territoriales qui ne vont pas rester inaperçues. Alors que le ministre vient de confier une mission sur ce sujet à A Azema et P Mathiot, le Cnesco publie deux synthèses qui apportent des éléments d'information totalement nouveaux. En descendant au niveau du canton (dans les communes urbaines on descend ainsi au niveau du quartier), l'étude du Cnesco met en évidence les inégalités territoriales à l'intérieur des départements et des académies. C'est finalement la politique d'affectation des moyens qui est interrogée et aussi le rapport entre ces moyens et les résultats obtenus.

 

Explosion des contractuels

 

 

 


On doit à Nathalie Mons, présidente du Cnesco, et Patrice Caro (géographe UniCaen) ce travail d'exploitation des données IRIS de l'Insee qui permettent une cartographie fine des inégalités sociales et des moyens donnés par l'éducation nationale. L'exercice a ses limites. Par exemple le fait que l'enseignement catholique, dont les établissements sont généralement privilégiés, n'ait pas communiqué de statistiques.  Les analyses qui suivent ne portent donc que sur les établissements publics.

 

Au niveau national, le Cnesco publie une carte des temps d'accès aux collèges et lycées qui renvoie directement à la commande de la mission Mathiot qui doit particulièrement s'intéresser aux zones rurales. Le Cnesco montre que le temps d'accès au lycée en zone rurale peut atteindre 46 minutes. C'est à la fois un élément de décrochage et d'orientation pour les élèves. La carte des contractuels montre aussi de grandes inégalités régionales, le record étant la Guyane où 86% des enseignants ne sont pas titulaires. En métropole on assiste à une explosion du nombre de contractuels particulièrement sur la façade atlantique (hors privé). Le Cnesco montre aussi des différences importantes en ce qui concerne la ségrégation sociale dans les collèges. L'Ile de France, les agglomérations marseillaise et lyonnaise montrent des taux de ségrégation très importants. A Paris il faudrait redistribuer la moitié des collégiens pour obtenir une répartition équitable des élèves.

 

Mais des situations locales contrastées

 

 


Mais c'est surtout l'atlas francilien qui attire l'attention. Car son degré de précision permet de constater les politiques menées par les académies. L'étude identifie 5 catégories de territoires selon leur degré de richesse et le pourcentage d'élèves favorisés. On peut voir ainsi la situation de chaque type de territoire à l'intérieur de chaque département francilien.

 

L'atlas montre que le pourcentage de titulaires et d'enseignants expérimentés est plus important dans les territoires favorisés. Ainsi on ne trouve que 5% de contractuels sur Paris. Et même dans les établissements très défavorisés de Paris on ne monte qu'à 8%. Inversement on a 18% de contractuels dans les mêmes territoires du val d'Oise et 15% dans le 93. Dans ce dernier département, même dans les districts favorisés on compte deux fois plus de contractuels qu'à Paris, alors que dans le Val d'Oise (95) on passe de la moyenne parisienne dans les territoires favorisés à 18% dans les défavorisés.

 

L'atlas permet aussi de constater des différences dans le turn over des enseignants. La part des enseignants affectés depuis au moins 8 ans dans le même établissement atteint 28% à Paris et encore 18% dans les territoires les plus défavorisés parisiens. Dans le 93 l'écart est de 15 à 25%. Par contre dans le Val de Marne les territoires favorisés comptent 30% d'équipes stables contre 13% seulement (le plus bas taux) dans les établissements défavorisés qui sont donc très repoussoirs.

 

Quel lien avec la réussite des élèves ?

 

 


Quel lien avec la réussite scolaire ? Le Cnesco s'est intéressé aux résultats du brevet. Si l'on observe assez peu de différence au résultat sfinal du brevet (contrôle continu + épreuves finales), les résultats des épreuves finales (anonymes) sont beaucoup plus parlants. On compte entre 46 et 57% de reçus dans les quartiers favorisés contre 29 à 15% dans les plus défavorisés. En Seine et Marne l'écart entre ces deux catégories reste limité : 44% dans les plus favorisés et 29% pour les moins favorisés. Par contre dans les Yvelines on passe de 56 à 15%. Si Paris ou la Seine et Marne fait assez bien réussir tout el monde (encore que l'écart soit du simple au double) on a 4 fois plus de chance de sortir avec un bon niveau d'un collège favorisé dans les Yvelines que d'un collège défavorisé.

 

On n'en saura malheureusement pas plus sur les moyens en euros dépensés dans les types de collège ou sur d'autres indicateurs éducation nationale.

 

Des lignes de forces se dégagent. Les territoires défavorisés ont moins d'enseignants expérimentés et plus de contractuels. Mais la gestion des moyens varie de façon importante selon les départements et les Dasen. Certains départements arrivent à atténuer les inégalités ne terme de moyens d'enseignement. D'autres non. Quel impact cela a –t-il sur le niveau des élèves ? Le Cnesco est prudent sur ce sujet. Mais on imagine qu'il n'est pas mince. Alors que l'OCDE pointe la ségrégation sociale à l'Ecole comme le facteur principal d'inégalité dans l'Ecole française, les rapports du Cnesco montrent les responsabilités locales et invitent à y remédier.

 

François Jarraud

 

Le Cnesco

N Mons : On peut réussir à déségréguer l'Ecole

Le Cnesco dévoile l'ampleur de la ségrégation scolaire

Ségrégation : le dossier

 

 

 

 

  

Par fjarraud , le mardi 23 octobre 2018.

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