La légende des "30 millions de mots" 

Beau démontage, mené en règle par Marc Bablet sur une formule habituelle du ministre. " On sait par exemple, qu’un enfant de 4 ans issu d’une famille défavorisée a entendu 30 millions de mots en moins qu’un enfant issu d’une famille aisée. C’est à l’école d’apporter à cet enfant ce que sa famille n’a pas pu lui donner. On ne doit laisser aucun élève de côté". Or Marc Bablet piste cette formule et en retrouve l'origine : Terra Nova, l'Institut Montaigne et une étude américaine vieille de plus de 20 ans et portant sur 42 familles seulement (combien de défavorisées ?). Surtout, " le ministre déclare ici que c’est à l’école de remédier au manque de lexique des enfants de milieu défavorisé mais il ne fait rien pour soutenir les perspectives de prévention proposées par la refondation avec l’accueil des moins de trois ans à l’école maternelle". E toile de fond les programmes porté spar le ministère : Parler bambin, Agir pour l'Ecole et remplacement de la maternelle par des crèches payantes.

 

" On dispose d’études françaises sur l’intérêt de la maternelle à deux ans pour les enfants des milieux populaires", explique M Bablet. "Ces intérêts sont de deux ordres : scolaire, car l'école à deux ans permet que les enfants s’approprient progressivement les règles de l’école, son langage, facilitant ainsi les apprentissages scolaires ultérieurs en moyenne et grande section puis en élémentaire (On peut en particulier citer le travail de Linda Ali dans la revue Éducation et Formation de la DEPP numéro 82 de 2012). Mais aussi social, car l’école maternelle est gratuite pour les familles contrairement à la crèche et aux autres modes de prise en charge de la petite enfance." Fallait pas laisser partir Bablet...

 

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Par fjarraud , le vendredi 19 octobre 2018.

Commentaires

  • delacour, le 22/10/2018 à 12:14

    Laisser entendre que l'exposition à un vocabulaire plus riche et plus conséquent (un différentiel de plus de 30 000 000 de mots entre enfants) favoriserait les apprentis lecteurs est loin de la réalité fonctionnelle de la communication humaine.

    En effet, comment des enfants de milieu défavorisé ou non finiraient par apprendre à parler dans ces conditions ? Pourtant, ils parviennent à parler en ne connaissant pas beaucoup de mots au départ! Ce qui est en jeu, ce n'est pas la quantité ou la qualité du vocabulaire, mais la faculté de codage dont tout être humain dispose bien avant que de parler ou de lire. Dès le premier codage auquel s'essaie le nouveau parleur, il code en ne maîtrisant aucun mot et qu'une infime partie des phonèmes de sa langue : aucun bébé ne maîtrise tous les phonèmes lorsqu'il commence à parler. Le fonctionnement du codage associant mentalement un sens avec des sons progressivement réalisés est primordial, le vocabulaire et la syntaxe s'améliorant lentement.  

    De même pour la lecture, le premier codage écrit est très circonscrit, quelques graphies sur les 550 possibles traduisant un sens. Mais ce qui va constituer la structure du fonctionnement c'est le respect du codage du sens par écrit, lui seul donnant la possibilité de lire. Ce que Saussure observe quand il donne en exemple le mot oiseau dont aucune des lettres ne se décode comme appris généralement mais dont le codage est correct : le sens /oizo/ est codé avec "oiseau", ce qui permet la lecture de ce mot, l'accès au sens qu'il supporte déjà pour avoir codé oralement le concept "oiseau" créé bien avant que de savoir parler ou lire ! Mais les décodeurs, inversant le processus,  donnant du son aux lettres restent totalement inaccessibles à ce changement de paradigme invitant à commencer par coder pour pouvoir décoder.

    Pour plus de détails, voir le site "ecrilu" qui libérera les élèves en supprimant la marche arrière initiale que constitue le décodage actuel. Oralement, /b/ et /a/ font bien /ba/, mais en décodage écrit, "b" et "a" (les lettres) ne font pas /ba/ (le son /ba/),  si on a codé les sens bancal, baie, baudrier, bain, etc. C'est uniquement en apprenant à coder par écrit qu'on peut assurer la lecture en retour.

    Tous les enfants qui parlent, même incorrectement, démontrent qu'ils savent coder du sens. Il suffit de les faire coder un sens par écrit pour qu'ils puissent le lire. On peut même penser que bien conduit, un codage du sens direct par écrit pour les sourds pourrait donner de bons résultats. Ils coderaient une ou des images d'oiseaux avec oiseau ou oiseaux et pourraient ensuite évoquer mentalement ce sens en voyant "oiseau", c'est le principe même de la madeleine de Proust !


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