Gabrielle, enseignante en ULIS : Le plus beau métier du monde  

« J’ai toujours voulu être enseignante. Lorsque j’étais petite, je demandais à mes petites sœurs d’être mes élèves durant les grandes vacances, et je préparais déjà des séances du haut de mes 12 ans ! » Gabrielle Kouassi a 23 ans. Oui, 23 ans ! Lauréate du concours de professeur des écoles en 2017, elle est titulaire cette année dans l’académie de Versailles. Son année de formation, elle la passe dans une école élémentaire de Saint-Prix, dans le Val d’Oise. C’est l’occasion pour elle d’expérimenter.  Alors, durant cette année de stage, elle a tâtonné et tenté de mettre en œuvre des méthodes qui lui semblent incontournables pour aider au mieux les élèves, tels que le travail en atelier, la différenciation au plus près du niveau de chacun ou encore le flexible seating.  « Je suis persuadée que ce n’est pas en restant assis sur une chaise de 8h30 à 16h30, en ne faisant qu’exécuter des tâches que l’on apprend efficacement.  Il faut déconstruire cette idée ancrée depuis toujours et réfléchir à comment apprendre efficacement en prenant en compte les besoins physiologiques des enfants. Un enfant a besoin de bouger, d’être motivé pour entrer dans les apprentissages, d’avoir un environnement adapté pour qu’il puisse s’épanouir. La classe est un endroit où il passe une grande partie de l’année, à nous donc de l’adapter au plus près de ses besoins ».

 

Volontaire, désireuse de mener à bien sa mission d’enseignement, Gabrielle n’en reste pas moins interdite lorsqu’elle découvre son affectation au 31 août. Elle est nommée en ULIS - Unité Locale d’Inclusion Scolaire - dans un collège, un dispositif accueillant, dans son cas, des élèves ayant un trouble cognitif. « Ils sont inclus dans leur classe pour les matières Histoire Géo, SVT, sport, musique et arts plastiques avec l’appui de l’AESH. Je les prends en français et en maths pour la plupart du temps. Leurs niveaux varient entre Cycle 2 et Cycle 3 ».

 

Gabrielle nous raconte cette journée où elle découvre avec stupéfaction qu’un jeune enseignant peut être nommé le 31 août sur un poste qu’il découvre, dont il n’a jamais entendu parler lors de sa formation. Elle le fait avec beaucoup d’humour. « Dois-je préciser que l’on m’a nommée sur ce poste sans aucune formation ? C’est un peu comme si vous ne saviez pas nager et qu’on vous jette dans la Manche directement, comme ça, sans vous prévenir, sinon ce n’est pas drôle. Oui, je peux comprendre que c’est le système, et que c’est comme ça, mais j’ai toujours du mal à faire passer la pilule ».

 

Pleine d’enthousiasme, elle nous détaille son ressenti. « Si vous ne savez pas comment cela se passe, laissez-moi donc vous décrire ce moment si … gênant, stressant, révoltant, angoissant. Saviez-vous que quand vous êtes jeunes, et que vous venez de commencer, vous avez peu de chance d’avoir un poste au mouvement ? Donc, on vous convoque la veille de la rentrée pour vous en attribuer un. On vous convoque dans une salle, et vous réalisez que vous n’êtes pas seul dans ce cas -là. Moi, j’étais MAD ASH (nldr mise à disposition sur un poste relevant de la scolarisation des enfants en situation de handicap). Arrivée dans la salle, on vous donne une feuille avec une liste de postes : en IME, ITEP, SEGPA, ULIS. Ai-je été formée pour travailler dans ce genre de structure ? NON. Vient ensuite le moment le plus angoissant. Les personnes présentes dans la salle sont classées par ordre de naissance… Ma première pensée : papa, maman, pourquoi suis-je née en 1995 et pas 1990 ? Peut -être que j’aurais eu un autre poste ? J’ai donc été l’avant dernière. J’ai « choisi » l’ULIS, il ne restait que des postes en ITEP sinon… »

 

Toujours avec le sourire Gabrielle continue de nous raconter sa folle journée. Partagée entre angoisse, colère et appréhension, elle se rend à son collège d’affectation. L’équipe attendait avec impatience la nouvelle « responsable coordinatrice du dispositif ULIS », c’est là qu’elle entend l’intitulé de son poste pour la première fois. « Dans la matinée, j’ai juste su que j’allais travailler dans un dispositif ULIS. Mais de là à être coordinatrice ? Avoir à faire tous les emplois du temps des élèves ? Travailler avec des adolescents ? Faire l’emploi du temps de l’AESH ? Gérer l’orientation des troisièmes ? Remplir des GEVA-SCO (Nldr, Guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation) ? Et j’en passe ! Quelle belle marrade !» La chance de Gabrielle ? Une super équipe qui l’accompagne au quotidien, « ils m’aident beaucoup, et n’hésitent pas à me donner des pistes quand je suis dans une impasse, soit 80% du temps ».

 

Alors, malgré les appréhensions, malgré la nouveauté des missions auxquelles elle n’a pas été préparée, Gabrielle s’est lancée dans l’aventure avec conviction, s’appuyant sur l’expérience d’autres coordonnateurs ULIS. Et la rencontre avec ses élèves, enfin. Ces élèves qui au même titre que tous les autres, ont besoin d’attention, de soutien, d’accompagnement. « J’ai commencé à réellement prendre goût à travailler avec eux, décortiquer mes séances pour qu’ils puissent prendre confiance en eux et réussir ».

 

Gabrielle conclue, « Dur d’encaisser ce nouveau poste, mais finalement au fil des jours ça va de mieux en mieux même si j’ai encore du mal à gérer le dispositif. En réalité, j’aime tellement enseigner, j’aime tellement essayer par tous les moyens d’intéresser ces ados, leur redonner confiance en eux que je suis au final heureuse de travailler dans cette ULIS. Qui l’aurais cru en voyant ma tête le 3 septembre ? Je crois vraiment que c’est ce qui me fait vibrer. J’espère tenir ce discours durant toute ma carrière ». Cet entretien, mené à bâtons rompus, avec une enseignante passionnée et passionnante nous rappelle que malgré les difficultés, malgré un contexte politique difficile, être enseignant reste le plus beau métier du monde…

 

Lilia Ben Hamouda

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 17 octobre 2018.

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