Impossible école inclusive ? 

"L'éducation inclusive ne peut être perçue comme un projet utopique qu'au sens étymologique du terme utopie : qui n'a pas encore eu lieu". Pourtant, en faisant un tour du monde de l'inclusion scolaire, la Revue internationale d'éducation de Sèvres (n°78) montre que l'école inclusive n'existe encore nulle part. L'exclusion existe partout que ce soit celle du genre, du handicap, de la minorité ou des migrants. Pour autant , le revue a le mérite de montrer des pays où l'inclusion va beaucoup plus loin qu'ailleurs. Et là il y a des leçons à prendre.

 

Un bon élève

 

"L'école inclusive est l'échelle micro d'une société inclusive, d'un investissement de tous pour chacun", expliquent Abdeljalil Akkari et Valérie Barry qui ont co dirigé ce numéro 78 de la Revue internationale d'éducation de Sèvres.

 

Mais justement les sociétés ne remettent pas aussi facilement que cela leurs inégalités en question. Et le tour du monde proposé par la revue (Brésil, Laos, Mali, Etats-Unis, Israël, France, Slovaquie, Suisse, Italie) montre qu'il y a des problèmes partout.

 

En France on a  tendance à penser à l'inclusion des handicapés quand on pense inclusion scolaire. L'Italie pense de même et c'est le bon élève de ce numéro. L'inclusion des enfants "à besoins particuliers" y a commencé bien avant nous, comme le montre A Canevaro dans son article, dès les années 1970. Le taux de handicap est  fixé par une institution de santé et donne droit à des aides et pour l'établissement à des "enseignants de soutien". Dans la classe, l'enseignant n'est jamais seul face à un élève handicapé et encore moins face à plusieurs. Il y a plusieurs professeurs pour aider tous les élèves. Les enseignants français apprécieront...

 

L'exclusion des minorités

 

Mais l'inclusion peut porter sur les minorités. Et là le numéro offre plusieurs exemples très intéressants. On pense d'abord aux Etats-Unis avec l'inclusion des élèves noirs. Si la ségrégation scolaire est illégale depuis 50 ans, on est loin de l'inclusion. D J Connor et B A Ferri montrent que les élèves noirs sont encore surreprésentés dans les institutions de l'enseignement spécialisé. Malgré le mouvement des droits civiques il y a peu de changements.

 

D'autres exemples de ségrégation ethnique sont donnés. En Israël Z Bekerman montre l'existence de deux systèmes éducatifs pour les Juifs et les Palestiniens. Chaque école a ses propres récits historiques et il n'y a pas de points de vue communs ce qui est encore plus inquiétant pour l'avenir. Plus près de nous R Luzica et A Segretain montrent une école où les Roms n'ont pas de place en Slovaquie.

 

La ségrégation par le genre

 

Au Laos, Kongsy Chounlamany montre une double ségrégation : par le genre et par l'ethnie. Les minorités, qui sont majoritaires, sont exclues d'une école qui ne connait que le lao. Et les filles le sont également. Le devenir des filles non lao est donc très fortement entravé par un double barrage. Seydou Loua montre aussi les difficultés faites aux filles au Mali. Difficultés qui sont aggravées par l'insécurité.

 

Et la France ?

 

Et la France dans tout cela ? C'est probablement le point faible de ce numéro. Alors que la France est en haut du palmarès des inégalités, la revue n'aborde que la question de l'inclusion du handicap avec un point de vue qui ignore ses difficultés concrètes. En France les enseignants respectent la loi de 2005 d'inclusion scolaire mais il se trouvent souvent devant des difficultés immenses. Pas formés, souvent sans accompagnateurs (eux même d'ailleurs non formés) l'inclusion se traduit pour eux et pour les enfants souvent par des souffrances. Et il ne faut pas compter que ça s'arrange. Le ministère ne prévoit pas des professeurs de soutien comme en Italie mais de diminuer le nombre des AVS qui ne seraient plus attribués  par une autorité de santé mais par l'Education nationale elle même !

 

Mais l'article passe à coté des difficultés d'inclusion sociale et ethnique dans le système scolaire français. Alors que l'absence de mixité sociale est montrée du doigt dans les établissements français , la revue n'en parle pas. Et la discrimination ethnique qui est parfaitement visible dans l'école française est elle aussi passée sous silence. C'est dommage.

 

Penser système

 

Une morale se dégage de ce numéro. Le degré d'inclusion scolaire est relatif à la réduction des inégalités dans le pays. Elles peuvent prendre plusieurs formes. L'Ecole partout défend les valeurs humanistes que les enseignants portent. Pourtant l'Ecole est finalement à l'image de la société qui l'entoure et de ses inégalités. Autrement dit lutter pour l'inclusion passe par une analyse systémique de l'Ecole pour mettre en évidence comment l'exclusion se construit mécaniquement. Cette analyse là aurait mérité d'être développée dans ce numéro.

 

François Jarraud

 

Revue internationale d'éducation de Sèvres n°78

 

Le sommaire

 

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 15 octobre 2018.

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