Une inspectrice égale t-elle un inspecteur ? Pas sur. C'est ce qu'établit une recherche menée par Gilles Combaz (Lyon 2) publiée dans Education & formations n°97. Associant données statistiques et enquête sociologique, il montre que les chiffres sont trompeurs. Si l'égalité semble acquise entre les genres chez les inspecteurs du 1er degré (IEN), leurs carrières s'annoncent bien différentes. Les normes sociales, partagées aussi dans l'institution, relègue dans les postes de second plan les femmes.

Une égalité de façade

En apparence tout va bien. Selon les données officielles, 48% des IEN sont des femmes et elles sont presque à égalité avec les hommes. On remarquera bien sur que leur vivier (les enseignants du 1er degré) sont beaucoup plus féminin (84% des professeurs des écoles sont des femmes). Mais on saluera quand même la performance.

En effet G Combaz rappelle que les inspectrices reviennent de loin. Elles n'apparaissent qu'en 1882 , un demi siècle après les inspecteurs, et en 1891 un décret marque leur inférorité. Elles peuvent s'occuper de la pédagogie des écoles de filles mais n'ont pas leur mot à dire sur la construction de ces écoles ou les contacts avec les maires. Jusqu'en 1989 elles forment un corps à part. En 1970 on ne compte que 9% d'inspectrices, 30% en 1994. 48% aujourd'hui. Encore sont elles minoritaires dans la hors classe de ce corps.

Des profils de carrière différents

Quels mécanismes fabriquent la différence ? G Combaz a enquêté auprès de 36 inspecteurs et inspectrices, à la fois sur leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Il en tire des profils intéressant.

Il en ressort de beaux profils de carriéristes généralement masculin. Des personnes qui ont très peu d'ancienneté comme professeur des écoles et qui vivent le corps des IEN comme un marchepied d'une carrière menée à bride abattue. Monsieur A a 34 ans, 3 ans d'ancienneté comme PE, est IEN et devient IPR durant l'enquête. Quelques femmes se glissent dans le profil comme Madame V, issue d'une grande famille bourgeoise, devenue IEN presque par erreur et nommée dasen adjointe pendant l'enquête. Point commun à ces personnes : le conjoint prend en charge la vie familiale.

Le poids des normes sociales

On va trouver davantage de femmes dans des carrières au démarrage beaucoup plus tardif. Ces inspectrices restent longtemps PE puis conseillères pédagogiques avant de devenir inspectrices quand la situation familiale le permet, c'est à dire quand les enfants sont grands ou que le conjoint décide de prendre plus de participation à la vie familiale.

"En 2015, l’équilibre est quasiment atteint, mais il s’agit d’une féminisation différenciée dans la mesure où les postes les plus valorisés restent principalement occupés par des hommes", conclut G Carraz. "Par ailleurs, l’analyse fine de 36 itinéraires biographiques montre que les carrières masculines sont plus rapides. Et ceci offre des opportunités plus importantes (meilleures rémunérations, promotions plus rapides). Au cours des trajectoires individuelles, la conciliation entre l’engagement professionnel et les responsabilités familiales n’est pas du tout appréhendée de la même manière par les deux sexes. Une majorité de femmes qui ont été interrogées donne la priorité aux dimensions familiales. Cependant, une minorité d’entre elles mettent l’accent sur la progression dans la carrière, y compris lorsque les charges familiales sont lourdes".

Pour G Carraz, " une partie des inégalités observées – notamment à partir des entretiens biographiques – relève de dimensions sociétales qui dépassent le périmètre d’intervention des politiques publiques évoquées. C’est notamment le cas des aspects personnels et familiaux pour lesquels seuls des changements profonds de l’organisation sociale permettraient une réduction des inégalités entre les femmes et les hommes". Une sorte de fatalité ?

François Jarraud

L'étude

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Parité : Les inégalités demeurent à l'éducation nationale