Les évaluations Blanquer remises en question par des enseignants 

Un double mouvement s'amorce par rapport aux évaluations Blanquer. D'un coté le syndicat enseignant SE-Unsa a pris position nettement contre ce dispositf où il voit l'amorce d'un pilotage par les résultats. Il fixe en conséquence des revendications qui permettraient de garder des évaluations diagnostic en empêchant la mise en place d'une machine nationale. De l'autre, de simples enseignants qui ont reçu les évaluations s'indignent des contenus. Ils se sentent en désaccord entre ces évaluations et leurs valeurs pédagogiques. Le syndrome Darcos guette-il Blanquer ?

 

"Le déploiement des évaluations nationales CP/CE1/6e/2de à cette rentrée et l’annonce de probables nouveaux développements dans les années à venir par le ministre sont les révélateurs d’une approche libérale bureaucratique du pilotage de l’Éducation nationale", écrit le Se Unsa dans un communiqué. Le syndicat prend le risque d'expliquer ce qui est en train de se mettre en place mais qui n'est pas lisible directement aujourd'hui . "Cette approche avait été jusque-là prudemment dissimulée, mais depuis les annonces CAP 2022 du Premier ministre et du ministre de l’Éducation nationale cet été, elle est de plus en plus assumée. Sans aucune plus-value pour les apprentissages des élèves et à rebours des attentes des personnels", déclare le Se Unsa dans un communiqué. Le syndicat voit dans les évaluations une tentative d'imposer "le pilotage par les résultats"

 

" Nous disposons déjà de toutes les évaluations dont nous avons besoin", continue le Se-Unsa. "Alors à quoi vont bien pouvoir servir les nouvelles évaluations ?", demande-t-il. "Le ministre impose peu à peu les outils nécessaires au « pilotage par les résultats ». Des évaluations standardisées à l’entrée à l’école élémentaire, au collège et au lycée permettent d’établir une photographie de « l’état initial ». Il sera ensuite possible de calculer « la plus-value » apportée par chaque école ou chaque établissement. Et de rendre ces informations publiques. Alors, les familles qui en ont les moyens économiques et culturels pourront faire jouer la concurrence entre les unités d’enseignement. On pourra également se servir de cette « plus-value » pour attribuer les primes au mérite. Les effets pervers d’un tel système sont bien documentés : réduction de l’enseignement à ce qui est évalué dans les tests, entraînements plutôt qu’apprentissages, triche, stress, perte d’attractivité du métier d’enseignant, creusement des inégalités entre établissements,… Au point que plusieurs pays reviennent en arrière et que l’OCDE incite ses membres à y renoncer."

 

Le syndicat fait trois demandes qui permettraient au ministre de garder ses évaluations tout en écartant ce risque d'un pilotage par les résultats. La première est toute simple : " Le SE-Unsa demande que les évaluations diagnostiques ne fassent pas l’objet d’un protocole national avec remontées nationales mais que le ministère développe les banques d’outils d’évaluation mises à la disposition des équipes. Il s’oppose à la publication de résultats permettant la comparaison entre écoles et établissements".  Au passage le Se Unsa souligne aussi son soutien au Cnesco.

 

" Y a-t-il des collègues qui comme moi ne veulent pas faire passer les évaluations CP ou CE1 ?" La question est posée dans les réseaux par des enseignants et elle arrive aussi dans les réunions syndicales de rentrée dans plusieurs départements. Des enseignants s'indignent de tests qui demandent aux élèves de lire des mots comme paradoxal, hormone, mélatonine ou  glande pinéale. Pour les auteurs des tests lire c'est visiblement déchiffrer. Pour beaucoup d'enseignants c'est comprendre. Et lire des mots qui n'ont pas de sens justement en a un pour le ministère (et aussi pour Agir pour l'école) alors que ça révulse dans leur conception des apprentissage et de l'enfant , beaucoup d'enseignants. Les tests rencontrent leurs premières résistances. Vont-il affronter , comme sous Darcos, leurs premiers désobéisseurs ? Pour le moment ils se comptent mais dans plusieurs départements leur demande arrive dans les syndicats. Le "malaise" des inspecteurs gagne les instits ?

 

F Jarraud

 

Déclaration se unsa

Sur la politique d'évaluation de BLanquer

Malaise chez les inspecteurs

 

Par fjarraud , le vendredi 07 septembre 2018.

Commentaires

  • cedricgfr, le 07/09/2018 à 14:50
    Les syndicats me déçoivent de jour en jour. Ils défendent de plus en plus l'indéfendable. A les écouter, chaque décision ministérielle n'est là que pour desservir les enseignants et les élèves...
    Si notre système éducatif n'est pas fonctionnelle, les syndicats en deviennent de plus en plus responsable. Ce n'est que mon point de vue, mais à force de trouver des excuses aux mauvais enseignants et à refuser toute les propositions qui ne viennent pas d'un syndicat, ils entraînent tout le système vers un échec et vers l'accroissement du privé.

  • Philippe55, le 07/09/2018 à 09:12

    "Les résultats de PIRLS 2016 montrent une nouvelle chute, encore plus importante, du niveau en lecture des écoliers. L'évaluation internationale observe le niveau en lecture de 50 pays de l'OCDE. La France se situe en bas du classement européen en lecture. Seuls la Belgique francophone et Malte font pire que nous en Europe. Pire que ce décrochage par rapport aux autres pays de l'OCDE, nous décrochons par rapport à nous mêmes puisqu'on observe une nette perte de niveau entre 2011 et 2016. Le niveau moyen des élèves de CM1 a reculé depuis PIRLS 2011 et même depuis PIRLS 2001. Ces résultats interrogent la façon dont l'Ecole est gérée." (Café pédagogique)

    Faut-il continuer et ne rien changer pour tenter de briguer la dernière place ?

    La méthode et les outils valent ce qu'ils valent mais il est plus qu'urgent de réaliser un état des lieux national un peu objectif, de mesurer et d'analyser  les difficultés et les progrès, établissement par établissement à tous les niveaux de la scolarité. 
    Ce n'est pas calculer la plus-value par établissement qui est choquant mais le fait de ne pas la calculer, quand l'Etat met autant d'argent pour l'éducation avec des résultats aussi médiocres. 

    De quoi ce syndicat a-t-il donc peur ?

    Personnellement, je préfère le pilotage par les résultats à un pilotage par l'échec, surtout lorsqu'il est aussi massif, sans que le SE-UNSA ne semble se poser de questions sur la part de responsabilité des enseignants dans cet échec massif. Il faut cesser l'autosatisfaction et la politique de l'autruche.

    Il y a des enseignants et des établissements extraordinaires qui ne ménagent pas leurs efforts et ne comptent pas leur temps pour faire réussir leurs élèves quand d'autres se contentent des obligations horaires règlementaires. Serait -t-il si choquant de donner une prime aux premiers ?

    Pour ce qui concerne l'idée d'un refus de faire passer les évaluations, c'est juste scandaleux, illégal  et indigne de la part de serviteurs de l'Etat, payés pour mettre en oeuvre la politique éducative décidée par les élus de la Nation.
    • monique O, le 07/09/2018 à 09:56
      Entièrement d'accord avec vous!
      Sans parler de l'utilisation abusive ou non des résultats d'évaluation nationale , il est absolument indispensable d'avoir une idée objective des compétences des élèves à certains moments de leur scolarité.
      On ne peux pas continuer à ne pas se remettre en question. 
      Maitre E , je souhaite vivement avoir une idée précise des acquis des élèves qu'on me confie. 
      C'est à partir d'outils nationaux qu'on peux être objectif.
      En lecture, par exemple, toutes méthodes confondues, les manuels proposent chacun leurs évaluations .
      or  c'est la source de diversités  dans un domaine où la diversité ne peux pas fonctionner.
      Des élèves , de deux écoles d'une même ville , sont considérés comme lecteurs à partir de critères complètement différents.
      Cependant, il serait peut-être pas mal d'évaluer les pré-requis de la lecture et de la numération  en fin de GS  . 
      cela permettrait d'anticiper les difficultés à l'entrée du cp et de mettre en place des aides adaptées. 
      n'étant pas paranoïaque, à aucun moment je n'ai pensé à l'utilisation que l'état ferait des résultats, je pense que l'état à autre chose à faire qu'attendre des chiffres ..

      En revanche , à partir des résultats de ces évaluations diagnostiques il serait intéressant de mettre en place des remédiations  efficaces. 
      pour cela , pourquoi ne pas solliciter ceux qui ont créé les évaluations?

      Dernière chose, il serait bien que les enseignants disposent des évaluations dés la rentrée afin de pouvoir  les mettre en place sereinement et pas dans la précipitation .Surtout lorsqu'il est prévu des passations individuelles dans des classes chargées  de zones non prioritaires






    • Bernard Girard, le 07/09/2018 à 09:39
      Il ne faut pas faire dire à la dernière enquête Pirls (2016) sur la lecture ce qu'elle ne dit pas. Sur les compétences en lecture, elle montre que ce n'est pas le déchiffrage qui fait problème, mais la compréhension, un objectif complètement négligé par Blanquer, aussi bien dans les instructions dont il bombarde les établissements que dans les évaluations prévues.

      Parler d'"échec massif" ne correspond pas non plus à la réalité des choses (voir par exemple la dernière enquête de la depp sur les compétences en lecture à l'entrée en 6e) et occulte la dimension sociale des difficultés. 

      Comparé au temps d'apprentissage (amputé en outre d'1/2 journée hebdomadaire), le temps consacré à l'évaluation est déjà considérable, sans doute même excessif. L'amplifier encore est un contresens pédagogique. Mais on sait bien que Blanquer a d'autres idées en tête : pour le porte-parole du gouvernement, évaluer consiste à "juger" les profs. C'est bien l'objectif de Blanquer.
      • Philippe55, le 07/09/2018 à 10:37

        "Juger" c'est prendre une décision en qualité d'arbitre (Larousse).
         N'est-ce pas la mission du Ministre responsable de la qualité de l'école devant les français.

        Mais juger peut aussi s'entendre dans le sens d'évaluer et c'est certainement ce que vous voulez dire pour éviter ce mot EVALUER qui semble vous faire si peur ! Mais peur de quoi ???
        Bien que ces évaluations visent prioritairement à évaluer les compétences des élèves, pour un objectif que développe très bien Monique O,  il n'y aurait rien de choquant à ce qu'un employeur veuille évaluer les agents qui sont sous son autorité. Enseigner n'est pas une profession libérale.
        La liberté pédagogique de l'enseignant s'exerce dans le respect des programmes et des instructions du Ministre chargé de l'Education Nationale et dans le cadre du projet d'école ou d'établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d'inspection" (Code de l'éducation Article L912-1-1.)

        Monique O a entièrement raison, c'est seulement ainsi que l'on peut concevoir une pédagogie efficace sans se lamenter sur les heures perdues, mais elle est Maitre E !
        Il faut arrêter de se lamenter et de contester, regarder les choses en face, se retrousser les manches et se mettre au boulot.
        Pour info, je suis enseignant, certes à la retraite !

        • Bernard Girard, le 07/09/2018 à 11:55
          Un rappel à la loi uniquement pour les profs ? Alors commençons à rappeler que la loi s'applique au ministre, en particulier la loi d'orientation de 2013 et les cycles qu'elle a institués : le CP est la 1ère année du cycle 2 (comme la 6e, la dernière année du cycle 3) et le respect de la loi d'orientation impliquerait que les évaluations en tiennent compte, notamment du rythme d'apprentissage propre à chaque élève.

          La question n'est pas d'être pour ou contre les évaluations - les élèves le sont déjà très régulièrement - mais de savoir ce que l'on met dedans et pour quoi faire. Celles prévues par Blanquer ne visent pas à faire progresser les élèves : dans les faits, elles imposent des pratiques, privilégient les rudiments par rapport aux véritables fondamentaux et, in fine, placent constamment les profs sous la surveillance du ministre. 
        • Vincent59, le 07/09/2018 à 11:45
          "Pour info, je suis enseignant, certes à la retraite !"
          J'image que votre travail n'était pas "jugé" à l'aune du niveau de vos élèves. Car c'est bien de cela qu'il s'agit...
          Personne ne remet en cause l'évaluation diagnostique ; c'est son exploitation et ce qu'elle sous-entend en 
          filigrane qui me pose problème. 

           



          • Philippe55, le 07/09/2018 à 14:23
            Je  pense qu'évaluer un travail c'est avant tout évaluer son résultat et non la façon de le pratiquer.
            C'est le grand problème de l'Education nationale où les enseignants  sont évalués essentiellement  sur la conformité de leurs  pratiques pédagogiques et sur le respect des programmes, ce qui est très bien sauf que seuls les résultats comptent. Les enseignants de terminale le savent très bien, leur évaluation c'est le BAC. 
            Lorsque vous allez voir votre médecin ou votre chirurgien vous n'avez que faire de leurs méthodes, vous voulez juste qu'ils vous guérissent ou qu'ils vous sauvent la vie.

            C'est valable dans presque tous les métiers, à l'exception peut-être de certains secteurs de la fonction publique qui ont développé une culture  qui a tendance à considérer que l'efficacité et la performance ne seraient pas des notions respectables et qui par voie de conséquence réfutent aussi la notion de mérite.
      • monique O, le 07/09/2018 à 10:02
        Juger les profs?  comment ça? 
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