Terra Nova veut en finir avec le bac national  

Think Tank proche du pouvoir, Terra Nova a largement inspiré la réforme du bac décidée par JM Blanquer avec un rapport publié en 2016. Deux ans plus tard, un nouveau rapport souligne la déception de Terra Nova. Le think tank se plaint du maintien d'un nombre important d'épreuves et du caractère national du bac au moins partiellement.  Il invite le gouvernement à oser le diplôme d'établissement au nom de la lutte contre les inégalités...

 

La suite du rapport de 2016

 

"Le projet de réforme tel qu’il apparaît aujourd’hui ne permettrait pas un changement significatif, apte à le transformer suffisamment pour lui redonner un rôle vraiment utile... Les projets en cours au ministère pour la mise en oeuvre concrète de la réforme maintiennent à ce stade la perspective d'un baccalauréat très lourd, poursuivant trop d'objectifs contradictoires et qui garde le fétiche de l'examen national comme un objectif indépassable, au détriment des véritables finalités", estiment Martin Andler, professeur à l'université de Versailles, Armelle Nouis, proviseure, Marc Olivier Padis, directeur des études de Terra Nova, , Régine Paillard et Françoise Sturbaut, proviseures, dans un nouveau rapport publié le 18 juin.

 

Tous cinq ont publié en juin 2016, avec Jérome Ferrand, un rapport portant les principes de la réforme du bac conduite par JM Blanquer. "La réforme du baccalauréat que nous proposons suit des objectifs simples : alléger le dispositif de l’examen ; repenser une validation des acquis adaptée aux besoins des élèves et aux capacités de l'institution ; aider davantage les élèves à construire leur parcours en accompagnant mieux leur orientation et en préparant l'accès au supérieur".

 

Des critiques recevables

 

Plusieurs des critiques portées par ce rapport sont parfaitement recevables. Ainsi le rapport souligne "l'allègement apparent" des épreuves du bac. " Le nombre d'épreuves sera en réalité plus important puisque les épreuves de spécialités, pour 6 d’entre elles sur 11, sont évaluées sous deux formes : écrit et oral ou écrit et pratique. Les épreuves de capacités expérimentales, qui mobilisent tout le département scientifique des établissements pendant trois jours, ne disparaissent pas", expliquent les auteurs.

 

" Si les épreuves finales ne sont pas vraiment allégées au bout du compte, il y a en revanche un net alourdissement du côté des épreuves de contrôle continu. En effet, dès la classe de Première, les élèves devront passer deux groupes d’« épreuves communes », au cours des 2e et 3e trimestres, comptant pour le bac. En terminale, un groupe d’épreuves communes de contrôle continu interviendra au début du 3e trimestre de terminale".

 

Au final, le rapport compte 8 épreuves terminales et 18 épreuves de controle continu, sans compter l'EPS. Et la critique de l'alourdissement du nouveau bac se tient.

 

Un sophisme pour instaurer la concurrence

 

Mais ce que vise surtout le rapport c'est que cet alourdissement résulte du maintien d'une certaine dose de caractère national au bac. " La nouveauté est qu'il s'agit d'épreuves nationales : les sujets sont élaborés sous l’autorité du ministre (ce qui signifie, comme aujourd’hui, des profs concepteurs et des profs cobayes et l’implication des inspections) ; les sujets seront centralisés dans une banque numérique ; une convocation nominative sera adressée à chaque candidat par le chef d'établissement ; les copies seront anonymisées ; les corrections seront assurées par des correcteurs externes aux élèves ; une commission académique procède à l'harmonisation des notes", s'insurge le rapport. " Ce système va étendre la logique de bachotage à l'année de Première qui sera dominée par ces rendez-vous", ajoute avec raison le rapport.

 

"On pouvait imaginer que chaque établissement définisse son protocole pour le contrôle continu". Le rapport justifie sa volonté de faire du bac un diplôme d'établissement par le souci de lutter contre les inégalités. " Le contrôle continu peut, à la marge, s’adapter aux publics des établissements et faciliter la réussite pour les élèves des lycées plus fragiles. Les mêmes épreuves pour tous conduiraient ces établissements à afficher des résultats moins bons pour leurs élèves et ceux-ci, de fait, auraient moins de possibilités dans parcoursup", expliquent les rapporteurs.

 

Ce sophisme est démonté par le Cnesco. En réalité c'est le maintien d'un examen national avec une gamme variée et importante d'épreuves qui lutte conte les inégalités. Si l'examen est réduit à 3 ou 4 épreuves, comme E Macron le souhaitait au départ, tous les établissements fixent un niveau commun que sur ces épreuves. Quand au contraire on a une large gamme d'épreuves, tous les établissements, faibles ou forts, sont obligés de tenir compte du niveau national attendu. Pour les établissements forts ce niveau pourra être jugé avec dédain. C'est ainsi que le bac est vu par les rapporteurs qui parlent d'un "rite majeur de nitre dramaturgie scolaire". Pour les établissements populaires, le diplôme national est un horizon qui pousse le niveau vers le haut. Le maintien de ce baromètre externe est indispensable à la lutte contre les inégalités scolaires contrairement à ce qu'affirme le rapport.

 

Un rapport ultra libéral

 

Le rapport attaque un autre objectif raté de l'offensive libérale sur l'école. " Le choix du trimestre signifie qu’on conserve une organisation annuelle des enseignements... La semestrialisation permet de maintenir des acquis étendus, tout en permettant, aux élèves, à chaque semestre, de se concentrer sur un nombre plus étroit de matières". Le rapport Mathiot proposait cette semestrialisation qui finalement a été repoussée. Le semestrialisation, demandée aussi par la Cour des comptes avec acharnement, est surtout un moyen d'économiser des postes en augmentant le temps de travail des enseignants de façon significative. La Cour des comptes en a déjà calculé les gains.

 

Ce nouveau rapport de Terra Nova reste fidèle aux orientations libérales du premier rapport. Elles s'affichent maintenant plus ouvertement. Ce que vise le rapport c'est la destruction du bac comme repère national et la concurrence généralisée entre lycées de façon à assurer le tri des élites. Les réformes portées par JM Blanquer avancent bien dans cette direction. Et le futur bac sera bien moins national que l'ancien, par exemple parce que les correcteurs du controle continu seront choisis dans l'établissement. Si JM Blanquer n'est pas allé plus loin c'est sans doute parce qu'il n'a pas pu. Le rapport de Terra Nova l'invite à aller plus loin dans la casse de l'éducation nationale.

 

François Jarraud

 

Le nouveau rapport de Terra Nova

Le rapport de 2016

 

 

Par fjarraud , le mardi 19 juin 2018.

Commentaires

  • caroudel, le 19/06/2018 à 08:48
    - Vous venez de quel établissement ?
    - De "bisnèscol"
    - Très bien, vos notes sont augmentées de 2 points.
    - Et vous ? 
    - De "popcol"
    - Vous êtes "surnoté", on vous enlève trois points...
    Qui emportera un poste de travail ?
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