Bac : La démocratisation arrêtée 

Avec 750 000 candidats, le bac 2018, qui commencera le 18 juin, semble atteindre le record de la démocratisation. Pourtant la proportion de bacheliers dans une génération s'est stabilisée. Et la remise en question de l'égalité entre les bacs avec la réforme de l'accès au supérieur pourrait bien entrainer sa baisse. L'effort de démocratisation éducative est arrêté.

 

 

Les médias ont largement commenté l'âge du plus jeune des candidats au bac (11 ans). Ils ont aussi souligné le nombre record de candidats : 753 000, lié au boom démographique de l'an 2000. Pourtant en 2017 l'objectif des 80% de bacheliers dans une génération, fixé en 1985, n'était toujours pas formellement atteint avec 79%. Et depuis 2012, tout se passe comme si ce taux était infranchissable.

 

Le bac pro moteur de la démocratisation du bac

 

 

 



Depuis 1987, et la première session du bac pro, la France a connu une hausse importante du taux de bacheliers dans une génération. On est passé de 30% à 79% grâce au développement du bac professionnel, le bac général n'ayant connu qu'une très lente progression.

 

Entre 1987 et 1995, le développement des bacs pros fait doubler le taux d'accès au bac , de 30 à 60%. Puis, de 1995 à 2008, on entre dans un long palier où ce taux se stabilise autour de 62%. C'est la mise en place du bac pro en 3 ans qui permet à nouveau une progression. On gagne 16 points de 2009 à 2012.

 

Le nouveau bac pro réalise l'égalité promise entre les bacs. Pour beaucoup de jeunes c'est la possibilité d'avoir un bac offrant le même droit d'accès au supérieur après une formation de même durée que les autres bacs mais dans un contexte pédagogique différent, plus adapté à beaucoup de jeunes. Vincent Troger a bien montré que les effets de cette réforme rendant pour la première fois , le bac pro attractif.

 

De 1995 à 2010 on passe de 67 000 à 119 000 bacheliers professionnels. De 2010 à 2014, nouveau doublement, leur nombre se hisse à 190 000. Depuis leur nombre s'est stabilisé. Au bac 2017, on compte 180 000 bacheliers professionnels.

 

C'est bien le bac professionnel qui a porté la démocratisation du bac depuis plus de 30 ans. Le nombre de bacheliers généraux reste quasiment stable depuis 20 ans. En 1995 on comptait 287 000 bacheliers généraux. En 2010 ils étaient 279 000. C'est seulement depuis 2015 qu'on constate une légère hausse. On passe à 317 000 bacheliers généraux en 2015 et 337 000 en 2017. Une progression lente par rapport aux bacheliers professionnels. Les filières technologiques ont régressé sur cette période. On comptait 153 000 bacheliers technologiques en 2000. Il n'y en a plus que 128 000 en 2017.

 

C'est donc à un éclatement des bacs que l'on assiste entre un bac général qui reste stable et un bac professionnel en hausse rapide. Les écarts entre ces deux familles de bacs augmentent en même temps qu'ils se creusent à l'intérieur de chaque famille. Autrement dit la hiérarchisation des bacs avance encore plus vite que la massification.

 

Des bacs marqués socialement

 

Qu'est ce qu'un bac général ? Un bac général est d'abord caractérisé par un fort taux de réussite. En 1995 75% des candidats étaient reçus. Aujourd'hui c'est 89 % avec de très faibles différences entre filières. De plus en plus un bac général est un bac S. Il y avait 139 000 bacheliers S en 1995, ils sont maintenant 177 000. Le bac ES a légèrement augmenté passant de 77 000 en 1995 à 108 000 en 2017. Le bac L est en voie d'extinction : il y avait 71 000 bacheliers littéraires en 1995, ils ne sont plus que 52 000 en 2017. Les bacs technologiques ont aussi beaucoup régressé, on l'a vu. Ils se comportent maintenant comme les bacs généraux : fort taux d'admission 89% au total, 91% en STI2D, 87% en STMG et ST2S.

 

A l'intérieur de cet ensemble général et technologique on assiste à une différenciation par le genre. 55% des bacheliers S sont des garçons quand 79% des L sont des filles. 91% des bacheliers de St2s sont des bachelières quand ce n'est que 7% des Sti2d.

 

Enfin le bac général a une forte coloration sociale. Sur les 20 000 enfants de professeurs qui ont été admis au bac en 2016, 17 000 ont eu un bac général. Chez les cadres c'est le cas de 112 000 jeunes sur 145 000 bacheliers. Seulement 35 000 enfants d'ouvriers sur les 104 000 admis au bac ont eu un bac général.

 

Une remise en question avec les réformes

 

On a vu que la démocratisation du bac était portée par le droit d'accès au supérieur offert par le bac professionnel. C'est le principe d'égale dignité des bacs assumé par l'Etat depuis 1985. Principe qui s'est matérialisé dans la montée constante des bacheliers professionnels vers le supérieur. En même temps, l'Etat développait des filières adaptées : les BTS et les licences professionnelles.

 

Cette promesse est maintenant remise en question. D'une part la croissance des places proposées en BTS ne suit plus la montée des bacheliers professionnels. Pour près de 70 000 bacheliers professionnels qui demandent une place en BTS, la filière du supérieur où ils ont un taux de réussite correct, seulement 37 000 sont admis. Environ 14 000 s'inscrivent en université faute de mieux. Le reste enterre immédiatement ses rêves.

 

Non seulement Parcoursup dès cette année semble laisser massivement les bacheliers professionnels en attente ou en refus, comme le montrent de nombreux sondages. Mais la réforme du bac professionnel multiplie les obstacles à la poursuite d'études. La baisse des horaires de l'enseignement général va rendre encore plus difficile leur adaptation dans l'enseignement supérieur. Toutes les études montrent qu'on aurait du revoir le référentiel à la hausse et non l'abaisser encore. Sur ce plan, l'absence d'une seconde langue dans la moitié des bacs pro est significative. Mais le nouveau bac va carrément trier en terminale entre les bacheliers poursuivant des études et ceux qui entreront dans la vie professionnelle. Ce tri avant le bac justifiera ensuite les refus de Parcoursup. Il stigmatisera davantage les bacheliers professionnels, seule catégorie de bacheliers où la poursuite d'étude ne va pas de soi.

 

Des inégalités territoriales...

 

Dernière inégalité, on observe de fortes différences régionales dans l'accès au bac. L'espérance d'avoir le bac pour un élève de sixième varie de 54 % en Guyane à 82% à Versailles et Paris. Le taux d'accès dans les territoires ultra marins est nettement inférieur à ceux de la métropole : 75% en Guadeloupe, 79% en Martinique mais 67% à La Réunion et 63% à Mayotte. Des différences importantes existent aussi en métropole : 71% en Bourgogne ou dans les Hauts de France, 72% en Provence Alpes Côte d'Azur, 73% en Normandie, quand on dépasse 80% en Bretagne ou Ile de France.

 

A celles des prénoms

 

Le résumé visible de cette démocratisation arrêtée se lit dans les prénoms des bacheliers porteurs d'une mention très bien. Pour avoir une mention très bien en 2017, il fallait s'appeler Louise, Adèle, Joséphine, ou Théophile, Alex ou Jean-Baptiste. Pour avoir très peu de chances de décrocher cette mention, Mohamed, Mehdi, Yassine, Anissa, Deborah ou Cindy faisaient l'affaire...

 

François Jarraud

 

Les prénoms du bac 2017

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 14 juin 2018.

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