Formation continue du premier degré : Un rapport pour une reprise en main 

" Le constat est manifeste de la difficulté des dispositifs actuels à répondre aux attentes des professeurs". Le ministère publie un rapport de juin 2017 réalisé par les inspecteurs généraux  Yves Cristofari, Patrick Le Pivert et Pierre Lussiana sur la formation continue des enseignants du premier degré. Très lucide sur le désolant état de la formation continue, le rapport défend l'idée d'une formation continue plus proche des demandes des enseignants. Mais il envisage d'instaurer une obligation de formation de 5 jours et de lier la formation à l'évaluation des enseignants. Ancien conseiller de Gilles de Robien, Yves Cristofari est devenu chef de service de l'instruction publique et de l'action pédagogique à la Dgesco. Et il semble avoir oublié une partie du rapport.

 

Une gouvernance top down

 

 La formation continue dans le premier degré repose en grande partie sur les 18 heures de formation pédagogique obligatoires instituées en 2008 auxquelles peuvent s'ajouter des formations sur convocation.

 

Le rapport critique vertement le pilotage de la formation continue. Il évoque " une gouvernance de cette politique plutôt forte et de type « top-down », non seulement dans ses priorités mais également dans ses modalités de mise en oeuvre", explique le rapport. "L’attente d’un pilotage moins prescriptif et plus adapté à la mise en oeuvre des dispositifs liés aux projets locaux se manifeste sans ambigüité au niveau des acteurs de terrain".

 

Des budgets insincères

 

Le rapport critique aussi la gestion de la formation avec une budgétisation insincère et une incapacité à dépenser les crédits faite de remplaçants. L'évolution des crédits montre de 2012 à 2016 une hausse de 43% des crédits (23 millions en 2017) mais une baisse de 8% des crédits consommés. En 2016 18 millions étaient inscrits dans la loi de finances mais seulement 11 ont été consommés faute de remplaçants.

 

Cela alors que les crédits servent aussi à régler d'autres dépenses comme le révèle le rapport. " Les bilans de consommation sont peu fiables, en ce sens que certaines dépenses ne relevant pas de la formation continue sont en réalité imputées sur le budget dédié à cette dernière. À titre d’illustration dans une des académies, dont le bilan apparaissait assez atypique, ce sont près de 15 % des crédits consommés qui correspondent à des dépenses qui manifestement auraient dû s’imputer sur un autre BOP", dit le rapport.

 

La sous consommation n'empêche pas que les enseignants n'arrivent pas à se faire rembourser leurs frais. Les directions académiques estiment que c'est trop de travail pour des remboursements d'un montant trop faible.

 

L'outil de pilotage national, Gaia, n'échappe pas à la critique. Comme il est de peu d'utilité au niveau local , il est souvent mal ou pas rempli dans les circonscriptions. Cela continue à fausser le regard de la centrale : des progressions locales de la formation continue résultent souvent simplement d'une meilleure saisie...

 

Des formations sans lien avec les besoins

 

Mais c'est surtout l'inadaptation de la formation aux attentes des enseignants qui est pointée. Et là le rapport mouille aussi les formateurs et précisément les ESPE trop absentes de la formation continue. " L'adaptation de la formation aux besoins des bénéficiaires est le parent pauvre du dispositif. Majoritairement utilisée comme outils de pilotage des réformes ou comme réponse à des priorités nationales, la formation n’est pas perçue par le professeur comme construite pour lui.. Si les thèmes de formation sont, le plus souvent, reconnus comme intéressants, les contenus de la formation elle-même déçoivent en raison de la difficulté des formateurs à partir des activités professionnelles existantes... le constat est manifeste de la difficulté des dispositifs à répondre aux attentes des professeurs. C'est d'abord la conséquence d'une gouvernance et d'un pilotage qui se sont progressivement éloignés des attentes du terrain. C’est aussi un manque de renouvellement, aux yeux des professeurs des écoles, des contenus et des modalités de la formation. L’absence de réseaux de formateurs mieux constitués et mieux formés est également en cause".

 

Le rapport signale l'absentéisme des enseignants aux 18 heures de formation obligatoires, la concurrence entre ces heures et les heures d'information syndicale.

 

Des préconisations qui renforcent la verticalité

 

Et là on touche le glissement vers le top down du rapport. Bien que réclamant une formation continue plus en accord avec les attentes des enseignants ("recueillir systématiquement les besoins de formation auprès des professeurs" et " privilégier des parcours de formation conçus à partir de l’expérience professionnelle"), le rapport préconise des mesures qui verticalisent un peu plus la formation continue.

 

Ainsi il recommande "d'instaurer une obligation de formation effective de trois à cinq journées par an avec, dans le cas d’une formation hors ORS, la prise en charge d’une indemnité de formation". Surtout il veut "rendre certaines formations qualifiantes et/ou certificatives sur les compétences" et faire en sorte qu'elles soient prises en compte pour les affectations.

 

Le rapport préconise aussi de " libérer l’organisation de la formation de la contrainte du remplacement assurée par les brigades de remplacement en mobilisant les étudiants de M1 en stage de responsabilité, en recrutant des contractuels alternant et/ou en programmant les stages hors temps scolaire"

 

Depuis ce rapport, la Dgesco a défini nationalement ce que sera le contenu des 18 heures et enjoint aux inspecteurs de la mettre en place. La formation continue est conçue pour transmettre la doxa officielle sur la lecture ou les maths. La publication de ce rapport, un an après sa rédaction, ne préjuge donc pas d'un rapprochement avec les besoins du terrain. C'est plutôt le signe d'une forte reprise en main.

 

François Jarraud

 

Le rapport

Le ministère met au pas la formation continue

 

 

Par fjarraud , le lundi 11 juin 2018.

Commentaires

  • stephan, le 12/06/2018 à 06:24
    La formation continue..ra donc à se faire attendre. 
    par quel mystère ne trouve t'on pas de solution simple à ce problème? 
    on pourrait imaginer : 
    -fermer les écoles un ou deux jours, pour que les enseignants se retrouvent en formation : exit le problème des remplaçants; (ça se fait dans le secondaire)
    -et/ou demander que la journée de solidarité  soit consacrée à de la formation. 
    pour ce qui est de la qualité (assez inégale...) des formateurs, parfois très loin du terrain: les experts en bonnes pratiques ne manquent pas à l'éducation nationale, cela s'appelle des enseignants expérimentés, je pense qu'on en trouve un peu partout!
    Il suffirait que les IEN aient comme mission de regarder ce qui se fait d'intéressant dans les classes (je parle du primaire), et hop! , on fait de la formation "pair to pair" sans difficulté et avec une garantie d'avoir du "concret".
    Il faudrait juste abandonner ce que vous appelez la "gouvernance top-down"...
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