L'école du socle, c'est l'école de demain ? 

"Vers l'école de demain : les professeurs de l'école du socle commun". Au-delà de l'allusion au dernier livre du ministre, ce nouveau numéro de la revue Administration & éducation prend nettement position pour "l'école di socle", c'est à dire l'école fondamentale allant de la maternelle à la fin du collège. Et elle apporte des arguments à l'appui de cette thèse qui semble toute acquise. On voit par exemple cette école fonctionner à l'étranger ou en France. On devine aussi l'enrichissement qu'elle peut apporter aux enseignants. Mais la revue montre aussi l'importance des obstacles à vaincre. Notamment chez les enseignants, sous le regard des sociologues J Lebeaume et G Farges. Mais aussi, involontairement sans doute, chez les politiques tant la nef de l'école du socle porte aussi d'aspirations aux régressions statutaires...

 

Ecole du socle ou école divisée ?

 

 En introduisant ce numéro qu'ils ont co-dirigés, Viviane Bouysse et Philippe Claus (IG) montrent toute l'ambiguïté de l'école du socle dans le système éducatif français. "L’organisation pédagogique et didactique doit être pensée de manière concertée dans un cadre où chaque entité administrative conserve ses principes de fonctionnement, où les enseignants du premier et du second degrés conservent leurs modalités de travail et leurs obligations réglementaires de service traditionnelles, où la formation initiale des corps concernés reste distincte avec deux mentions différentes qui qualifient les masters requis pour entrer dans le système éducatif. Comment assurer la continuité et la cohérence du parcours scolaire si les enseignants qui en ont la responsabilité ne partagent pas les mêmes valeurs éducatives, les mêmes références relativement aux possibilités et aux modalités d’apprentissage des élèves ?" Et tout au long du numéro on va naviguer entre des approches très favorables à l'école du socle et l'analyse des freins.

 

L'expérience d'une classe de cm2- 6ème

 

Un des meilleurs exemples c'ets quand on peut montrer l'école du socle qui fonctionne. La revue va voir comment ça se passe en Belgique et en Suisse. Mieux , Yves Zarka interroge des enseignants qui, à Villetaneuse, ont monté une classe commune cm2 -6ème. C'est bien une seule classe avec des enseignements parfois séparés , parfois simultanés. Les Cm2 passent 5 demi-journées par semaine au collège. L'expérience a fait évoluer les pratiques pédagogiques des enseignants dans les deux sens. Par exemple en maths le professeur a introduit plus de manipulation en 6ème. Mais évidemment cela a posé bien des problèmes au collège et à l'école et aussi aux collectivités territoriales.

 

Dans un autre article, Viviane Bouysse montre l'intérêt d'avoir l'école maternelle dans l'école du socle à travers ses apports particuliers : " l’importance de la séquence « manipulation – représentation – symbolisation – formalisation » pour l’accès à certains concepts ; la didactique du langage oral...; la gestion d’une classe qui ne fonctionne pas en permanence comme un collectif qui regarde et écoute le maître", par exemple.

 

Un corps enseignant trop divisé ?

 

Mais Administration & éducation ne passe pas sous silence les difficultés. Il faut lire l'article de Géraldine Farges où elle montre que malgré tous les efforts pour rapprocher les corps enseignants du premier et du second degré (par exemple l'alignement indiciaire des PE et des certifiés), malgré la masterisation pour tous, les cultures des corps restent bien différentes. Pire, " en dépit des réformes, de nouveaux clivages s’ajoutent aux anciens, de sorte que le rapprochement institutionnel et la « culture commune » dont il devrait être porteur, paraissent pour l’instant limités". Une enquête menée aupèrs de 1800 enseignants montre que les deux groupes professionnels se cotoient peu et ont des sociabilités différentes.

 

Joël Lebeaume montre la problématique à laquelle se heurte l'école du socle. Elle nécessite  un rapprochement des identités enseignantes alors que les mondes enseignants sont d eplus en plus hétérogènes. " L’école du socle renouvelle la thématique de la dynamique de la formation des professeurs car elle impose un croisement des spécialités des corps professoraux sans pour autant envisager une professionnalité unifiée qui ne s’inscrit pas dans les identités sociales et professionnelles fortement enracinées dans l’histoire du système éducatif français".

 

L'école du socle une arme contre le statut ?

 

Frédéric Reiss, député Les républicains, n'argumente pas en la faveur de l'école du socle quand il montre qu'elle va enfin permettre d'atteindre des objectifs gestionnaires. Pour lui l'école du socle c'est d'abord l'annualisation des services, la redéfinition du temps de présence des enseignants dans les établissements, la création de directeurs qui soient des supérieurs hiérarchiques. Et ce n'est pas ce qui peut rendre cette école positive, c'est à dire l'effort fait pour faire réussir tous les enfants dans une grande école pour tous. Pour F Reiss il faut cesser de "se préoccuper des points faibles" et plutot renforcer les établissements d'élite...

 

Des obstacles au quotidien

 

En conclusion, V Bouysse et P Claus estiment que " L’histoire de la liaison CM2-6e, sur quarante ans maintenant, s’apparente à « un rodage à perpétuité »... Les obstacles à la fluidité de la continuité école-collège et de la coopération entre les professeurs des deux niveaux sont pour partie structurels et organisationnels... Au rang des obstacles, comptons aussi le sentiment de moindre urgence qui s’attache aux nécessités de travailler à l’échelle du temps jugé long d’un cycle, quand le quotidien affronte aux difficultés de faire progresser des élèves dont on peine à comprendre ce qui les freine voire les bloque.. Les obstacles tiennent aussi aux identités professionnelles qui structurent les personnes : chez chacune, il y a ce qu’elle est, la manière dont elle se voit, dont elle se « veut » et, souvent, la difficulté à exposer ses pratiques, ses choix, ses failles et ses réussites. Par delà la proximité des classes et la familiarité qui peut s’établir dans les salles des professeurs, par delà les affinités parfois, il y a souvent une méconnaissance de l’autre comme professionnel ". C'est su r ce terrain là aussi que les deux coordonnateurs souhaitent voir les choses bouger.

François Jarraud

Administration & éducation, Vers l’école de demain : les professeurs de l’école du socle commun, AFAE, 2018 n°2.

 

 

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 05 juin 2018.

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