Marie Gabriel : Ma classe avec Montessori et quelques autres... 

"Il n'est pas question de relire Montessori pour retourner en arrière, mais de s'en saisir afin d'en faire une pédagogie toujours active et vivante, qui réponde aux besoins et aux attentes d'aujourd'hui". C'est une pédagogie Montessori qui ne ferme pas la porte aux autres courants et aux nouvelles connaissances que nous propose Marie Gabriel, professeure des écoles puis formatrice, dans un petit livre fort intéressant "S'inspirer de la pédagogie Montessori pour faire classe" (Retz). Pas d'enfermement rigide dans la pensée de Maria Montessori. Dans un petit livre qui est en fait une sorte de manuel, Marie Gabriel garde le point sur Montessori tout en visitant d'autres territoires. Un voyage qui ne laisse pas insensibles les enseignants du premier degré.

 

 "L'oeuvre de Maria (Montessori) m'a accompagnée , pas à pas. Mon travail de chaque jour en classe prenait en compte les lectures de la veille, mes réflexions de la nuit. J'ai expérimenté, tâtonné, cherché. Je ne me suis pas contentée d'appliquer. J'ai tenté de comprendre les points de résistance, les blocages, de chercher ailleurs des éléments d'analyse des réussites et des échecs".

 

Quel enseignant ne se reconnaitrait pas dans cette image du chercheur tâtonnant , construisant sa pédagogie au jour le jour en fonction de ses besoins ? Cette image, qui ouvre "S'inspirer de la pédagogie Montessori pour faire classe" (Retz),marque aussi l'honnêteté de Marie Gabriel. A aucun moment elle ne se statufie en gardienne du temple montessorien. Elle ne se revendique pas "adepte inconditionnelle". Ni croyante ni affidée, M Gabriel vit avec Montessori dans les pieds sur le plancher de la classe, le coeur du coté de la République et de ses valeurs, la tête dans ses connaissances en éducation, qui sont fort vastes.

 

Son livre nous évite l'exposé béat de la doctrine de M Montessori. Il nous emmène droit en classe avec ses difficultés bien françaises : les inégalités , les classes hétérogènes, l'éducation à la citoyenneté, pour mettre en valeur les apports de M Montessori.

 

Point fort de Montessori pour M Gabriel : la construction d'une ambiance de classe apaisée par le développement de la discipline intérieure, une approche d'autant plus nécessaire que l'enfant est difficile à gérer. C'est son développement moral que vise l'ouvrage. Oui mais comment faire ?  Dans la classe, M Gabriel emprunte à différents courants  pour faire passer l'idéal Montessori. Messages clairs, ceintures de comportements, conseil d'élèves, un melting pot où Maria retrouverait certainement les siens.

 

Mais l'ambiance de classe ne fait qu'un avec l'enseignement. Là aussi M Gabriel part de la conception montessorienne de la posture enseignante sans s'y enfermer. Il n'est pas question de rupture mais "de déplacer le curseur", entre le collectif et l'individuel, le travail par projets et la tache scolaire. "Le travail de l'enseignant c'est de choisir, c'est à dire d'accepter de renoncer, de rendre cohérents ses choix... Préparer la classe est un vrai travail".

 

Il faut lire les page consacrées aux conceptions de l'apprentissage pour entrer vraiment dans ce qui fait l'originalité de la pensée de M Montessori. Mais là aussi M Gabriel y ajoute des apports plus récents comme l'enseignement explicite.

 

On trouvera ensuite des conseils pour gérer l'emploi du temps (en tenant compte des rythmes biologiques), organiser spatialement sa salle de classe,  grouper les élèves, évaluer. De longs chapitres sont consacrés à l'apprentissage initial de la lecture et l'écriture, à la compréhension, à la production d'écrits, à la numération et au calcul.

 

A la fin du livre, on a ainsi fait un tour d'horizon de la classe et du métier enseignant. On a beaucoup appris et cela bien au delà de Montessori. Marie Gabriel nous fait profiter de sa compréhension fine de M Montessori mais aussi de ses années de pratiques enseignantes et de sa connaissances des apports des autres pédagogie. Elle partage aussi avec nous ses convictions et sa défense d'une école authentiquement républicaine c'est à dire du coté des enfants et de ceux qui ont le plus besoin d 'elle.

 

François Jarraud

 

Marie Gabriel, "S'inspirer de la pédagogie Montessori pour faire classe", Retz, 2018, ISBN 978-2-7256-3640-5

 

 

Marie Gabriel : Adapter Montessori à l'école française d'aujourd'hui

 

Quelle est l'originalité du livre de Marie Gabriel "S'inspirer de la pédagogie Montessori pour faire classe" (Retz) ? La volonté de prendre l'esprit de la pédagogie Montessori pour l'actualiser dans l'école d'aujourd'hui. Marie Gabriel explique comment elle s'y prend.

 

Votre livre ne veut pas juste nous livrer les idées de Maria Montessori. Vous dite qu'il faut les adapter au contexte français. Et aussi les adapter à l'éducation nationale. Que voulez vous dire ?

 

 M Montessori était italienne. Et cela induit des choix pédagogiques qui parfois s'adaptent mal à notre école. Par exemple l'italien est une langue beaucoup plus transparente que le français. Toutes les phonèmes s'entendent et s'écrivent. Ce n'est pas le cas chez nous. On a le même problème avec la numération où le français multiplie les formules (par exemple on passe de quarante, cinquante à quatre vingt dix).

 

La pédagogie Montessori est bien aujourd'hui une pédagogie alternative intéressante. Mais on ne peut pas l'amener comme cela en classe comme elle a été écrite il y a un siècle. L'école a aussi ses programmes, ses contraintes que les enseignants doivent respecter. Il y a donc des adaptations à faire et c'est tout l'objet de mon livre. Ma vision est celle d'un éclectisme pédagogique. Je prends dans Montessori des choses intéressantes. Mais je ne m'interdis pas d'emprunter aussi ailleurs.

 

Un exemple de tension entre Montessori et l'éducation nationale ?

 

On peut prendre par exemple la répartition des élèves dans les classes. M Montessori avait imaginé une classe pour les 3 à 6 ans pour apprendre les fondamentaux. Chez nous l'école maternelle s'arrête avant 6 ans et c'est l'élémentaire qui commence.

 

Ne pas brasser les élèves d'âge différent c'est un handicap ?

 

On les brasse dans notre système éducatif mais pas comme Montessori le souhaitait et pas dans la même optique. Chez nous le brassage est le plus souvent une contrainte.

 

On trouve dans le livre différents courants pédagogiques et pas seulement Montessori. Pourquoi ?

 

C'est vrai il y a des apports différents. Ce qui reste vraiment de Montessori c'est le rapport à l'élève , la confiance posée en lui. C'est pour cela que le livre commence par un chapitre sur l'ambiance en classe. C'est un préalable. Il y a aussi le rapport  aux sens, comme le toucher. Voilà une différence avec Freinet par exemple. Ou encore le fait de laisser le choix à l'élève dans son apprentissage.

 

Mais alors c'est un livre sur Montessori ou un manuel pédagogique "à la Gabriel" ?

 

Tout simplement il n'est pas possible de ne garder qu'un seul modèle pédagogique dans le système actuel. Il faut tenir compte des contraintes des programmes. Ils abordent des points que M Montessori n'aborde pas comme par exemple la compréhension ou la résolution de problèmes, des sujets dont on parle beaucoup.

 

Il y a eu aussi des avancées didactiques et pédagogiques depuis Montessori. Il n'est pas question de revenir en arrière. Il faut composer avec ce qui est intéressant ailleurs.

 

Un enseignant seul peut-il mettre en oeuvre une pédagogie basée sur Montessori dans son école ?

 

C'est toujours mieux de travailler en équipe. Mais il est possible de mettre en place des aspects en expliquant aux parents et aux collègues ce qu'on fait. Ils sont souvent prêts à l'entendre. Il faut aussi éviter de vouloir embrigader tout le monde et garder confiance dans les collègues.

 

L'ouvrage accorde une place assez importante au matériel Montessori. Pourquoi est ce si important ?

 

Cela renvoie par exemple au sens du toucher et au rapport au corps qui sont peu présents dans l'école française et très importants dans la pédagogie de Montessori pour permettre à certains enfants d'accéder aux apprentissages. Cela vient aussi du fait que la démarche de Montessori c'est de partir du concret pour aller vers l'abstrait. Ce matériel est un médiateur important pour les apprentissages. D'autant qu'on laisse les élèves à certains moments maitres de leurs apprentissages et ces objets jouet le role de médiateurs. Dans l'école française on ne laisse pas assez les élèves manipuler. Or certains élèves ont besoin de ce temps.

 

Votre livre s'adresse aux jeunes enseignants débutants ?

 

Je ne crois pas. L'enseignant débutant croule sous d'autres urgences quotidiennes que chercher à construire une autre pédagogie. L'ouvrage est plutôt destiné à des enseignants déjà installés dans le métier, qui veulent avancer avce leurs élèves et qui cherchent de nouvelles pratiques. L'ouvrage donne les connaissances nécessaires sur la pédagogie de Montessori tout en les adaptant à l'école actuelle. Pas question de revenir 100 ans en arrière.

 

Propos recueillis par F Jarraud

 

 

Par fjarraud , le mercredi 04 avril 2018.

Commentaires

  • boblefoufou, le 24/05/2021 à 17:32

    J'aurais complété cet article avec une dernière question :

    Un parent seul peut-il mettre en œuvre une pédagogie basée sur Montessori à la maison ?

    Pour moi la réponse est oui. Les parents doivent compléter l'éducation qui est donnée en classe la journée. Ils doivent la compléter en interagissant avec leur enfant et en acheter les jouets appropriés. Un circuit Montessori, permettra par exemple de développer le suivi d'un objet avec la vue ainsi que le toucher.

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