Que faire quand même la météo est pour le ministre ? Le 6 février, c'est sous la neige que quelques centaines de professeurs, des étudiants plus nombreux, ont défilé à Paris. Malgré la multiplication d'annonces inquiétantes par le ministre et le gouvernement, la mobilisation est restée faible dans les établissements scolaires. Le Snes compte 28% de grévistes quand le ministère en trouve 5%. Mais pourquoi aussi peu de monde ?
"On est en train de déshabiller l'Education nationale"
"On est dans un mouvement amorcé pour protester contre la situation de la rentrée 2018 où le second degré subira une amputation de postes alors qu'il est en pleine expansion", dit Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes Fsu, rencontrée dans la manifestation. "On veut dire au ministre qu'on ne peut pas réformer le bac, le lycée dans un calendrier si court qu'il sert juste à imposer un projet au détriment des élèves… On est en train de déshabiller l'éducation nationale, faire le lit du privé, instaurer à nouveau une sélection et considérer qu'il faut mettre un arrêt à l'élévation du niveau des jeunes".
Pour la dirigeante du Snes, une réforme du lycée est possible "si on prend le temps de construire un lycée permettant à chaque jeune d'accéder à l'enseignement supérieur dans de bonnes conditions".
Comment expliquer la faible participation ? "On est habitués à ce que la grève soit considérée comme coutant cher et pesant peu sur un gouvernement qui n'écoute pas", répond F Rolet quand on remarque le faible taux de grévistes : 28% selon F Rolet, 5% selon le ministère. Pour F Rolet, "il n'est pas sur que tout le monde a considéré ce que veulent dire les dernières annonces gouvernementales (du 1er février) : mettre les fonctionnaires sous pression, dresser les gens les uns contre les autres. On avait obtenu des avancées sur l'évaluation des enseignants. On va de nouveau être en concurrence".
Est-il possible de négocier avec JM Blanquer ? "Si on n'établit pas un rapport de force ça va être compliqué. Il faut dire aux professionnels qu'il faut manifester leur mécontentement".
Marie Hélène : Je suis là pour les élèves
Dans le cortège nous avons croisé Marie-Hélène Bernat, professeure de maths dans un lycée de Mantes la Jolie. A deux ans de la retraite, MH Bernat a choisi de manifester sous la neige. "Je tiens à dire non à ce qui va se passer : la réforme du bac, celle de notre statut, Parcoursup, la sélection qui n'est pas dite".
La question du statut l'inquiète : "on parle d'embaucher des contractuels. On aura de moins en moins d'enseignants formés. Le privé se développera à coté d'une école précaire, celle de la République".
Mais si MH Bérnat est là c'est surtout pour ses élèves. "Je suis inquiète. La sélection va toucher directement mes élèves qui viennent de familles défavorisées. J'ai été heureuse jusqu'au bout d'être avec ces élèves si riches dans leur diversité. Je n'ai jamais eu la tentation de quitter Mantes la Jolie. Mais je me dis que je vais m'en aller alors que l'école est en constante dégradation".
Marion : On va se retrouver dans la situation des TZR
Marion Chasserat vient du lycée Poincaré de Palaiseau (91) où elle enseigne la SVT. "Je suis là pour défendre ma discipline", nous dit-elle. "Dans le futur lycée elle est très menacée alors qu'elle travaille des enjeux majeurs pour la société comme la démarche scientifique, la différence entre science et croyance, la sexualité, l'éducation à la santé. Vu le rapport Mathiot on est certain que le volume horaire va chuter fortement. Ca mettra en péril la culture des élèves".
Marion craint aussi pour l'évolution du métier. "La semestrialisation va précariser notre métier et compliquer les choix des élèves. Les titulaires enseignants vont se retrouver dans la situation des TZR , des bouche trous avec des volumes de travail différents selon les semestres".
Son lycée bouge peu et cela inquiète Marion. "On a vu ce qui s'est passé avec la réforme du collège", dit-elle. "On a attendu pour voir et après on n'a plus eu voix au chapitre".
François Jarraud