Rachid Hami et La mélodie de l’Ecole 

Dans « La Mélodie », film sorti mercredi 8 novembre, le réalisateur Rachid Hami met en scène la création d’un orchestre scolaire dans un collège parisien. Après des premières répétitions assez mouvementées, entre un violoniste désabusé propulsé professeur (Kad Merad) et des élèves de 6èmes assez éloignés de ce qui leur est proposé, le film relate les différentes étapes d’un projet où l’apprentissage est mutuel entre élèves et enseignant, jusqu’au concert de fin d’année. Rachid Hami s’est directement inspiré d’exemples existant au sein de l’Education Nationale et des structures socio-culturelles : les « Orchestres à l’Ecole », les classes CHAM (Classes à Horaires à Aménagés Musique) et le projet « Démos » (Dispositif d’Éducation Musicale et Orchestrale à vocation Sociale, une trentaine d’orchestres de jeunes dans des quartiers difficiles encadrés par des musiciens de la Philharmonie de Paris). Rencontre avec le cinéaste Rachid Hami …

 

Avec votre co-scénariste, vous vous êtes lancés sur l’écriture de ce film après avoir vu un documentaire sur les orchestres « Démos ». Qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce sujet ?

 

Très souvent dans les médias on parle des jeunes des quartiers comme des élèves étant plus qu’ailleurs en échec scolaire. Et là, on me racontait l’histoire d’élèves embarqués dans un projet artistique, actifs, faisant des concerts de musique classique. J’ai trouvé ça très émouvant. Suite au visionnage de ce documentaire, je suis allé observer pendant quelques temps des répétitions d’orchestre Démos et des cours en classes CHAM. J’ai mis un peu de tout cela dans mon film ; c’est un conte urbain, mais avec des éléments réalistes, qui sont là, autour de nous, qui existent vraiment.

 

Le professeur de violon interprété par Kad Merad est en plein doute sur sa carrière, sur sa propre pratique musicale, et se retrouve un peu par dépit à intervenir dans ce collège. Après des débuts auprès des jeunes, pour le moins difficiles, on suite son évolution et son adaptation pédagogique. Est-ce que ce sont des situations que vous avez pu observer ?

 

J’ai vu plein de musiciens-intervenants qui ne sont pas tous à l’orchestre de l’Opéra de Paris ou l’Orchestre National de France, et pour qui ces projets d’orchestre à l’école sont bien sûr une source de revenu complémentaire. Ils m’ont intéressé parce qu’ils ne sont pas à la base formés pour être pédagogues, mais d’abord pour être musiciens. Pour eux, la musique c’est du sérieux. Certains sont enseignants en Conservatoire et sont donc plutôt habitués à des élèves de milieu favorisé, très différents des élèves qu’ils rencontrent dans les orchestres scolaires. Se joue alors un apprentissage des codes qui m’a fasciné, apprentissage qui va dans les deux sens. J’ai rencontré des professeurs très rigides au départ qui ont sensiblement évolué au contact des enfants. Ils apprennent au côté de ces jeunes.

 

Dans mon film, j’ai retranscrit ce coté horizontal et ces échanges à double sens : les enfants sont nourris par ce que le personnage de Kad Merad leur propose, un accès à la musique, à la culture, mais lui aussi se nourrit de ces que les jeunes lui apportent. Souvent dans ce type de film sur le milieu scolaire, on a un « prof-héros ». Là le héros c’est le collectif : le prof, mais aussi les enfants.

 

Pour les besoins du film, les enfants ont appris à jouer d’un instrument en partant de zéro. C’est aussi le cas des élèves qui participent aux projets d’orchestres à l’école. Que pouvez-vous dire du résultat musical obtenu ?

 

Les enfants n’avaient jamais touché un instrument et ont réussi en quelques mois à apprendre les morceaux que l’on entend dans le film. Ils ne sont pas devenus de complets violonistes, tout comme dans les vrais projets Démos les enfants ne deviennent pas des musiciens accomplis en seulement une année. Devenir musicien, cela prend du temps. Mais au bout du parcours, ils ont tout de même appris quelque chose, ils savent jouer ces morceaux.

 

Pour les scènes de concert, on a procédé là-aussi comme les orchestres Démos : on a réuni un orchestre composé d’enfants avec quelques adultes parmi eux, dix professeurs parmi soixante enfants musiciens.

 

Dans le film, on suit plus particulièrement le jeune Arnold (joué par Renély Alfred) qui se prend de passion pour le violon. Ce personnage vous a été inspiré par un jeune que vous avez croisé en classe.

 

J’ai rencontré un gamin, qui lui jouait du violoncelle et qui m’a en effet beaucoup inspiré dans mon écriture. Ce qui m’a troublé, c’est que ce jeune s’était découvert une passion pour cet instrument dont il débutait l’apprentissage. C’était à la fois improbable et beau.

 

Mais plus largement, est-ce que l’objectif de ces projets est de former des musiciens ?

 

Non, ça n’est pas l’unique but. Si certains deviennent par la suite musiciens, et il y en a quelques-uns, tant mieux. Mais l’idée, c’est qu’en faisant écouter et jouer Bach, Haendel ou Granados à des jeunes qui sont très loin de ça, on peut les ouvrir et les structurer. A Paris, Lyon, Vénissieux ou Roubaix, c’est amener de la culture là où elle n’a pas été importée, pour plein de raisons. Il y a un vrai besoin. Les enfants mais aussi les parents découvrent des choses : l’instrument prêté pour le projet pénètre la maison et c’est aussi la culture qui pénètre la maison à ce moment-là.

 

La finalité, ça n’est pas le concert à la fin de l’année. Le coeur du projet, c’est la capacité qu’a la musique de structurer intellectuellement des gamins. Ces jeunes vont en cours de musique, se concentrent, ont un but, et petit à petit se créent une méthodologie et une discipline qu’ils n’avaient pas.

 

Je m’oppose à ceux qui disent que c’est de la démagogie, de la bien-pensance ou simplement une belle vitrine. Certes, il y a parfois de ça, il y a beaucoup de communication. Mais il y a aussi les faits : chaque année des jeunes qui n’avaient jamais fait de musique vont à la Philharmonie de Paris jouer Schéhérazade ; chaque année des parents qui n’avaient jamais été à un concert vont à la Philharmonie de Paris écouter du Rimsky-Korsakov.

 

Dans votre propre parcours scolaire, quels sont vos souvenirs concernant l’apprentissage de la musique ou plus largement les découvertes artistiques et culturelles ?

 

Quand j’étais collégien, j’ai découvert à cette époque-là que j’aimais raconter des histoires et je me souviens bien que l’Art m’a ouvert l’esprit. Je me rappellerai toujours quand mon professeur d’arts plastiques m’a emmené au Musée d’Orsay, quand mon professeur de musique m’a fait découvrir le Théâtre de Champs Elysées et quand mon professeur d’anglais m’a fait étudier le film « Traffic ». Il y a des moments comme ceux-là qui ont été frappants pour moi. Je trouverais bien que l’école ne soit pas seulement un endroit où l’on « donne » un programme, mais que ce soit un lieu où l’on ouvre l’esprit des jeunes.

 

Propos recueillis par Logann Vince

 

La bande-annonce du film

En savoir plus sur le projet Démos

En savoir plus sur les Orchestres à l’école

 

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 09 novembre 2017.

Commentaires

  • Collectifbude, le 15/11/2017 à 23:31
    Pour la petite histoire, ce film a été tourné dans un collège REP du 19e arrondissement de Paris : Le collège Guillaume Budé. Dans ce collège il existe une "vrai" classe orchestre d'instruments à vent avec des jeunes qui n'étaient pas musiciens au départ. Une belle aventure pour ces enfants !
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