Plan étudiant : Sélection pour l'ensemble des filières 

31 octobre - " Cette transformation lève des verrous. Elle donne de nouvelles garanties pour l'égalité des chances. Elle ouvre des perspectives aux lycéens". Edouard Philippe est venu présenter le 30 octobre le Plan étudiant qui sera présenté au Parlement en décembre. Si le premier ministre assure avoir "entendu tous les acteurs", il assume la généralisation de procédures sélectives dans toutes les filières du supérieur. Là où la place manque, on pourra refuser des étudiants en remplaçant le tirage au sort par la décision des universitaires. Là où il y a de la place, les universitaires pourront encore imposer des contraintes et même une année supplémentaire et décourager certains bacheliers. La sélection pourra aussi s'appuyer sur des avis que les conseils de classe de terminale seront tenus de donner au 2d trimestre. Le gouvernement annonce bien un milliard investi dans le supérieur mais finalement il ne promet que 32 000 places dont 7000 en BTS. Outre que c'est nettement insuffisant, les 32 000 places ne représentent qu'environ 300 millions. Une bonne partie du milliard pourrait bien bénéficier aux seuls étudiants non boursiers qui vont chacun bénéficier d'un allègement d'environ 100 euros. Rien n'est prévu pour les boursiers et seulement 7000 places en BTS sur 5 ans pour les bacheliers professionnels.

 

Accompagnement ou course d'obstacles ?

 

 "On va passer du supérieur pour tous à la réussite pour chacun". Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, a le sens de la formule pour présenter, avec Edouard Philippe et Jean-Michel Blanquer, le plan étudiants le 30 octobre. Mais ce qui est présenté comme un accompagnement renforcé par le gouvernement relève plutôt de la généralisation de la course d'obstacles dans le supérieur.

 

" J'ai rencontré tous les acteurs. J'ai entendu leurs inquiétudes sur le droit d'accès au supérieur, la possibilité pour l'étudiant de choisir une filière", affirme Edouard Philippe. "On va accomplir enfin la démocratisation du supérieur en accompagnant tous les étudiants vers la réussite", explique F Vidal. " Le bac est et demeurera le seul passeport pour entrer dans le supérieur", ajoute-elle.  La ministre, comme E Philippe, en appellent aussi à la réalité. " On doit arrêter de fermer les yeux (sur la diversité des bacheliers)", dit F Vidal. E Philippe distingue lui "droit déclaré et droit effectif". Autant de grands principes qui sont à nuancer si on regarde de près un projet gouvernemental qui fait peser de forts risques d'exclusion des bacheliers technologiques et professionnels et de hiérarchisation accentuée des universités.

 

Des changements au lycée dès 2017

 

 Mais tout commence au lycée. Jean-Michel Blanquer annonce la mise en place dès cette année de deux semaines de l'orientation, une en fin du 1er trimestre, la seconde au second trimestre, avant les vacances d'hiver. Les lycéens de terminale pourront ainsi affiner leur projet d'orientation. A la fin du 1er trimestre le conseil de classe émettra des recommandations sur le projet de chaque élève. Au conseil de classe du 2d trimestre il émettra un avis sur chacun des 10 voeux de chaque élève de terminale.

 

Pour aider à tout ce travail, le ministre a annoncé qu'il y aurait , dès décembre  2017, deux professeurs principaux en terminale, chacun touchant la part supplémentaire de l'ISOE, ce qui ne suffira peut-être pas à le rendre compétent en matière d'orientation.... Ils seront aidés par des jeunes du service civique volontaires en CIO.

 

L'Onisep mettra en ligne un espace dédié aux terminales qui présentera les différentes filières, et proposera des moocs sur les compétences attendues. Surtout la plate forme Mon orientation en ligne permettra d'échanger avec des "ambassadeurs étudiants" et des conseillers d'orientation , une idée lancée par le gouvernement précédent.

 

Quant à la nouvelle plateforme remplaçant APB elle sera disponible en janvier 2018 e affichera les attendus pour toutes les formations. En mai chaque lycéen recevra les propositions des établissements de l'enseignement supérieur pour pouvoir arrêter un choix éclairé.

 

Par exemple pour faire Staps il ne suffira pas d'avoir des compétences scientifiques et sportives, il faudra avoir aussi un bon niveau d'expression française et avoir un engagement associatif.

 

Une sélection généralisée

 

 C'est dire que l'entrée dans le supérieur résultera d'un choix effectué par chaque filière universitaire validé par un comité académique. " Dès lors qu'il y aura de la place nul ne pourra refuser une place", explique F Vidal. Mais elle ajoute : "Nul ne pourra rejoindre une formation s'il refuse les voies pédagogiques adaptées nécessaires à sa réussite. S'il y a plus de candidats que de places, les candidats retenus le seront sur la base de la meilleure adéquation avec le projet".

 

Autrement dit le principe du libre accès dans le supérieur est écarté au profit d'une sélection par les universitaires de chaque filière sur dossier. Chaque équipe d'universitaires pourra définir des pré requis nécessaires pour suivre des enseignements et contraindre  certains étudiants à réussir certaines unités (ETCS)spéciales pour poursuivre leurs études. La licence pourra donc durer 2 ans ou 4 ans selon les profils étudiants.

 

Le risque d'une hiérarchisation accélérée des universités n'échappe pas au gouvernement qui envisage d'y répondre en établissant des quotas de boursiers dans chaque structure, de façon progressive pour ne pas perturber trop rapidement les inégalités déjà installées.

 

Un budget qui ne lutte pas contre les inégalités

 

Ce souci des inégalités est souvent avancé pour justifier la réforme. L'accès au supérieur est bien actuellement corrélé à la situation sociale des parents des étudiants. Et F Vidal parle bien "d'accomplir enfin la démocratisation du supérieur".

 

Mais ce n'est pas ce que dit le budget du Plan présenté le 30 octobre. D'abord parce qu'en ce qui concerne les aides apportées aux étudiants, le plan ne prévoit aucune augmentation pour les boursiers. Ce sont les non boursiers qui vont bénéficier de 88 à 118 € annuels d'aide gouvernementale du fait de la disparition de la sécurité sociale étudiante et de la baisse des droits d'inscription. Ces deux cotisations sont déjà offertes aux boursiers.

 

Le même budget annonce un milliard sur le quinquennat pour financer le plan étudiants dont près de 500 millions venus du Grand Plan d'Investissement.  Mais la disparition de la cotisation sécurité sociale étudiante est évaluée à 100 millions par an , soit les 500 millions apportés par le budget.

 

Au final, le plan étudiants se soldera par la création de 32 000 nouvelles places pour tout le quinquennat dont 7000 en BTS et l'embauche de 2500 enseignants supplémentaires dans le supérieur.

 

Or le gouvernement prévoit 200 000 étudiants supplémentaires à la fin du quinquennat. Un chiffre déjà sous estimé car dans la seule année 2017 près de 80 000 bacheliers professionnels   n'ont pas pu entrer dans le supérieur.

 

Un accompagnement en trompe l'oeil ?

 

"L'engagement financier massif" promis par les ministres, "l'accompagnement personnalisé" et humain de plus de 600 000 jeunes chaque année semble aussi difficiles. Le Snpden, syndicat de personnels de direction, ne voit pas comment le conseil de classe pourrait examiner les 10 voeux de chaque élève de terminale et émettre un avis sur chacun.  Même si les universités se dotent d'un "directeur des études", seul un traitement informatique pourra  sélectionner les étudiants.  Et les universités les plus réputées seront portées  à  choisir les meilleurs.

 

Edouard Philippe a présenté le projet gouvernemental comme permettant d'exercer "un droit effectif" par opposition au "droit déclaré" précédent. S'il est souhaitable d'améliorer l'orientation en lycée et l'accompagnement en licence, la maigreur des moyens mis par le gouvernement ne préjugent pas d'une réussite pour tous, bien au contraire. Tout semble déjà mis en place pour décourager les futurs bacheliers professionnels et technologiques.

 

François Jarraud

 

 

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 20 octobre 2017.

Commentaires

  • charlesarmstrong, le 16/07/2020 à 14:14
    Comme tout effort de planification stratégique, celui-ci dépendra fortement de qui le dirige et du soutien qu'il obtient. Idéalement, un président ou un chancelier doit nommer un haut dirigeant qui a de la crédibilité, de la créativité, de la force et une concentration totale sur la coordination et la mise en œuvre d'un plan.
  • Philippe55, le 02/11/2017 à 19:29

    Les annonces ministérielles, lors de la conférence de presse du 30 octobre relative à l'accès au supérieur, ne sont pas sans poser de nombreuses questions aux personnels de direction qui vont devoir mettre en œuvre en extrême urgence denouveaux dispositifs sur lesquels ils n’ont pas été consultés et qu’ils ont appris par les médias pendant les vacances.

     

    En effet, ces nouvelles procédures, vont surtout mobiliser les lycées, auxquels cette réforme confie la plus lourde charge dans des délais irréalistes. Comment par exemple construire une semaine de l’orientation en moins de 15 jours pour être prêts avant les conseils de classes qui débutent généralement la dernière semaine de novembre ?

     

    L'idée d'un deuxième professeur principal en terminale à compter du mois de décembre est une excellente initiative mais malheureusement utopique faute de professeurs volontaires pour une mission jugée insuffisamment rémunérée(*) que les chefs d'établissements ont de  plusen plus de mal à faire accepter. (*)906.24 euros par an pour un professeur de terminale GT, soit environ 25 HSEpour un certifié)

     

    Ce projet semble aussi négliger l'organisation pédagogique de nombreux lycées professionnels dans lesquels les conseils de classes sont organisés en semestre pour tenir compte des huit semaines de périodes de formation en milieu professionnel. Il sera impossible dans ces établissements de respecter le schéma proposé par la réforme, d’autant plus que de nombreux élèves de terminale seront en entreprises entre fin novembre et fin décembre.

     

    Que signifient les semaines de l'orientation ? Qui s'en charge ? Quel contenu et sur quel temps? Surement pas les conseillers d'orientation qui ont disparu de nos établissements pour se transformer en psychologues. Comment imaginer construire un tel dispositif en moins de trois semaines sans aucune trame d'organisation et dans un calendrier d'activités déjà très dense et avec des enseignants peu ou pas formés à l’orientation ?

     

    Il est enfin totalement  impensable de demander aux conseils de classes un avis sur chacun des 10 vœux émis par les 35 élèves d'une classe de terminale ce qui aboutirait à des réunions de plus de trois heures par classe de terminale.

     

    Quels outils informatiques seront mis en place pour recueillir les intentions des lycéens avant fin novembre et quand seront-ils disponibles ? Compte tenu ducalendrier annoncé, nous en avons besoin dès la rentrée  pour prendre le temps de les découvrir et de les faire découvrir aux enseignants qui devront ensuite en  expliquer le fonctionnement aux élèves avant les conseils de classes du premier trimestre.

     

    Fidèle à ses mauvaises pratiques, l'institution lance ses réformes avant de construire les outils nécessaires à leur mise en place et n'a jamais réussi à produire dans les délais des applications totalement finalisées, à l'exception peut-être d'APB qui était certainement l'outil le plus fiable, le plus simple à utiliser pour les personnels de direction et le plus abouti jamais produit par l'Education Nationale !

     

    Cette nouvelle procédure, a au moins la vertu de remplacer l’aberrant tirage au sort par une forme de sélection qui reconnait la valeur et le  mérite, mais cela ne résoudra pas le manque de places à l'université et élude la question de l'adéquation de notre système de formation aux besoins de la nation. 

     

    Le pays a-t-il besoin d'autant d'étudiants en STAPS ou en psychologie quand il manque cruellement d'ingénieurs, d'informaticiens ou d'enseignants dans certaines disciplines? 

  • vpiquot, le 31/10/2017 à 18:17

    Comme toujours, les éléments apportés par le café sont clairs et pertinents. Merci pour ce travail.
    Dans cet article la réaction sur le changement d'approche dans les lycées méritent peut-être d'être nuancée. En pratique le calendrier de l'orientation demandait déjà une réflexion avancée sur les projets de l'élève dès la clase de première. Le conseil de classe du premier trimestre de terminale était aussi déjà un moment de regard sur les choix à venir et le conseil du deuxième trimestre déjà un moment de décision par l'attribution des avis sur chaque vœux. Néanmoins deux ambigüités existaient : les lycéens pouvaient changer des vœux entre le moment du conseil et la fin de la campagne post bac ; les avis sur les licences n'existaient pas sur le site et les conseils de classe pouvaient donc s'en affranchir.
    La nomination d'un deuxième professeur principal en terminale peut donc paraitre incongrue puisque l'orientation est censée se faire principalement en première, que l'importance du regard en terminale se renforce mais ne change pas fondamentalement et enfin parce que c'est l'accompagnement personnalisé qui offre le temps dédié au travail d'orientation.
    Cependant la mesure est symboliquement forte et pourrait permettre deux avancées : la généralisation des entretiens d'orientation ; la positionnement des élèves par grandes compétences et non pas seulement par notes.


  • Utilitariste Gaulois, le 31/10/2017 à 10:40
    Les prof ne sont plus là pour enseigner mais faire bien des choses pour lesquelles ils n'ont pas signées et pour lesquelles ils ne sont ni formés ni rémunérés. Les profs sont les bonnes et les hommes à tout faire de cette garderie géante.
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