Exclusif : Les départements veulent une autre gestion du numérique avec l'Etat 

" De nombreux départements souhaitent qu’un modèle de gouvernance soit précisé pour faciliter leurs échanges avec les rectorats, dépositaires de la compétence pédagogique, afin que les investissements menés par ces départements touchent réellement leur cible en termes d’usages". C'est une des conclusions, peut-être pas la plus nouvelle, d'une vaste étude que le Café pédagogique s'est procurée, réalisée pour l'Association des départements de France (ADF)  sur "les politiques départementales sur le numérique éducatif". L'intérêt de cette étude c'est qu'el est autant un bilan des plans numérique précédents tels que les départements le sont vécu, qu'un exercice de prospective amenant les départements à  définir un modèle numérique pour leurs collèges. Et force est de dire que les départements ont beaucoup appris...

 

Les départements ne veulent plus "subir" les plans numériques

 

"Ce livre blanc vise à accompagner tous les départements, qu’ils aient déjà lancé ou non des actions d’envergure pour élaborer et comprendre ce qu’est ou sera demain le « collège »". Valérie Nouvel , vice présidente de la commission innovation numérique de l'ADF, ouvre cette étude en la situant entre bilan et avenir des collèges. Elle s'appuie à la fois sur une enquête auprès des départements, sur une analyse des politiques menées dans 8 départements très divers (du 93 au Loiret) et sur une étude des politiques numériques dans plusieurs pays étrangers.

 

Une des problématiques évoquées est celle des rapports avec l'Etat. Evoquant "un modèle peu souple", les départements veulent une autre gouvernance. " Le département joue aujourd’hui un rôle de prestataire de l’État et subit ses réformes sans pouvoir les anticiper vraiment. Il convient de redéfinir la relation Département-État comme un partenariat où le département dispose de canaux de conseil/lobby et est en mesure d’alerter l’État sur la capacité locale de portage de projet", affirme l'étude.

 

Ils demandent concrètement " la mise en place d’une instance de pilotage permettant de conduire la nécessaire collaboration entre le département et les services de l’État ; l’identification par le rectorat des usages actuels et l’évaluation des besoins futurs des établissements afin de permettre au département de planifier ses investissements ;  une formation accrue des utilisateurs, en particulier les enseignants, afin de rationaliser les investissements (dans certains départements, les équipements sont sous-utilisés) et diminuer les coûts de maintenance de niveau 1 ;  un rendu et des indications précises sur les impacts et l’évaluation des effets sur les accès et les usages des services et équipements qu’ils ont financés".

 

La question des GAFAM

 

L'étude se penche aussi sur l'évolution des usages et ses répercussions sur l'équipement des collèges. Cela les amène à poser la question des GAFAM (Google Apple Facebook Amazon Microsoft). "Dans un courrier adressé le 12 mai 2017 aux rectorats, le Ministère indique qu’« il n’y a pas de réserve générale sur l’usage » de l’offre éducative des GAFAM (Google, Facebook, Amazon)", rappelle l'étude faisant allusion à un courriel dévoilé par le Café pédagogique. "Toutefois, le Ministère suit et pousse en parallèle le développement et la généralisation des ENT (Environnement Numérique de Travail)... avec nombre de recommandations de sécurité au travers d’un Schéma Directeur mis à jour (SDET V6)... Dès lors se pose une série de questions : Quel équilibre entre contrôle et confiance ? Quelle utilité de l’expérience utilisateur dans la construction des politiques numériques ?  Quelle place faut-il faire aux terminaux personnels des élèves et des enseignants (BYOD) ?  Quel cadre juridique est mis en oeuvre pour les outils utilisés en matière de traitement des données à caractère personnel ?" Toutes questions qui se posent de façon urgente à l'institution scolaire. Le ministre a d'ailleurs promis d'y apporter une réponse.

 

Pour l'assouplissement réglementaire des smartphones

 

La question du smartphone est pour l'ADF devenue cruciale pour le numérique éducatif. Sa généralisation pose la question de la perméabilité entre usages personnels et scolaires.  Elle invite à mettre en place u autre modèle d'équipement numérique sui existe aussi dans les autres pays. L'étude relève que "le Byod percute de plein fouet le plan numérique pour l'éducation". Autant dire que l'interdiction voulue par E Macron semble bien décalée au présent et à l'avenir des collèges comme les voit l'ADF... L'étude pose déjà la question de l'adaptation de la législation actuelle. " Pour la première fois dans l’humanité, presque chaque élève dispose d’un accès permanent à une encyclopédie. » Aussi, si l’usage habituel du téléphone a été interdit, à l’école et au collège, en 2010 (L. 511-5 du code l’éducation), à une époque où apparaissaient les premiers smartphones (Apple, en 2007), cette interdiction va-t-elle être remise en cause ? "

 

Quelles perspectives l'ADF voit-elle pour le numérique des collèges ? Le modèle COCON (collèges connectés)" n’entre pas dans le budget des départements... Il n’est pas généralisable en termes de coût (total de possession) tant pour les collectivités que pour l’État".

 

Deux grandes tendances d'avenir

 

L'étude voit deux grandes tendances ou plutôt deux types de choix ambivalents. " D’une part, le tout BYOD inégalitaire mais peu coûteux et de plus en plus cohérents avec les pratiques personnelles des élèves. D’autre part, le financement public du terminal (classe mobile ou financement de l’équipement personnel), égalitaire mais plus coûteux et qui peut s’avérer un frein à l’usage s’il est mal mis en oeuvre.  D’une part, l’État fortement impliqué, financeur et décideur des politiques numériques..  D’autre part, la localité « libre », innovante et facilitatrice de mutualisation avec les autres services publics des territoires.  D’une part, un usage important du numérique contraignant tous les enseignants à s’adapter mais terreau d’innovations pédagogiques. D’autre part, les outils numériques vus comme une aide éventuelle à l’enseignant dans le cadre de sa pédagogie".

 

L'étude se termine avec des "orientations" qui sont autant de préconisations actuelles. Outre une autre relation avec l'Etat, l'étude demande aussi de " renforcer la capacité des chefs d’établissement à accompagner", de " fixer un cadre clair de protection des données scolaires, englobant les enjeux des ENT et des outils tiers" et enfin " assouplir le cadre réglementaire de l’usage des smartphones" et renforcer le BYOD.   

 

La révolution numérique que l'ADF voit arriver dans ses collèges dépasserait la question des équipements. Las de faire des efforts financiers sans forcément des résultats éducatifs en retour, les départements cherchent l'efficacité ce qui passe pour eux par des réformes de structures. Voilà une façon de voir et une orientation qui pourraient être reprises par le ministère.

 

François Jarraud

 

Télécharger l'étude (11 Mo)

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Par fjarraud , le mercredi 18 octobre 2017.

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