Le défi de la réussite de tous porté par l'AFAE 

" Il s’agit du plus grand défi pour l’avenir de l’éducation : conserver notre exigence universelle en y ajoutant une bonne dose de confiance et de bienveillance, d’attention à chacun, de moindre prégnance de la norme. Nous savons très bien trier, il nous faut aussi former chacun des élèves !" Présidente de l'AFAE, Catherine Moisan ouvre ce numéro 155 d'Administration et Education par une introduction où elle interroge le système éducatif. " Comment prendre en compte les « singularités », à l’école, au collège, au lycée, dans la classe, avec nos partenaires ? Comment conduire chaque élève sur le chemin des apprentissages, sur son propre chemin de progression ?.. Comment repenser une diversification du système qui ne soit pas hiérarchie, instrument de sélection, ségrégation ?" Voilà quelques unes des questions soulevées dans ce numéro qui va croiser les regards, multiplier les exemples, sans apporter de "recette" fallacieuse. Car pour améliorer la réussite , le système éducatif doit personnaliser mais aussi inventer et abandonner ses réflexes de tri. Une révolution ?

 

Quelle responsabilité pour l'Education nationale ?

 

 A l'origine de ce numéro d'Administration et Education le colloque 2017 de l'AFAE. Il aurait pu se contenter du satisfecit du recul du nombre de décrocheurs dans le système éducatif. De 2010 à 2016, on est passé de 140 000 à 98 000 décrocheurs, soit un recul significatif. Jean Marc Huart, devenu depuis le congrès Dgesco, montre les dispositifs mis en place en dehors et dans l'Education nationale. Car longtemps la question du décrochage a été traitée à l'extérieur de l'Education nationale et vue sous l'angle de l'accès à l'emploi. Pour l'Education nationale, le dispositif premier est Foquale, créé en décembre 2012, qui a été suivi de dispositifs de prévention comme le droit au retour en formation ou le droit au redoublement dans son établissement. Pour aller plus loin, JM Huart souligne la responsabilité de l'Education nationale dans le décrochage : " le niveau scolaire de sixième apparaît de façon très claire comme déterminant, ce qui, ...« déporte le regard vers l’école » en faisant en sorte qu’une politique de prévention du décrochage soit menée très en amont dans le parcours scolaire".

 

L'échec de NCLB

 

Autre article clé, celui l'inspecteur général Marc Foucault sur l'échec et finalement l'abandon du No Child Left Behind Act aux Etats-Unis. Lancé en 2002, ce dispositif liait d'importantes subventions fédérales à une évaluation stricte des résultats des élèves dans les disciplines fondamentales et responsabilisait les équipes et les chefs d'établissement. Les écoles peu performantes étant sanctionnées rapidement et les équipes sujettes à redressement. Au final, le système a traumatisé des communautés et des établissements, affirmé le "teaching to the teste" et fait reculer tout ce qui n'était pas discipline fondamentale. Jusqu'à ce que Obama mette un terme final à l'expérience en 2015. Une expérience  qu'il convient de rappeler au moment où ce nouveau management arrive au pouvoir de ce coté ci de l'Atlantique.

 

De nouvelles alliances locales ?

 

Alors quelles solution sont proposées dans ce numéro d'Administration et Education ? La revue propose des regards de terrain de cadres du système éducatif sans jamais descendre au niveau de la classe ou donner la parole aux enseignants.  Ce qu'on a de plus proche du terrain c'est la vision  de " l’inspecteur et le chef d’établissement (qui) vont encourager les équipes pédagogiques à relever le défi". Ca nous laisse sur notre faim...

 

Deux pédagogues nos ramènent à l'essentiel. Michel Fayol revient sur les inégalités précoces, celles que JM Huart soulignait. " Améliorer les performances des enfants aux savoirs et savoir-faire fondamentaux est crucial pour leur réussite ultérieure. Cela suppose d’abord que des progressions plus précises que celles dont nous disposons actuellement soient élaborées, avec des objectifs associés à des instruments d’évaluation. Il s’agit en effet de pouvoir repérer les lacunes, les difficultés, voire les risques d’échec, le plus tôt et le plus précisément possible. Cela suppose ensuite que des dispositifs soient conçus et leurs effets évalués, de sorte que les pratiques ne reposent pas seulement sur l’intuition". Mais " rien ne pourra se faire sans que les enseignants ne soient formés, formés à toutes les connaissances disciplinaires requises pour intervenir à un niveau donné, formés à savoir ce que sont les apprentissages et leurs difficultés et leurs troubles, formés à l’intervention efficace, exigeante et bienveillante, ce qui implique de repenser la formation des enseignants". Autrement dit le changement va être long...

 

C'est aussi ce que nous dit JM de Ketele. " Les transformations réussies des systèmes éducatifs dans le monde relèvent avant tout de la capacité et de la volonté locale des acteurs et s’inscrivent nécessairement dans la durée, c’est-à-dire un temps long, et ne sont jamais achevées. C’est donc avant tout au niveau de la triade élèves/enseignants/établissement (chef d’établissement et coordinateurs au sein de l’établissement) que se jouent essentiellement les transformations et que doivent se concilier normes et singularités". Et il invite les acteurs à mettre en place un "leadership partagé" dans les établissements.

 

On mesure que le défi d'assurer "la réussite de tous" , pour reprendre une formule actuelle, relève de nombreux facteurs et exige une refonte profonde du système éducatif. C'est tout le paradoxe de ce numéro que les gardiens du système, ses cadres, participent d'une rénovation qui serait aussi une transformation de leur rôle.

 

François Jarraud

 

Le sommaire

Décrochage : Le défi réussi du ministère

 

 

Par fjarraud , le lundi 09 octobre 2017.

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