Météogyre : Un projet interdisciplinaire pour redonner le goût des sciences aux lycéens 

Créer  un atelier scientifique au lycée développe-t-il l’appétence pour les sciences ? Comment relier sciences de l’ingénieur et sciences du vivant ? Véronique Ridard, Vincent Guili, enseignants de SVT et Christophe Davy enseignant de SI au lycée René Descartes de Saint-Genis-Laval (69) travaillent en équipe sur le projet Météogyre. Leurs élèves volontaires ont conçu un mur végétalisé orientable permettant l’optimisation de la croissance des plantes. Premier prix du concours Water Prize en France, les lycéens de cet atelier scientifique ont présenté leur projet à la finale internationale de Stockholm. « Sans cette formation à Météo France, je n’aurais pas eu la dynamique initiale pour lancer ce projet » explique Véronique Ridard.

 

Comment est née cette idée de projet « Météogyre » ?

 

Suite à l’installation d’une station météo au sein du lycée, nous avions envie de l’exploiter avec les élèves en SVT mais la météo n’étant pas au programme des lycées (seulement dans les nouveaux programmes de collèges), nous ne pouvions l’exploiter que dans le cadre des MPS ou TPE. Nous avons donc décidé de créer un club scientifique en septembre 2016 qui n’existait pas dans notre lycée et d’y inviter les collègues de SI intéressés.

 

Nous avons réfléchi entre collègues en juin à un projet pouvant être construit en commun mêlant SVT/ météo et Sciences de l'Ingénieur (SI). Et nous avons abouti à ce projet. Nous l'avons suggéré aux élèves en septembre lorsque nous avons fait la “ promo” de l’atelier scientifique (sans réellement savoir où nous allions à ce moment-là).

 

Une quinzaine d’élèves s’est présentée lors de la présentation de l’atelier et au final une dizaine d’élèves est restée de façon assidue. Nous avons perdu beaucoup plus d’élèves en SVT, peu motivés par la biologie végétale mais certainement plus motivés par la biologie cellulaire et la physiologie animale. En revanche, les élèves de SI sont restés jusqu’à l’élaboration de la maquette, bien motivés par le projet et M. Davy, professeur en sciences de l’ingénieur. Le projet s’est construit progressivement suivant les recherches des élèves en SVT. 

 

Comment le travail s’organise-t-il entre enseignants ? Entre lycéens ?

 

Nos avions deux difficultés à gérer. La première est le court temps (1h) attribué à cet atelier. Cependant suite à la réussite du concours SJWP France, élèves et enseignants avons dû faire des heures supplémentaires pour compléter, améliorer et traduire le projet en anglais. Les élèves impliqués dans le voyage à Stockholm ont aussi travaillé tout l'été pour peaufiner la maquette et le dossier anglais. L’autre difficulté était la disposition très éloignée des salles de SVT et de SI dans l’établissement.

 

Ainsi lors de l’unique heure de travail avec les élèves, les deux groupes ont tout d’abord réfléchi ensemble durant 1 mois. Nous avons créé un espace de partage sur un drive. Puis les SVTistes sont restés dans leurs salles pour expérimenter les différentes cultures durant plusieurs mois et les élèves de SI ont travaillé de leur côté sur les logiciels et ont construit leur maquette.

 

Les échanges entre les deux groupes se limitaient à des fins ou début de séance et surtout sur le drive mais l’essentiel de la communication intergroupe s’est effectuée entre nous, enseignants lors des pauses déjeuner faute de temps dans l’atelier.

 

Nous avons préféré privilégier le travail expérimental des élèves pour favoriser leur goût des sciences face au travail de la rédaction du mémoire dont la trame a été pour partie rédigée entre enseignants. La rédaction finale s’est effectuée sur le drive, ainsi les élèves ont pu, chaque fois qu’ils en avaient le temps apporter leur contribution écrite. Mais, de toute évidence, la partie rédaction a été la partie la moins appréciée par les élèves face aux expérimentations pour lesquelles ils étaient super motivés.

 

Au final, pouvez-vous nous expliquer le fonctionnement de Météogyre et les étapes de sa construction ?

 

L’objectif de Météogyre est de réaliser un mur végétalisé orientable permettant l’optimisation de la croissance de plantes.

 

Sur le plan technologique, Météogyre est équipé d’un plateau tournant sur lequel est monté un mur végétalisé et un réservoir d’eau. Il assure la fonction de suiveur solaire. Cela permet d’orienter le mur végétalisé de manière à optimiser l'ensoleillement des plantes. Le système est équipé de capteurs solaires mesurant la position du soleil par rapport au Mur végétalisé. Un processeur (carte Arduino) analyse les données et commande un moteur électrique et un système de roues dentées permettant de faire tourner le plateau.

 

L’arrosage des plantes est assuré automatiquement à partir d’un capteur d’humidité qui déclenche une pompe puisant dans le réservoir d’eau en cas de besoin. Le réservoir est rempli soit manuellement soit en récupérant l’eau de pluie.

 

Côté fabrication, les élèves ont tout d’abord défini les fonctions du système et établit un cahier des charges fonctionnel. Ils ont ensuite cherché des solutions technologiques pour répondre aux fonctions du cahier des charges.

 

Puis, ils ont choisi les composants et dessiné les pièces constituants le système à l’aide d’un logiciel de Conception Assisté par Ordinateur (C.A.O). Les pièces terminées, elles ont été découpées dans des plaques PVC avec une fraiseuse à commande numérique. Certaines pièces ont été achetées dans le commerce ou sous traitées. Les élèves sont ensuite passés à l’assemblage du système. La partie mécanique fut ainsi terminée. Les élèves ont choisi des capteurs permettant d’assurer les fonctions définies et ont effectué la programmation de la carte Arduino permettant de commander le système La dernière étape fut la réalisation de test des différentes fonctions du système. Ces tests se sont avérés concluants.

 

Sur le plan biologique, après recherches diverses, les élèves sont partis sur une culture adaptée qui permettrait de fournir tous les acides aminés nécessaires afin de pouvoir se substituer à une alimentation carnée très consommatrice d’eau (légumineuse et céréale). Pour faciliter la culture sur le panneau, les élèves ont choisi deux plantes ayant la même taille finale (lentille et sarrasin).

 

Lors de leurs recherches, les élèves ont découvert la symbiose légumineuse-rhizobium et ont ainsi compris l'intérêt de cette association dans la préservation des sols et des nappes phréatiques vis à vis des engrais azotés. Ils ont ainsi pris contact avec l’INRA Toulouse pour obtenir les souches.

 

En quoi le groupe d’élèves a-t-il collaboré avec l’INRA ?

 

Lors des recherches initiales, les élèves ont lu un article sur Sciences et Avenir “spécial INRA” sur lequel était traitée l’importance des légumineuses et de leurs nodosités. Les élèves ont voulu alors cultiver des lentilles pour observer des nodosités. V Guili leur a suggéré d’écrire spontanément à l’INRA Toulouse pour leur demander s’ils pouvaient nous fournir des souches pour nos lentilles en expliquant leur projet.

 

M. Benoit Lefebvre de INRA de Toulouse a répondu rapidement et a fourni gracieusement aux élèves les souches demandées. Les élèves ont ainsi pu manipuler en microbiologie en milieu stérile pour multiplier les bactéries et les stocker au congélateur pour les expériences futures.

 

Vous remportez le prix français Water Prize et une partie de vos élèves présentent leur projet à la finale internationale à Stockholm. Quelques mots sur cette aventure…

 

Tout d’abord, ce fut pour tous une grande surprise de remporter la partie Française du concours. Les élèves sont tout d’abord partis à l’ambassade de Suède à Paris pour une première remise de prix. Le lycée a accepté de financer le trajet pour les 6 élèves disponibles et deux accompagnateurs. L’accueil, les conférences sur place ont vraiment plu aux élèves qui se sont sentis valorisés. Une deuxième remise de prix a été organisée au rectorat de Lyon en compagnie de Mme la rectrice, qui a de nouveau mis en valeur le travail des élèves.

 

Enfin, pour la finale internationale de Stockholm, le séjour de 5 jours n’était financé que pour 3 élèves. Le groupe s’est alors mis d’accord pour sélectionner 3 filles qui n'étaient pas parties lors de l’invitation à Paris lors d’un autre concours : “ Science factor”.  Trois garçons ont pu néanmoins partir en Suède grâce à un financement de la ville de Saint Genis Laval.

 

Pour les 3 élèves ayant pu participer à la présentation face au jury, à la cérémonie de remise des prix en compagnie de la princesse de Suède et au repas de gala, ce fut une expérience inoubliable. Elles ont pu côtoyer et échanger avec d’autres lycéens (34 pays différents) venus concourir. Une journée a été consacrée à la visite de Stockholm. Tous les frais du séjour ont été pris en charge par le SIWI (avion, hôtel, sorties, repas de gala, remise des prix …)

 

Quelles sont les suites à donner au projet cette année ?

 

Nous avons 5 élèves de SI  et 1 de SVT qui continuent l’atelier.  J’ai demandé aux élèves s’ils souhaitaient intégrer de nouveaux participants compte tenu du fait que certains étaient partis et qu’ils risquaient d’être davantage occupés en terminales mais ils ont souhaité garder l’exclusivité du projet !

 

C. Davy, collègue de SI pense intégrer ce projet dans le cadre des projets de terminale qui est une épreuve de bac de terminale S option Sciences de l’ingénieur. Les élèves pourront poursuivre et améliorer leur réalisation. Nous envisageons aussi de remplacer les capteurs du système par les informations données par la station météo du lycée.

 

Côté SVT, nous avons encore des expériences à réaliser notamment vérifier que les nodosités libèrent l’azote  après la mort des racines, vérifier si nos cultures  ne seraient pas capables de pousser sur un sol neutre telle que la vermiculite (véritables cultures hors-sol)  arrosées uniquement par de l’eau de pluie (donc dépourvues de sels minéraux).

 

Au final, sans la formation externe proposé par l’IFE de l’ENS Lyon sur 3 ans à Météo France Toulouse, ce projet aurait-il vu le jour ?

 

Concernant mon expérience personnelle, sans cette formation à Météo France je n’aurais pas eu la dynamique initiale pour lancer ce projet. J’ai pu au cours de ce stage, outre les intervenants très professionnels, rencontrer d’autres collègues de toutes disciplines et de tous types de lycées et collèges. On a pu échanger sur notre façon d'enseigner et de motiver les élèves.

 

Ce stage centré sur la météo m’a “obligée “ en quelque sorte de me rapprocher de mes collègues de SI pour comprendre les notions de “ capteurs Arduino “ et tout le langage de programmation qui en découle. Donc au final, ce stage a été déclencheur dans une première dynamique qui a été de “motiver nos élèves dans des projets scientifiques hors programme scolaire” et dans une seconde dynamique plus personnelle de “travail en commun et d’échange avec mes collègues”

 

Entretien par Julien Cabioch

 

Diaporama du projet

Mémoire du projet

Concours des lycéens en faveur de l’eau

 

 

Par fjarraud , le mardi 03 octobre 2017.

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