Evaluations Blanquer : L'heure est à la résistance 

Quoiqu'en dise le ministre, rien de plus banal qu'une évaluation de début d'année. Pourtant, alors que les enseignants de CP s'apprêtent à faire passer ou à corriger les évaluations demandées par JM Blanquer, syndicats et associations professionnelles appellent à la résistance.  Ils mettent au pied du mur un ministre qui a des conceptions pédagogiques bien ancrées. Son premier pas en pédagogie va-t-il déraper ?

 

Une première ?

 

"Au long du mois de septembre, nous commençons, ce qui est une première expérience une évaluation de CP qui permet au professeur d’avoir une photographie des forces et de faiblesses de chaque enfant pour mieux les connaître et développer les bonnes stratégie pour les faire réussir", a affirmé le ministre de l’éducation le 18 septembre. "Le grand objectif, c’est lire, écrire compter, respecter autrui à la fin de l’école primaire."

 

Evidemment cette évaluation n'est en rien une première. Les enseignants n'ont pas attendu JM Blanquer pour évaluer leurs élèves en début d'année. C'est ce que nous ont dit tous les enseignants que nous avons croisé en début d'année. Beaucoup ont mis au point , au niveau de l'école ou de  la circonscription, souvent en collaboration avec les enseignants de maternelle, des évaluations diagnostiques adaptées à leurs élèves et à leurs difficultés. Ceux-là voient avec regret leur travail s'envoler...

 

Une évaluation longue et complexe

 

Ce qui est plus nouveau c'est la volonté ministérielle de mettre en place une évaluation nationale identique dans tous les CP. Le Café pédagogique a publié début septembre les livrets d'évaluation avant que le ministère ne se décide à le faire quelques jours plus tard.

 

Car le ministère a prévu une évaluation longue et complexe. En français ce sont pas moins de 14 exercices organisés en 4 passations de 20 minutes qui attendent ces petits enfants qui entrent à la "grande école". En maths il y a 9 exercices répartis en 3 passations de 10 minutes. Au total cela représente deux heures d'épreuves dans un format totalement nouveau pour les enfants.

 

Les critiques n'ont pas manqué dès que les livret sont été connus. Dans le Café pédagogique, deux spécialistes, Eduard Gentaz et L Sprenger-Charolles ont d'emblée annoncé que ces évaluations "sans repères" étaient tout sauf scientifiques. " Le premier problème concerne le but affiché de ces « évaluations diagnostiques CP » : faire ressortir les élèves ayant (ou risquant d’avoir) des difficultés de lecture afin de pouvoir les aider, et l'absence de données indiquant, pour chaque exercice mis à disposition des enseignants, comment se comportent « normalement » les enfants de ce niveau scolaire scolarisés en France. Cette absence de "repères statistiques" ne permet pas de "diagnostiquer" (ou plutôt de repérer) les capacités déficitaires qui doivent être travaillées en priorité chez les enfants susceptibles de rencontrer des difficultés ". Ils ont aussi critiqué " la pertinence du contenu des épreuves" avant de proposer de reprendre tout le travail.

 

Cette critique est portée aussi par des enseignants. " Il n'y a que des exercices sur la grapho-phonologie. On attend de nous de la syllabique. L'exercice de passage de la cursive à l'attachée est difficile. Le vocabulaire utilisé est difficile (écureuil, igloo...) Il n'y a qu'un seul exercice de compréhension mais il est difficile à comprendre pour les petits", nous a dit C. Da Silva , une directrice d'école en Rep+. "On va mettre en difficulté même les élèves qui savent".

 

En effet, on peut s'interroger sur une évaluation nationale aussi compliquée, construite sans repères, avec un encodage sommaire et dont les résultats, assure le ministère, ne devraient pas remonter plus haut que la circonscription.

 

La montée des critiques

 

Dès l'arrivée des évaluations les critiques sont montées en puissance au point aujourd'hui de prendre l'allure de véritables appels à la résistance.

 

Ainsi l'AFEF, sous la plume de D Bucheton et V Youx, parle d'évaluation "perfide" pour le cycle 1 (la maternelle). " L’attaque est perfide face au programme du cycle 1 : en cibler et mettre en exergue quelques points dénie la validité d’ensemble d’un programme récent, appliqué depuis la rentrée 2015", relèvent-elles. Une remarque partagée par exemple par le syndicat FSU des inspecteurs qui craint que le ministère, apr cette évaluation très partielle, "construise implicitement un horizon d'attente en matière de contenus d'enseignement". Une façon pernicieuse de déconstruire les programmes de 2015 pour revenir à ceux de 2008...

 

L'AFEF comme de nombreux enseignants,  dénonce aussi la violence faite aux enfants. A peine arrivés en CP, il va déjà falloir les informer de leurs difficultés... " "Les élèves en difficulté grave, on ne sait pas ce qu'on va en faire. Rien n'est prévu", ajoute F. Popineau, co-secrétaire générale du Snuipp.  Elle souligne aussi l'inversion du comportement de l'institution : "on était dans l'évaluation valorisante maintenant on évalue les échecs".

 

Pour le Snuipp, "ces évaluations sont d'évidence en rupture avec les prescriptions des programmes de maternelle : pas de lien avec le carnet de suivi qui va dans le sens d’une observation attentive, continue et qui met l’accent sur les progrès réalisés par l'élève...  Une sur représentation de la grapho-phonologie. Le risque est réel d’à nouveau faire de la maternelle une antichambre du CP, avec des exercices renforcés dans ces domaines reléguant ainsi au second plan les expérimentations, manipulations et travaux sur le sens indispensables. La compréhension de l'écrit à la trappe".

 

Montée des résistances

 

Du coup, les organisations professionnelles se retrouvent pour inviter les enseignants à prendre des distances avec l'évaluation.

 

Le Se-Unsa, second syndicat du primaire, relève "qu'aucun texte règlementaire n’impose ce protocole d’évaluations". Il invite les enseignants à " faire leur propre choix pédagogique dans l’utilisation de ces évaluations". " Le choix des exercices  ou encore les conditions de passation relèvent de la responsabilité pédagogique des enseignants : vous pouvez sélectionner les exercices qui vous paraissent pertinents et utiliser ainsi tout ou partie du dispositif", note le Se Unsa. " Le timing prévu pour chaque exercice est sous-estimé. Ne pas hésiter à donner du temps, à reformuler, à donner des exemples, à passer par de la manipulation."

 

Le syndicat des inspecteurs Snpi Fsu " appelle les inspectrices et les inspecteurs à travailler avec les enseignants de CP à des évaluations destinées à organiser l’ensemble des apprentissages définis par les programmes et cela dans la perspective d’un accompagnement et non d’une prescription autoritaire."

 

Quant au principal syndicat des professeurs du primaire, il invite à retenir les résultats. " Le Snuipp rappelle que les enseignants sont des professionnels et doivent donc rester maîtres du calendrier de passation, comme de l'analyse des résultats et pouvoir adapter ces évaluations à la réalité de la classe et de l’école . Il les invite à garder ces résultats au sein de l'école et à faire remonter aux IEN leurs besoins de remédiation issus de cette analyse".

 

Le danger des évaluations de 6ème

 

Une autre évaluation est attendue en 6ème. Réalisée par la Depp et totalement numérisée elle portera sur le français et les maths. Officiellement il s'agit d'aider les enseignants à construire leur diagnostic de la classe. Mais " les équipes n'auront pas attendu décembre pour faire le diagnostic des élèves. Donc on doute de leur utilité. Et puis les enfants qui entrent en CP ou en 6ème n'ont pas besoin qu'on leur mette de la pression avec un examen. Cela pénalisera d'abord les élèves et les familles fragiles", nous a dit S Crochet, secrétaire général du Se-Unsa.

 

En fait il apparait que cette évaluation était en construction depuis deux ans au sein du ministère. Blanquer ne fait que relayer un projet technocratique qui vise à permettre la mise en place d'indicateurs d'évaluation du collège (IVAC) comme il y en a pour le lycée (IVAL). On aurait ainsi une publication nationale des indicateurs de chaque collège avec sa plus value. L'expérience des  IVAL, publiées depuis des années, montre que ces indicateurs n'ont en rien aidé les établissements. Au contraire la plus value réelle des établissements n'est aps utilisée et les médias et le public ne retiennent des indicateurs que ce qui peut renforcer les préjugés.

 

On peut craindre que les IVAL augmentent la concurrence entre les collèges et aient un impact négatif sur le recrutement des collèges des quartiers populaires.

 

La question des évaluations Blanquer n'en est qu'à ses débuts. Elles pourraient se retourner contre le ministre comme ce fut le cas pour le responsable de la Dgesco avant 2012.

 

François Jarraud

 

Les recommandations du Snuipp

Celles du Se Unsa

Et du Snpi FSu

Evaluation :: Quelle utilité ?

F Popineau

Gentaz et Sprenger Charolles

Les évaluations publiées par le Café

Le grand ratage des évaluations Blanquer

 

 

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 19 septembre 2017.

Commentaires

  • Jeandoute, le 19/09/2017 à 17:11
    Tout ça c'est du délire. Et pourtant, je le répète, pour moi Blanquer est le pire ministre de d'EN.

    Le besoin d'évaluations nationales est incontournable. Pour chaque élève, pour le maitre, pour l'école, pour la circonscription, en remontant jusqu'à la Nation.

    Est-ce qu'on pense qu'un travail, une action, une mission pourrait n'être jamais évaluée, comparée, pour en ressortir les points positifs et les axes de progression ?

    Oui dix fois au retour d'évaluations nationales.
    • cavalli, le 19/09/2017 à 19:26
      oui des éval nationales , ce serait bien
  • thais8026, le 19/09/2017 à 13:45
    Ce qui me gène le plus ce sont les évaluations en début de CP.
    On va évaluer quoi ? L'instruction n'est pas obligatoire avant.
    Alors soit on rend obligatoire les années de maternelles soit on arrête de vouloir commencer à apprendre à lire et à compter en maternelle.
    De plus, ce type d'évaluation on en a déjà eu. Les résultats étaient tellement catastrophiques qu'on a arrêté de les faire : politique de l'autruche avec cassage du thermomètre.

  • cavalli, le 19/09/2017 à 11:02
    "syndicats et associations professionnelles appellent à la résistance.    lesquels ? qu'on ait un avis objectif ,une fois  
    Ils
    mettent au pied du mur un ministre qui a des conceptions pédagogiques bien ancrées.  ah bon , c'est interdit? et vous ? les siennes sont saines
     Son premier pas en pédagogie va-t-il déraper       le ministre? premier pas en pédagogie ?

     

  • cavalli, le 19/09/2017 à 10:39
     "Il n'y a que des exercices sur la grapho-phonologie. On attend de nous de la syllabique."

    heureusement !
     je rêve !
    • delacour, le 19/09/2017 à 15:21

      Toute la pédagogie actuelle de l'entrée en écrit repose sur un postulat presque totalement hors de la vérité : il faut décoder les lettres ou groupes de lettres, donner du son aux lettres. Oui, à condition de connaître les codes orthographiques utilisés au codage!

      Si on apprend que "a" se décode /a/, on constate que c'est faux lorsqu'on décode les 11 autres décodages possibles de "a" : football,  équation, speaker, août,  faisions, ferai, ferais, manger, fauve, grain.

      Si on apprend que "en" se décode /en/ on ne peut pas plus lire les 5 autres décodages possibles : mener, solennel, examen, viennent.

      Si on apprend que "ma" se décode /ma/ on ne saura lire manger, maigre, mauve, maintenant, fermai.

      On peut allonger la liste à loisir ! Même "b" ne se décode pas toujours /b/…

      Et si on ne sait pas lire le mot avant de décoder, on comprend l'embarras du jeune décodeur devant des mots comportant "o": xoxxx, xoxxxxxx, xxon, troxxxx,  xxoxxxx,oxxxx, xoxx, xoxxx : 8 décodages différents de "o", lequel choisir ?.

      Ce n'est pas le décodage qui permet de comprendre l'entrée en lecture. Le décodage est possible uniquement après codage. C'est la proposition d'écrilu (voir le site) qui invite à commencer par coder du sens pour assurer le décodage et lire.

      Seul le codage orthographique assure à 100% le décodage et la lecture du sens. On ne peut lire La Giettaz, himation, cognition, que si on a codé /lajiette/, /imation/ (et pas/imassion/), /cog-nition/ comme ignifuge et pas /co-gnition/.

      En commençant par coder, l'élève prend une longueur d'avance. Ceux qui subissent le décodage parviennent parfois au sens, mais doivent toujours comprendre finalement que le codage est seul maître à bord. "oiseau" ne se décode pas, aucune de ses lettres ne se décode comme prévu remarque Saussure ! Ce mot /oi-z-o/ se code "oiseau", donc se lit oiseau.

      Et plus de problème de sens, il est au départ, et c'est lui qui est codé à travers le codage des phonèmes le codant déjà oralement. C'est excellent pour les faibles en vocabulaire.

      Essayez cette nouvelle entrée en écrit, vous ne risquez que le succès. Vous allez découvrir de nouveaux élèves, heureux de comprendre, très réceptifs et acteurs (ce qui devrait être toujours le cas) de leur apprentissage. Voir le site "ecrilu".

  • cavalli, le 19/09/2017 à 10:37
    Une évaluation longue et complexe  tant mieux

    enfin de bonnes résolutions après les dérives des années passées ;
    un examen d'entrée en différents types de 6e devrait être mis en branle aussi , comme c'est le cas dans certains pays , mais on est sur la bonne voie avec ces évaluations de 6e ; ce qui compte est de former des classes homogènes pour pouvoir mieux faire avancer chaque enfant ; le reste procède de l'amateurisme idéologique du niveau  mjc ,dont nous voyons malheureusement les résultats , depuis trop longtemps déjà , en France .
    • JoelleMartin, le 19/09/2017 à 14:47
      Alors cavalli, vous faites comment pour les faire ces classes homogènes, une fois que les évaluations ont été passées???? 
      Des anathèmes, des mensonges, des approximations, c'est là la somme de vos arguments (et je fais court) !!!
      Faiblesse, faiblesse!
      Au fait c'est quoi votre métier? Votre âge?

      en passant je suis institutrice, j'ai 56 ans et suis lassée de vos commentaires iniques et n'apportant rien mais alors rien du tout sur ce site!!!
      • cavalli, le 19/09/2017 à 22:29
        Cavalli c majuscule svp
        Des anathèmes  ! ouaouh comme vous y allez !  mais ce que vous défendez est un anathème , les sciences de l'éduc et tutti quanti
        faire court vous va bien  ouf !


        j'ai 30 ans et suis premier violon à Brême (deutschland) mais français
        le wend , boulanger pour les fins de mois (schwarzbrot natürlich)
      • cavalli, le 19/09/2017 à 22:31
        c'est votre intolérance aux propos contraires qui est inique (propos partagés largement par les parents d'élèves , les philosophes, de Onfray à Finkielkraut par exemple ,enfin autres que les illuminés passant sur France inter) on le voit bien   ,intolérance d'une certaine gauche pourrie et boboisée , ne prônant que des valeurs qu'elle n'applique pas à elle même  ; tout cela est bien connu
        au demeurant je ne vois pas ce que votre âge a à voir la dedans....le fruit est mûr , il est temps de quitter l'arbre
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