Faut-il simplifier le bac ? 

Le 13 juin, le ministère présente la nouvelle édition du baccalauréat. Nouvelle et probablement dernière. Car 2017 verra probablement la dernière année du bac tel qu'il est établi depuis un demi siècle, avec une accumulation d'épreuves finales. Emmanuel Macron a promis la refonte du bac qui compterait nettement moins d'épreuves. Le 5 juin, Jean-Michel Blanquer parle de "remuscler le bac". N Vallaud-Belkacem évoquait en juillet 21016 la "simplification du bac". L'idée de réduire le nombre d'épreuves semble faire consensus. Pourtant elle pourrait avoir des conséquences néfastes.

 

"Remuscler" le bac

 

" J'ai toujours été un défenseur inconditionnel de l'existence du baccalauréat mais je pense qu'il faut qu'on retrouve son utilité profonde, qui est non pas d'être une forme d'évaluation finale de l'élève, mais... un tremplin pour la suite de son parcours", a déclaré Jean-Michel Blanquer sur France Culture le 5 juin. Il annonce un bac plus exigeant avec davantage de contrôle continu et quelques épreuves finales.

 

Pour le ministre il s'agit de " remuscler ce baccalauréat pour lui donner plus de sens et pour le rendre plus utile, tout simplement, pour les élèves... Le baccalauréat non seulement n'est pas menacé de disparition, mais il a au contraire des perspectives d'évolution pour lesquelles le débat est très largement ouvert".

 

Une idée qui fait consensus ?

 

Mais Jean-Michel Blanquer n'a pas initié le débat sur la réforme du bac. En juin 2016, Annie Genevard, alors déléguée nationale à l'éducation des Républicains, promettait une réforme du bac en cas de victoire de son parti.  " Il faut recentrer les épreuves sur les matières fondamentales de chaque section par des coefficients significatifs... Le nombre d'options offertes au bac pourrait être réduit sans pour autant nuire à la motivation des lycéens pour des matières qui ne seraient plus au programme du baccalauréat, en les intégrant par exemple au dossier scolaire avec des appréciations susceptibles d’être valorisées dans les choix d’orientation futurs", disait-elle. Elle reprenait là une idée exprimée dans un rapport de 2009 de Benoit Apparu.

 

A gauche, le Think Tank Terra Nova publie au même moment une étude de Martin Andler et Armelle Nouis qui défend la même idée. Les auteurs proposent de limiter l'examen  à 4 épreuves passées en deux journées. Les autres disciplines seraient évaluées au contrôle continu.

 

Finalement, en juillet 2016, N. Vallaud Belkacem annonce elle -aussi une réforme du bac. "Il faudra faire un jour le toilettage du bac, avec sans doute moins d'options, moins d'épreuves et un calendrier plus équilibré", dit-elle dans Les Echos. Plus tard sur RTL elle ajoute qu'il y a "trop d’épreuves, trop d’options".

 

Tout cela se retrouve en 2017 dans le programme Macron. Il prévoit d'alléger le bac en réduisant à 4 épreuves l'examen final, les autres disciplines étant au contrôle continu. Pour le candidat il s'agit " de rendre possible de nouvelles formes d’organisation du temps scolaire et de nouveaux parcours, qui prépareront mieux à la poursuite d’études et à l’insertion professionnelle".

 

Quel coût pour le bac ?

 

Les arguments avancés sont de deux types. Il y a ceux qui évoquent la complexité et le cout du bac. C'est vrai qu'avec ses deux types d'épreuves (anticipées et normales) le bac concerne plus d'un million de jeunes qui produisent 4 millions de copies traitées par près de 200 000 correcteurs. Selon le ministère le coût est de 81 euros par candidat mais cette somme ne prend pas en compte les cours qui auraient pu avoir lieu durant ce temps d'examen.

 

Mais ce qu'on voit poindre aussi comme argument c'est le manque de sélectivité du bac. C'est ce qui est sous-jacent dans l'idée de "remuscler "le bac. A quoi bon un examen si 90% des candidats le réussissent ? Comme s'il était anormal qu'un taux de réussite soit élevé pour un examen de fin d'études. En arrière plan il y a l'idée de mieux sélectionner els candidats pour le post bac. Mais on sait qu'aujourd'hui la sélection s'effectue avec APB avant le bac. Le bac joue le rôle de garantie démocratique d'accès au supérieur en donnant un ticket d'entrée. On verra que c'est cela qui est maintenant attaqué.

 

En fait ces deux types de critiques ne pointent que le bac général. C'est le bac général qui multiplie les options alors que les bacs pro et technologique sont beaucoup plus simples. Ces options servent à effectuer un tri des candidats à travers les mentions. Le taux de réussite au bac professionnel stagne à 80%.Il a même baissé par rapport à ses débuts. Enfin un jeune sur cinq n'a toujours pas le bac, ne serait ce que parce que le système l'a déjà orienté ailleurs ou fait quitter l'école.

 

Le danger d'épreuves au controle continu

 

Pourtant la nature de l'examen n'est pas sans conséquences pour les candidats. Faire passer les épreuves au contrôle continu ou dans le cadre d'un examen final change beaucoup de choses. Dans le premier cas cela créé davantage d'inégalités entre les candidats car la correction n'est pas anonyme et les stéréotypes jouent leur rôle de façon plus importante qu'avec une correction anonyme ou par un enseignant inconnu.

 

Surtout, installer le contrôle continu c'est transformer le bac de diplôme national en diplôme d'établissement. Or, compte tenu des écarts énormes de niveau entre les établissements, cela se retournerait contre les lycées des quartiers populaires et leurs élèves.

 

Pourquoi faut-il un nombre important d'épreuves finales ?

 

Dans une étude sur le bac publiée en juin 2016, le CNESCO met l'accent sur le principal handicap d'une réduction du bac à quelques épreuves.

 

Dans le Café pédagogique du 15 juin 2016, Nathalie Mons, présidente du Cnesco, explique précisément pourquoi la réduction du nombre d'épreuves à l'examen final est une fausse bonne idée. " Ces évaluations externes élèvent le niveau général des élèves et réduisent les écarts de résultats entre eux", dit-elle. "Cela s'explique par le fait que l'évaluation externe fait référence dans tous les établissements. C'est un objet pédagogique externe qui oriente les pratiques pédagogiques".

 

"Dans les établissements défavorisés ça permet d'avoir des objectifs nationaux et du coup d'aller au delà des difficultés scolaires des élèves", explique-t-elle. " On se rappelle qu'Agnès van Zanten, par exemple, a montré que dans les établissements défavorisés les enseignants ont tendance à s'adapter au niveau des élèves. L'examen final externalisé rompt avec cette habitude et élève les objectifs".

 

Mais elle fixe aussi des conditions à ces épreuves finales. "La première c'est qu'il faut un examen de qualité. Par exemple, on a vu, dans certains états américains, se mettre en place des tests par QCM . Cela a donné de mauvais résultats. Entre autre le "Teaching to the test". Il faut aussi que l'examen soit assis sur un champs large de matières. L'idée de limiter drastiquement le nombre de disciplines présentées à l'examen serait une lourde erreur. On perdrait l'effet bénéfique de l'examen final".

 

La question de la sélection

 

Alors pourquoi tenir tant à un bac simplifié ? Dans l'esprit d'Emmanuel Macron cette réforme est liée à celle de l'entrée dans le supérieur. Le bac "remusclé", ne sera plus un examen de fin d'étude ouvrant droit automatiquement aux formations du supérieur.

 

Chaque établissement supérieur fixera le niveau attendu dans 4 ou épreuves finales du bac pour prétendre être admis. Cette réforme permettra probablement d'améliorer l'orientation et donc le taux de réussite des admis dans le supérieur.

 

Mais c'est bien la sélection à l'entrée dans le supérieur que va concrètement instaurer le nouveau président. Et cela de la façon la plus dure puisque chaque université pourra fixer son seuil d'entrée. On peut gager qu'on va assister à une belle surenchère entre universités pour accaparer les meilleurs candidats et exclure les autres.

 

Cette sélection ne résoudra pas les inégalités de niveau entre lycées et entre jeunes. Elle n'apporte pas de solution au taux d'échec dans le supérieur sauf à dire qu'on en réserve l'accès aux seuls candidats sans risque. Elle n'apporte pas de réponse au besoin de renforcer le référentiel des bacs pros par exemple.

 

Elle n'offre aucune chance supplémentaire aux jeunes des  quartiers populaires. Bien au contraire elle fait semblant de considérer que les élèves travaillent dans des conditions identiques pour les rendre seuls responsables de leur niveau.

 

Elle ne fera que refermer davantage l'accès à l'enseignement supérieur. D'ailleurs, pour les bacheliers professionnels, E Macron a imaginé une filière spécifique, en alternance,  qui achèvera leur mise à l'écart. Une solution que Geneviève Fioraso avait envisagée avant de l'écarter.

 

Si l'idée de la simplification du bac peut sembler attirante, ne serait ce que pour alléger un dispositif qui est devenu complexe dans les seules filières générales (ailleurs il n'y a pas d'options), on voit que les enjeux sont tout autres. "Simplifier" le bac c'est encore un grand saut social en arrière.

 

François Jarrraud

 

Nvb dans les Echos

Sur RTL

A Genevard

Terra Nova

N Mons

Article 20 Minutes

Le programme Macron

Blanquer : la dangereuse réforme du bac

 

 

Par fjarraud , le mardi 13 juin 2017.

Commentaires

  • Martin Andler, le 13/06/2017 à 09:22
    Il y a, c'est évident, des risques à mettre en place un baccalauréat pour lequel certaines épreuves seraient évaluées en contrôle continu. Mais les risques du statu quo sont bien plus graves :
    - le bac-examen n'a pas empêché, bien au contraire, le creusement des inégalités entre établissements,
    et des inégalités sociales entre élèves. Il y a ceux qui, bien informés, savent que 1° l'enjeu est d'avoir
    un bon dossier pour APB; 2° l'important est de se préparer pour les études après le bac, et les autres
    qui reçoivent un message qui ne correspond pas à la réalité, que le bac suffit pour réussir ses études ultérieures, qui croient à cette garantie ultime : "si tu as ton bac, c'est bon"
    - il est également bien clair que le côté encyclopédique du bac actuel est préjudiciable
    à l'approfondissement, prépare bien mal à la suite des études, et est socialement discriminant, comme l'est d'ailleurs la division actuelle en séries.

    Le maintien d'un certain nombre d'épreuves dans l'examen final est une garantie qu'il y aura une norme commune.

    Réfléchissons plutôt ensemble à la manière de réformer le bac et les années du lycée ; dans la note de Terra Nova : http://tnova.fr/etudes/comment-sauver-le-bac que vous avez citée dans votre article (et critiquée l'an dernier) il y a des pistes intéressantes.  

      
     


    • thais8026, le 13/06/2017 à 15:40
      Cela choque qu'il y ait autant de reçu mais cela choque aussi que l'on ne veuille plus que cela soit le 1er diplôme universitaire.
      Le bac est à la fois un diplôme de fin d'étude et un diplôme d'accès au supérieur. Or depuis quelques années il est devenu un diplôme de fin d'étude : à cause d'APB et à cause du niveau de celui-ci.
      Le niveau du bac semble intéressant mais les instructions de correction le déconsidèrent complètement et le supérieur ne s'y trompe pas.
    • fjarraud, le 13/06/2017 à 12:11
      Merci de cette invitation au débat
      cordialement
  • maria58, le 13/06/2017 à 09:18
    Un bac "simplifié" transformé en diplôme d'établissement, c'est évidemment un boulevard pour l'instauration d'une sélection à l'entrée de l'enseignement supérieur, et des bâtons dans les roues en particulier pour les jeunes "qui ne viennent pas du bon lycée".
    La sélection, pile au moment où la poussée démographique étudiante devrait conduire à augmenter les capacités d'accueil, c'est aussi une logique comptable de réduction de la dépense publique qui écrase toute autre considération - quand il faudrait au contraire augmenter la "production" de diplômés du Sup (cf pénurie d'ingénieurs, de profs, de médecins etc....).

    Et puis il y a autre chose, qui fait écho à la Loi Travail 1 et au projet de Loi Travail 2 par ordonnances.
    Le bac diplôme national est reconnu dans les conventions collectives, imposées au patronat en 1936 (victoire électorale du Front Populaire + grèves). Via les convention collectives, le bac diplôme national donne droit à un salaire en-dessous duquel on ne peut descendre, quel que soit l'endroit où l'on a passé son bac, quel que soit son "quartier".

    Substituer au bac diplôme national, autant de bacs que de lycées, c'est la même logique que remplacer le Code du Travail valable partout, par autant de codes locaux que d'entreprises, ce que prépare Macron avec sa Loi Travail 2.

    C'est bazarder les droits et garanties collectifs qui protègent tout le monde (et d'abord les plus vulnérables) pour envoyer les individus négocier seuls et sans point d'appui leurs conditions d'embauche, avec un employeur qui fait ce qu'il veut. 
    A ce petit jeu-là, aucun bachelier, qu'il soit de Paris 16e ou d'Aubervilliers, n'a rien à y gagner, mais beaucoup à y perdre.
    • Martin Andler, le 13/06/2017 à 09:27
      Vous confondez sélection et sélectivité. La sélection, c'est un mécanisme qui permet de vérifier le degré de préparation des étudiants au cursus qu'ils vont suivre. C'est la première étape d'un contrat pédagogique, d'un contrat de réussite. La sélectivité, c'est la détermination d'un proportion d'étudiants qui vont être admis par rapport à ceux qui ne le sont pas.

      Par ailleurs, vous semblez croire que le baccalauréat actuel, diplôme national avec un examen
      national, a bien fonctionné pour empêcher le creusement des inégalités entre lycées de centre-ville et de banlieue ! Ouvrez les yeux.  
      • thais8026, le 13/06/2017 à 15:57
        Maria58 ne parle absolument pas du fait que le bac à empêcher le creusement des inégalités, ce creusement ayant eu lieu bien avant, elle parle de la rémunération minimale qu'instaure le bac.
        Rappel de définition :
        Sélection : Limitation du nombre des bénéficiaires d'un enseignement au moyen du contrôle des connaissances.
        Sélectivité : Caractéristique "d'un récepteur radioélectrique", mesurant son aptitude à assurer la sélection du signal voulu. Ce terme est utilisé en science.
        Donc je pense que vous avez confondu les deux termes et donc marie 58 a raison.
        De plus, le bac n'est pas responsable du creusement des inégalités, il permet, un peu tard, avec ce qu'il reste des élèves de milieux défavorisés d'éviter encore plus d'inégalité


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