Enseignement professionnel : Des élèves divers construits par la ségrégation 

On savait que les élèves de lycée professionnel forment un public spécifique. Ce que montre l'étude réalisée par Prisca Kergoat, Valérie Capdevielle-Mougnibas, Amélie Courtinat-Camps, Julie Jarty et Benjamin Saccomanno, tous de l'université Toulouse Jean Jaurès, c'est que ce public est fracturé, notamment en fonction de l'expérience de la ségrégation qu'il connait. Les auteurs ont étudié près d'un millier de lycéens professionnels des filières batiment et services à la personne à la fois à travers un riche questionnaire et des entretiens Ils ont aussi travaillé sur un questionnaire et des entretiens avec des enseignants.

 

Certes ces élèves appartiennent au milieu populaire. " Les élèves de LP ont plus souvent des parents ouvriers et employés que ceux de l’enseignement général et ont des parents moins stabilisés dans l’emploi que les apprenties et les apprentis. En matière de mixité, les filles sont moins représentées en LP qu’au sein de l’enseignement général, mais le sont davantage qu’en apprentissage. Les élèves de nationalité étrangère ou issus de l’immigration sont, quant à eux, largement plus représentés en LP qu’au sein de l’enseignement général et de l’apprentissage. Conformément à la littérature , nos résultats confirment l’importance de la ségrégation des espaces de la formation professionnelle et c’est cette ségrégation qui donne l’illusion d’une homogénéité des publics de LP".

 

Car l'étude montre surtout les différences entre les élèves conduisant à des profils très différents mais tous marqués par l'expérience de la ségrégation. Celle ci est bien le moteur identitaire des élèves.

 

Selon l'étude " quatre milieux socioculturels ont été dégagés : 29 % de la population est de milieu très populaire, 28 % de milieu populaire, 19 % relève du milieu intermédiaire et 16 % du milieu favorisé". Un tiers des élèves ont des parents "en processus de reprolétarisation".

 

" Le questionnaire met en exergue des écarts importants entre les filles et les garçons. En premier lieu, les parcours scolaires sont différenciés" les filles se déclarant  plus travailleuses et plus satisfaites. Leurs formes de transgression sont très différentes de celles des garçons, plus collectives  et finalement plus complices avec les enseignants. Alors que celles des garçons sont individuelles et plus conflictuelles. Or la ségrégation sexuée domine ces filières professionnelles.

 

" En ce qui concerne les origines ethniques, nos résultats montrent combien la prise en compte de cette dimension s’avère nécessaire. La ségrégation ethnique s’articule à la ségrégation sociale et à celle de genre. Nous avons découvert des établissements entiers dont l’origine des élèves (imputée ou supposée) semblait indiquer une origine étrangère", note l'étude. Elle souligne " les écarts entre les enfants dont les parents sont nés en France et les enfants nés ou dont les parents sont nés à l’étranger. Ces derniers sont plus souvent issus des fractions les plus populaires et ont une plus forte probabilité d’avoir un père ouvrier ou au chômage et une mère inactive" . Surtout elle montre que le vécu des élèves varie selon leur origine ethnique. "Les élèves originaires de l’Europe du Sud, de Turquie, ou celles et ceux arrivés récemment en France ou en Métropole (élèves provenant de Mayotte par exemple) ont une perception de la formation, et tout particulièrement du métier, nettement plus positive que les élèves originaires du Maghreb. En effet, lors des entretiens, les garçons originaires du Maghreb soulignent les pratiques discriminatoires dont ils ont été l’objet durant la recherche de stages et expriment, plus souvent que les autres, un rapport contrarié à l’orientation et au métier." Là aussi c'est la ségrégation qui est le moteur de l'identité.

 

Cela amène les auteurs à dessiner 5 profils différents d'élèves en fonction du sexe, d el'origine et de l'attitude envers l'école.

 

François Jarraud

 

L'étude

Notre dossier ségrégation

Notamment ce plaidoyer contre l'apartheid scolaire

 

 

Par fjarraud , le mercredi 24 mai 2017.

Commentaires

Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces