Jean-Michel Blanquer : Un idéologue au ministère 

C'est un ministre plein d'idées sur ce que doit être l'éducation nationale qui revient au ministère de l'éducation nationale.  Il les a diffusées récemment dans deux livres qui sont les clés pour comprendre son action. Surtout il les a mises en pratique avant 2012 et n'a pas changé d'un iota depuis. Des idées qui sont aux antipodes de celles suivies depuis 2012. Pour l'Education nationale des temps compliqués commencent...

 

Le pilotage par la preuve

 

Jean-Michel Blanquer n'a jamais enseigné dans le monde scolaire. Mais il affirme qu'il y a des réponses scientifiques aux problèmes éducatifs. En novembre 2016 il nous disait : "oui, il y a de « vrais leviers »  pour améliorer l’éducation et leur caractère bénéfique est prouvé : une pédagogie explicite et progressive dès les premiers moments de l’école, le rapprochement parents-école, la formation des professeurs, l’autonomie des établissements, l’attention à des facteurs extra-scolaires comme le sommeil etc. Nous avons été trop victimes d’une approche idéologique ou « au doigt mouillé » aggravée par le caractère centralisé et bureaucratique de notre système. On doit le libérer en donnant à chacun les moyens d’agir et en éclairant l’action par la science". Dans son discours d'investiture, le 17 mai 2017, il est revenu sur cette nécessité d'expérimenter.

 

Il prend cette idée à la lettre et l'applique de façon non scientifique et, comme les faits vont le démontrer, simpliste.  JM Blanquer est un spécialiste du droit. C'est au nom de la science qu'il participe sous de Robien en 2006 à une tentative d'imposer la méthode syllabique, peut-être dans une confusion entre la nécessité d'enseigner le lien graphème phonème et le B A BA.

 

Comme directeur de l'enseignement scolaire, il a imposé des évaluations à l'école primaire qui devaient piloter l'action ministérielle mais qui ont fini par être jugées "trompeuses" par le Haut Conseil de l'Evaluation, une structure pourtant instituée par la droite. Là aussi il n'y avait aucun  protocole scientifique sérieux. Il a également soutenu le projet Agir pour l'école, issu d'une  initiative du thinktank libéral Institut Montaigne, dont l'auto-évaluation  a été contredite par des expertises scientifiques.

 

Si Jean Michel Blanquer a si mal vécu cet épisode, c'est à cause du role qu'il donne à la pseudo évaluation scientifique. Elle n'est pas là pour faire avancer les connaissances mais pour légitimer des politiques ou des dispositifs ce qui  affecte gravement la qualité de la démarche.

 

Quatre idées de JM Blanquer

 

Ses autres idées sur l'éducation ont été présentées dans deux livres, "L'école de la vie" en 2014, puis "l'école de demain", titre prémonitoire, un véritable livre programme qui a perfusé dans le programme de E Macron.

 

Le premier principe c'est l'autorité. JM Blanquer veut cadrer les pratiques pédagogiques dans l'éducation nationale. Et pour que cela soit possible il souhaite renforcer les pouvoirs des chefs d'établissement et des directeurs d'école, qui deviendraient les supérieurs hiérarchiques des enseignants. Les enseignants seraient recrutés sur profil et évalués par les seuls chefs d'établissement, à l'image de ce qu'avait institué le décret Chatel en 2012 (annulé ensuite par Robien). Les inspecteurs disparaitraient, fondus dans un corps unique avec les chefs d'établissement (ce qui est une revendication de certains syndicats) et vaguement associés comme "experts disciplinaires" au controle des enseignants.

 

Le second principe c'est l'autonomie des établissements, c'est à dire en fait des chefs d'établissement. JM Blanquer s'en défend. En 2016 il nous disait : " L’autonomie des établissements n’est pas synonyme de caporalisation mais de travail d’équipe. C’est une logique de responsabilisation". Mais il souhaite que les chefs d'établissement aient une large liberté pour affecter la dotation horaire entre les disciplines.

 

Troisième principe : les fondamentaux, réduits par JM Blanquer aux seuls français et maths. Au primaire, ces deux disciplines représenteraient 20h / 26 h d'enseignement (actuellement il y a 24h d'enseignement). Dans le secondaire, elles représenteraient 10 heures hebdomadaires au minimum. Les collèges comme les écoles doivent être libres d'adapter le curriculum à leurs besoins. Autrement dit maths et français pourraient prendre le temps des autres disciplines.

 

Le quatrième principe en découle : c'est la hiérarchisation. Sous prétexte "d'intelligences multiples", pourtant peu développées au primaire, le nouveau "collège commun" préparerait des parcours spécifiques pour les élèves. Ceux ci seraient réunis en "groupes de compétences", une formule qui pourrait bien se réduire à des groupes de niveau. Enfin il recommande dans son livre la fin de la poursuite d'études supérieures pour les bacheliers professionnels.

 

Des idées mises en application en 2017 ?

 

Si on retrouve dans son livre l'essentiel du programme qui sera celui d'E Macron, ce n'est évidemment pas par hasard. "Une de mes lignes de conduite sera d'évaluer ce qui marche. Ma démarche sera scientifique. Quand on fait quelque chose on regarde si ça a des résultats positifs. Si oui on continue. Sinon on fait autre chose". Le 17 mai 2017 , JM Blanquer revient sur l'évaluation pour légitimer les futurs choix politiques. Mais l'auto évaluation par le ministère des politiques  ministérielles n'a qu'une seule valeur : celle de faire taire les opposants et d'influencer l'opinion.

 

François Jarraud

 

Sur JM Blanquer : entretien de 2016

En 2014

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 18 mai 2017.

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